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Enquête

Objectif : reclasserla totalité des salariés

Enquête | publié le : 01.05.2007 | A. B.

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Objectif : reclasserla totalité des salariés

Crédit photo A. B.

Arena a confié le reclassement des 169 salariés licenciés au cabinet Axcess. Le contrat ? Un budget de 3 000 euros par personne, un délai d'un an pour un objectif de reclassement de 100 %.

La grande affiche représentant Laure Manaudou à l'entrée de la filiale commerciale d'Arena vient d'être retirée. Sa victoire à Melbourne n'a rien changé au sort des couturières de Libourne (Gironde). Le 2 avril, trois jours après la fermeture de l'usine, les 169 salariés licenciés ont rejoint la cellule de reclassement, hébergée sur le site et animée par le cabinet Axcess.

Pour l'heure, peu d'animation. On ne trouve que deux bureaux, un hall d'entrée et une machine à café. La salle de ressources, à l'étage, avec, en principe, ordinateurs, journaux et documents sur les secteurs d'activité, devrait être installée dans les prochains jours, selon le cabinet. Les intéressés ne viennent que pour leur rendez-vous individuel fixé avec le consultant, mais repartent aussitôt après chez eux.

Trois lignes de CV

Francette, 52 ans, vient de Dordogne, le département voisin. En attendant son rendez-vous, elle relit une dernière fois son CV. Un curriculum vitae qui tient sur à peine un demi-feuillet. Trois lignes pour résumer trente ans de travail. Un nouvel emploi ? Francette n'ose pas encore y croire. Sa collègue, Michèle, 40 ans, partage la même crainte : « J'ai été embauchée il y a vingt ans. A l'époque, l'entretien de recrutement avait été très rapide. L'entreprise avait besoin d'ouvrières, elle embauchait à tour de bras. Aujourd'hui, la concurrence est tellement rude. Et puis « se «vendre» en entretien, ça veut dire quoi ? Je n'ai jamais fait ça. »

Première mission : rassurer

Mission insurmontable ? « Il faut rassurer, répond Béatrice Viault, l'une des chevilles ouvrières de l'antenne emploi. Notre gros travail est de mettre en lumière ce qu'elles n'imaginent pas. Les filles d'Arena ont des compétences recherchées par les entreprises. Or, elles ont tellement la trouille de ce marché de l'emploi qu'elles ne connaissent plus qu'elles ne voient pas ce qu'elles peuvent faire. »

Comment appréhender ce fameux marché ? C'est là que la méthode d'accompagnement prend forme. Après une première photographie des besoins du bassin d'emploi, réalisée par le cabinet, le bilan est le point de départ de l'accompagnement. L'objectif est, ici, de faire le point sur la carrière du candidat et d'identifier ses savoir-faire. Le bilan se déroule sur quatre à cinq semaines. Avec l'aide d'un consultant, le candidat analyse son parcours et ses motivations. Il faut détailler les tâches effectuées par les couturières, mettre en valeur leur polyvalence, les différents postes occupés et les responsabilités exercées. En clair, mettre des mots «techniques» sur des gestes répétées année après année.

Projets professionnels

Les conclusions de ce bilan peuvent être validées par des tests de personnalité. Une fois le profil de l'individu mis à plat, plusieurs semaines supplémentaires sont nécessaires pour dresser son ou ses projets professionnels. Peu, en fait, souhaitent reprendre une activité dans le textile par crainte de revivre un tel cauchemar. Mais quel autre métier peuvent-ils exercer ? Quel autre secteur d'activité peut rechercher des traceuses, piqueuses et autres couturières ? Une personne spécialisée en accompagnement de projet, de création ou de reprise d'entreprise se tiendra à la disposition des intéressés. D'ores et déjà, quelques pistes de reconversion se dessinent, elles devront être étudiées afin de tester la faisabilité du projet et de valider son adéquation avec le bassin d'emploi.

Activation

La deuxième étape du bilan est celle de l'activation. Le cabinet propose alors des ateliers collectifs de recherche d'emploi : simulation d'entretien de recrutement, techniques pour activer son réseau, se présenter... Une étape indispensable avant d'approcher activement le marché. Plusieurs contacts ont déjà été pris. Une entreprise voisine pourrait être intéressée par le rachat d'une partie des locaux et, peut-être, par la reprise d'une partie du personnel ; le groupement d'employeurs local est venu présenter son mode de fonctionnement et ses besoins. De même, un responsable d'une association de services à la personne a exposé devant le personnel les enjeux de son secteur. Mais sans offres concrètes, toutefois. Un représentant du travail temporaire est également venu plaider la cause de ce type d'emploi.

La solidarité se joue aussi à l'extérieur du département. Des entreprises de textile ont proposé des postes, dont certaines sont implantées sur ce bassin d'emploi, tandis que d'autres sont plus éloignées et donc bien moins accessibles.

Pas d'intéressement aux résultats

Concrètement, le cabinet s'est engagé à un taux de reclassement de 100 %. Il n'est, toutefois, pas intéressé aux résultats : ni bonus, ni malus ne sont prévus en cas d'atteinte ou non des objectifs. Son but ? Répondre aux obligations du cahier des charges : trouver pour chaque salarié licencié une offre valable d'emploi (OVE) : CDI, CDD ou mission d'intérim de plus de six mois. Une seconde OVE peut, toutefois, être proposée aux personnes terminant une mission courte ne débouchant pas sur un CDI. Pour réussir, le cabinet dispose d'un budget de 3 000 euros par personne et d'un délai d'un an (jusqu'à mars 2008) pour accomplir sa mission. Toutefois, un salarié pourra suspendre sa convention avec le cabinet le temps de sa formation et revenir ensuite à l'antenne emploi. Neuf consultants (cinq équivalents temps plein) venant de Paris et de Bordeaux se relaieront. Chaque coach sera chargé d'accompagner trente personnes.

A priori des recruteurs

Au local syndical, les déléguées syndicales, salariées protégées, qui n'ont pas encore été licenciées, restent dubitatives. Car, pour réussir, elles savent qu'il faudra faire tomber les a priori des recruteurs sur des femmes dotées d'une seule expérience, âgées en moyenne de 48 ans... « Nous, on n'a jamais évolué. Ils formaient toujours les mêmes dans les bureaux, la direction n'a rien anticipé. » L'amertume est vive.

A Libourne, ni les cadences effrénées des dernières années, ni la mise aux normes ISO 9001, ni les félicitations de la direction pour la qualité de la main-d'oeuvre n'ont pu empêcher la fermeture. Certes, après plusieurs semaines de conflit au début de l'année, le package de départ a été amélioré : chaque licencié partira avec un fixe de 12 000 euros, auquel s'ajouteront 400 euros par année d'ancienneté, au-delà de cinq ans de présence dans l'entreprise. Mais «les petites mains» auraient préféré garder leur travail. Car, malgré l'antenne emploi, la page est encore loin d'être tournée.

Arena

> Personnels licenciés : 169.

> Antenne emploi : cabinet Axcess.

> Budget : 3 000 euros par personne.

Auteur

  • A. B.