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La bonne foi, une obligation pour l'employeur, une option pour le salarié ?

Demain | Chronique | publié le : 24.04.2007 | d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social

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La bonne foi, une obligation pour l'employeur, une option pour le salarié ?

Crédit photo d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social

Le Code civil pose un principe : « Les conventions doivent être exécutées de bonne foi. » (article 1134)

Le contrat de travail est souvent présenté comme un domaine d'élection pour l'obligation de bonne foi. Depuis la loi de modernisation sociale de 2002, cette obligation est d'ailleurs inscrite à l'article L120-4 du Code du travail.

La bonne foi n'est pas seulement, selon la formule du Doyen Ripert, un moyen utilisé par le législateur et les tribunaux pour faire pénétrer la morale dans le droit positif en général et dans le droit du travail en particulier, c'est également « une règle juridique, source de droits et d'obligations aux multiples applications pratiques » (D. Corrignan-Carsin, Loyauté et Droit du Travail).

L'obligation de loyauté inhérente au contrat de travail se définit le plus souvent à travers l'exigence de bonne foi, ou plus précisément à travers ce qu'elle n'est pas, à savoir l'absence de mauvaise foi ou de fraude (F. Terré, P. Simler et Y Lequette, Droit Civil. Les obligations ; Dalloz, Précis, 8e Ed. 2002, n°440). La loyauté ne serait alors que le moyen, en quelque sorte de manière négative, de sanctionner la mauvaise volonté de contractants (William Roumier Jurisclasseur fév. 2003).

Si, bien évidemment, les deux parties sont tenues d'exécuter le contrat de bonne foi, l'employeur a souvent le sentiment que cette obligation pèse essentiellement sur lui, au vu de certaines décisions de la Cour de cassation :

> Lorsqu'elle va valider le refus du salarié (29 janv. 2003 n° 00-46.322) d'accepter tout poste de reclassement ou une préretraite interne préférant un licenciement et le versement des indemnités prévues par le plan social, alors que parallèlement l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir de tout mettre en oeuvre afin de sauvegarder la pérennité de la relation de travail dans le cadre de ses obligations de reclassement et d'adaptation ;

> Lorsqu'elle considère qu'il n'y a pas manoeuvre dolosive justifiant le licenciement (16 février 1999 n° 96-45.565) lorsqu'un salarié fait mention dans un curriculum vitae d'une expérience professionnelle d'un an dans une grande entreprise alors qu'en fait il n'avait effectué qu'un stage de formation de 4 mois, au motif qu'il appartenait à l'employeur de ne pas croire sur parole les affirmations du salarié mais de l'interroger plus précisément sur son CV. Le salarié, aux termes de la loi, n'ayant à répondre « de bonne foi » qu'aux informations qui lui sont demandées ;

> Lorsqu'elle reconnaîtra que les parties étaient complices pour frauder l'Assedic en habillant en licenciement une rupture d'un commun accord, mais en annulant la transaction, ce qui entraînera pour l'employeur un rappel de salaire de six ans, pour le plus grand profit de son complice, le salarié (Cass. soc. 15 juil. 1998 n° 96-40.878 et Cass. soc. 24 janv. 2007 n° 05-42.135).

Qui est de mauvaise foi : le salarié qui détourne des fonds appartenant à l'entreprise et qui n'hésite pas à demander des dommages et intérêts à son employeur qui l'a licencié ou l'employeur qui utilise tout moyen pour rapporter la preuve des méfaits du salarié ?

Le salarié exécute-t-il de bonne foi le contrat de travail lorsque, pour être pris en charge par les Assedic, il s'absente sans justificatif pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, obligeant son employeur à le licencier ?

La bonne foi est à l'évidence utilisée par les magistrats comme variable d'ajustement pour rendre acceptables certaines situations au gré des préoccupations économiques ou sociales et le plus souvent en vertu de considérations extra-juridiques, laissant le sentiment que la bonne foi est parfois une option pour le salarié.

> Chantal Giraud-van Gaver

Avocate à la cour,

SCP Coblence & associés

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  • d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social