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Libérer le pouvoir de création des salariés

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 01.05.2007 | Rodolphe Helderlé

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Libérer le pouvoir de création des salariés

Crédit photo Rodolphe Helderlé

Une entreprise peut-elle installer une forme de démocratie participative ? C'est, en tout cas, l'expérience singulière tentée par le fondateur de l'entreprise Hervé Thermique. Toutes les directions gagneraient à impliquer davantage les salariés dans les processus de décision.

E & C : Vous estimez que de nombreux dirigeants se révèlent être, avant tout, des planificateurs. Quel paradoxe y voyez-vous ?

Michel Hervé : Je suis, en effet, toujours surpris par ces grands patrons qui sont des libéraux en macro-économie, mais qui se révèlent être des planificateurs au niveau micro. Je préfère l'autonomie et la responsabilisation à la planification. Il faut en finir avec cette idée qui consiste à vouloir tout contrôler. A l'heure où le Medef plaide pour un «besoin d'air» au travers d'un ouvrage collectif, je pense que les salariés ont, eux aussi, tout autant besoin d'air. Dans un système planifié, les gens ne cherchent pas à résoudre les contradictions auxquelles ils devront faire face. Il y a, chez Hervé Thermique, une reconnaissance d'un droit à l'erreur d'autant plus admise qu'elle s'inscrit dans la transparence.

Le développement d'une forme d'intra-entreprenariat est essentiel. Il suppose que les salariés prennent conscience de la nécessité de coopérer. Ce qui importe, dans une entreprise, c'est de libérer le pouvoir de création. Il ne faut pas chercher à dominer ce qui existe déjà. Cela sous-entend un rapport de confiance entre les salariés et leurs responsables hiérarchiques. Cette confiance est alimentée par un bain d'information qui doit être toujours plus important.

E & C : Comment se traduit l'approche participative dans votre entreprise ?

M. H. : Au-delà de l'autodéfinition de leurs propres objectifs, les 1 600 salariés participent à l'élaboration et au contrôle de l'objectif de leurs groupes métiers en se réunissant une fois par mois pour en suivre la progression. Cela représente 1 800 réunions par an. En plus de celles-ci, il y a des groupes fonctionnels qui élaborent des processus, des procédures, des règles, et en assurent la formation et le contrôle. Plus du tiers des salariés participent à ces actions bénévoles, sans gratification autre que celle de la reconnaissance sociale d'être expert dans tel ou tel domaine. Il se tient 1 200 réunions par an à ce niveau. Cette forme de démocratie participative permet de faciliter le respect des règles puisqu'elles sont élaborées par les groupes eux-mêmes. Certains peuvent y voir une perte de temps, or c'est exactement le contraire.

E & C : Est-ce que tous les salariés sont susceptibles d'adhérer à cette nouvelle culture d'entreprise ?

M. H. : Non. Nous avons fait le constat que certains profils n'étaient pas à l'aise pour travailler dans ce type d'organisation. Mieux vaut ne pas rechercher une culture de la hiérarchie, mais une véritable autonomie qui va de pair avec une forte implication et une capacité à prendre du recul par rapport à son activité. Lorsque nous rachetons une entreprise, il y a un véritable choc des cultures. La culture de la participation est une réalité chez Hervé Thermique. Un retour en arrière ne serait désormais pas accepté par les salariés. A mon sens, la démarche peut s'appliquer à n'importe quel type d'entreprise, quelle que soit sa taille. Il faut bien comprendre que l'approche collective ne se fait pas au détriment de l'individualisation, qui est tout autant nécessaire.

E & C : En quoi l'intranet facilite votre démarche ?

M. H. : Notre démarche organisationnelle préexiste à la mise en place de l'intranet. L'outil devient un facilitateur. C'est, par exemple, au travers de l'intranet que les cadres vont confronter leur propre évaluation à la référence extérieure que constitue celle de leurs collaborateurs. L'ensemble des 3 000 réunions annuelles sont gérées par un outil informatique développé par nos soins, qui permet à chaque participant d'intervenir sur l'ordre du jour et de publier un compte rendu accessible à tout le monde, puis d'approuver celui-ci à la réunion suivante. Mon meilleur indicateur du climat social se trouve dans la consultation des comptes rendus des réunions publiés chaque mois.

E & C : L'approche participative ne met-elle pas les organisations syndicales et les institutions représentatives du personnel en porte-à-faux ?

M. H. : La CFDT est le seul syndicat qui a pu tenir dans une approche où l'information sociale circule librement et où le rôle des représentants du personnel se trouve, de ce fait, quelque peu banalisé. L'évolution annuelle des salaires est, par exemple, négociée entre un collège de délégués du personnel et un collège de cadres représentant les intérêts de long terme de l'entreprise et non, comme souvent, entre le représentant du capital et ceux du travail.

Le temps du changement, Fritjof Capra, Le Rocher, 1994.

Civilisation matérielle, économie et capitalisme, Fernand Braudel, Armand Colin, 1986.

Singularités (jalons sur le chemin de la vie), Christian de Duve, Odile Jacob, 2005.

Ingénieur frigoriste, Michel Hervé crée l'entreprise Hervé Thermique en 1972, qui compte,aujourd'hui, 1 600 salariés pour un chiffre d'affaires de 240 millions d'euros. Il est membre du Medef et a présidé l'APCE (Agence pour la création d'entreprise) de 1991 à 2004.

Sur le plan politique, proche de Michel Rocard, Michel Hervé a été député des Deux-Sèvres en 1986 et député européen en 1989. Il a été maire de Parthenay de 1979 à 2001.

En 2007, il cosigne, avec Elisabeth Bourguinat et Alain d'Iribarne, un livre qui retrace son expérience : De la pyramide aux réseaux (éd. Autrement).

Auteur

  • Rodolphe Helderlé