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Des opérateurs privés sur un marché en croissance

Les Pratiques | Point fort | publié le : 01.05.2007 | Marie-Pierre Vega

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Des opérateurs privés sur un marché en croissance

Crédit photo Marie-Pierre Vega

Après un premier test jugé réussi en 2005, l'Unedic a décidé de confier 46 000 demandeurs d'emploi à 17 entreprises privées et associations. Cinq mois après le lancement de cette nouvelle expérimentation d'accompagnement renforcé, voici un tour d'horizon des lauréats, leurs moyens, leurs méthodes et les premiers résultats.

En 2005, à titre expérimental, l'Unedic a confié 10 000 demandeurs d'emploi présentant un risque de chômage de longue durée à cinq opérateurs privés. Objectif : les faire bénéficier d'un accompagnement personnalisé et renforcé pour accélérer leur retour à l'emploi. Les résultats sont considérés comme positifs.

L'Unedic décide d'élargir le marché à 46 000 nouveaux bénéficiaires par an pendant deux ans, pour un montant de 161 millions d'euros. Un deuxième appel d'offres, européen cette fois-ci, a abouti à la sélection de 17 opérateurs, à pied d'oeuvre depuis décembre dernier.

Les cinq organismes de la première expérimentation rempilent. Ainsi, en 2007, 7 200 demandeurs d'emploi seront accompagnés par Altedia ; 6 400 par BPI ; 6 000 par Ingeus ; 5 200 par Adecco et 1 500 par l'Apec. Deux autres sociétés d'intérim font une percée, Vedior (2 500) et Creyf's (2 400). Avec Adecco, les groupes de travail temporaire ont raflé plus du cinquième du marché. Sodie, spécialiste de la revitalisation des bassins d'emploi, a aussi gagné son ticket d'entrée pour 5 600 personnes. Plusieurs petits cabinets de conseil, implantés, pour certains, en province, font leur entrée en scène : Intra-Conseils en Alsace (1 500), Eurydice Partners sur l'Ouest francilien (2 000 personnes), C3 Consultants (1 800) et JBL Consultants (200) dans les Pays de la Loire.

De nouveaux profils parmi les lauréats

De nouveaux acteurs investissent le marché : les chambres de commerce et d'industrie de Bordeaux et de Toulouse accompagnent, chacune, 200 créateurs et repreneurs d'entreprise. Les associations sont peu représentées : outre l'Apec, figurent l'Adie (Association pour le droit à l'initiative économique, 200 personnes) et la Boutique de gestion d'Ile-de-France (500). Enfin, un étranger, non implanté sur le territoire français, a remporté, lui aussi, l'appel d'offres : le britannique A4E (lire p. 16).

Des créateurs d'entreprise aussi

La nouvelle expérimentation concerne toujours les demandeurs d'emploi susceptibles de s'enfoncer dans un chômage de longue durée, mais pas eux seuls. Ainsi, sur la cible annuelle de 46 000 personnes, 41 000 chômeurs dits en difficulté bénéficieront d'un suivi hebdomadaire sur six mois. Un millier d'autres suivront un parcours intensif pendant trois mois. Enfin, 1 500 cadres seniors et 2 500 chômeurs porteurs d'un projet de reprise ou de création d'entreprise seront soutenus. Cette innovation a attiré de nouveaux acteurs, comme la CCI de Bordeaux. « Nous tirons notre légitimité de notre savoir-faire confirmé dans l'accompagnement de porteurs de projets et l'accès aux financements », explique Eric Duret, responsable du service création d'entreprise.

De la logistique et des hommes

Le cahier des charges de l'Unedic impose la norme d'un consultant référent pour 40 candidats. Certains opérateurs ont dû recruter, comme Sodie, qui a embauché la moitié des 35 consultants dédiés à la mission. « Ce sont des profils relativement similaires à nos recrutements habituels, que nous souhaitons pérenniser et orienter en cours de route vers les autres métiers du groupe, car je ne pense pas qu'il soit bon de faire du placement de chômeurs pendant deux ou trois ans d'affilée », estime Zoltan Kahn, directeur du développement commercial de Sodie. La prospection des offres d'emploi est confiée à neuf autres personnes.

Intra Conseil, petit cabinet de 13 salariés dont 10 consultants, spécialisé dans les cellules de reclassement, fait au contraire le choix de la polyvalence : « Les conseillers référents prospectent aussi les entreprises, au minimum 50 sociétés par semaine, car ce sont eux qui connaissent leurs candidats et sont à même d'en parler aux recruteurs », explique Audrey Gless, la directrice.

Les candidats sont reçus dans les locaux de l'opérateur, comme à la CCI de Bordeaux, qui a simplement transféré les bureaux de ses conseillers à la création d'entreprise au rez-de-chaussée, plus adapté à l'accueil du public. Comme tous les opérateurs, elle a aménagé un espace informatique et documentaire en libre accès, « faiblement fréquenté, car l'essentiel du travail se fait en face-à-face avec le consultant », relève Eric Duret. A l'inverse, Sodie a loué de nouveaux locaux pour mettre en place trois plateformes dans l'Est francilien, trois autres en Lorraine et deux dans le Nord-Pas-de-Calais, de 200 à 400 m2 chacune. « Il y a certaines zones où nous n'étions pas du tout implantés », précise Zoltan Kahn. Le britannique A4E, lui, ne possédait rien en France quand il a remporté l'appel d'offres. Aujourd'hui, ils sont 31 dont 17 conseillers emploi et 4 formateurs aux techniques de recherche d'emploi et de rédaction de CV. Sur les deux sites ouverts à Choisy-le-Roi et à Créteil (Val-de-Marne), ils travaillent en open space « et se tiennent aux côtés des demandeurs d'emploi, pas en face-à-face », note Maximilien Dorostian, directeur des opérations A4E France.

Accompagnement individualisé

Points communs des méthodes déployées : l'accompagnement individualisé et un suivi post-embauche sur six mois pour les demandeurs d'emploi, dix-huit mois pour les créateurs ou repreneurs d'entreprise. Les candidats sont adressés par l'ANPE et reçus en réunion d'information collective avant de décider d'adhérer ou non. Chaque opérateur assaisonne ensuite le parcours à sa manière. A la sauce anglaise pour A4E : les personnes envoyées par l'ANPE se présentent lors d'un «welcome» collectif, puis sont orientées vers un conseiller emploi pour un entretien individuel. Celles qui décident, ensuite, d'adhérer s'engagent sur une « passerelle de retour vers l'emploi », soit « deux semaines d'activité de 15 heures hebdomadaires minimum pour finaliser le projet professionnel, rédiger son CV et sa lettre de motivation et déterminer un plan d'action avant de se lancer dans la recherche d'emploi, explique Maximilien Dorostian. Nous suivons le process A4E à la lettre, avec un peu moins d'intensité qu'en Angleterre, où le demandeur d'emploi passe 35 heures par semaine chez son opérateur privé. »

Mise en relation rapide avec les entreprises

L'accompagnement est limité à six mois. Il faut donc aller vite. Pour permettre une mise en relation rapide avec les entreprises, Intra Conseils diffuse sur son site Internet les CV des candidats, qui peuvent également consulter les offres déposées gratuitement par les entreprises. « Chaque mois, nous publions aussi des mini CV sur les supports adressés à leurs adhérents par des organisations patronales locales telles que le Medef, la CGPME ou l'UIMM », indique sa directrice.

Chez Sodie, les rendez-vous sont programmés sur le long terme. Le demandeur d'emploi est inscrit dans un parcours « dynamique et séquencé ». Il suit, ainsi, un à trois ateliers par semaine et s'entretient avec son référent au moins une fois tous les quinze jours. « En dehors du libre-service, le candidat vient chez nous tous les trois jours, indique Zoltan Kahn. Compte tenu du volume et de la finalité, c'est la garantie d'une adéquation équilibrée entre une efficacité d'organisation pour l'opérateur et de soutien pour l'individu. »

L'essentiel

1 L'Unedic a sélectionné 17 opérateurs privés et associatifs pour accompagner 43 500 demandeurs d'emploi et 2 500 créateurs ou repreneurs d'entreprise par an, sur deux ans.

2 Le profil des lauréats est varié : poids lourds du conseil RH, groupes d'intérim, petits cabinets de conseil régionaux, associations, et un étranger qui n'était pas implanté en France, le britannique A4E.

3 Les candidats bénéficient tous d'un accompagnement individualisé renforcé, sur la base d'un consultant référent pour 40 personnes. Chaque opérateur met en oeuvre à sa manière le dispositif.

Un nombre de bénéficiaires en deçà des objectifs

A fin mars, le placement expérimental de 46 000 demandeurs d'emploi continue de connaître une montée en charge difficile. Les entrées dans le principal dispositif, prévoyant un accompagnement renforcé sur six mois, sont chiffrées à 8 319, soit 58,2 % du flux attendu sur la période.

Le taux d'adhésion moyen des allocataires orientés par l'ANPE atteint à peine les 37 %, avec des variantes selon les opérateurs et les régions. Il est, par exemple, de 18,6 % pour Sodie dans l'Est francilien, contre 78,4 % pour Ingeus en Haute-Normandie. Altedia, unique opérateur de l'accompagnement intensif sur trois mois, enregistre 223 adhésions, soit un taux de réalisation de l'objectif de 63,7 %.

Le programme création et reprise d'entreprise n'a profité qu'à 327 personnes, soit 37,4 % du volume attendu.

Le dispositif dédié aux cadres seniors, lui, patine : l'opérateur, l'Apec, ne réalise que 6,9 % de l'objectif fixé, avec 36 adhésions.

L'Unedic, enfin, ne donne aucune indication sur le nombre de bénéficiaires ayant retrouvé un emploi sur cette période. La plupart des opérateurs restent également discrets sur ce point.

Grande-Bretagne : A4E sur tous les fronts

Inconnu en France, A4E est un prestataire de Jobcenter Plus, le service de l'emploi et de l'aide sociale du gouvernement britannique. Créé en 1986 pour accompagner les chômeurs de la région sinistrée de Sheffield, A4E opère, aujourd'hui, dans tout le Royaume-Uni avec 120 bureaux. « Nous sommes fournisseurs du New Deal, le programme obligatoire de retour à l'emploi intensif auquel doivent s'inscrire les personnes qui perçoivent des indemnités de chômage depuis six mois », explique David Bailey, directeur du développement d'A4E.

Le dispositif s'articule autour de deux volets : « «curatif» pour bâtir le projet du candidat, et «préventif», pour préparer le candidat à se réintégrer dans un emploi et à mieux réagir en cas de nouvelle période de chômage, précise David Bailey ; 60 % des chômeurs de moins d'un an retrouvent ainsi un emploi stable de plus de trois mois. » La société dirige des programmes similaires en Israël (Jérusalem), et, plus récemment, dans la vallée de la Ruhr allemande et en Pologne.

Au Royaume-Uni, A4E fait également de la gestion et de la répartition de fonds sociaux publics, ainsi que de l'éducation financière grand public, pour le compte du gouvernement. Elle propose aux entreprises des prestations de conseil RH et aux prisonniers du système pénitentiaire des actions d'éducation et de formation.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega