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Les Pratiques

Un bilan impossible à dresser

Les Pratiques | Retour sur | publié le : 17.04.2007 | Marie-Pierre Vega

Aux élections de mars 2004, les régions de gauche s'engageaient à créer 100 000 emplois-tremplins d'ici à 2010. Trois ans plus tard, il apparaît très difficile d'établir le bilan de ce dispositif mis en oeuvre de façon disparate.

Au printemps 2004, toutes les régions sauf une basculent à gauche. Pour lutter contre la montée du chômage chez les jeunes, elles parient sur un nouveau programme : les emplois-tremplins. Cette politique de contrat aidé doit soutenir les associations dans le recrutement de jeunes en CDI à temps plein, sur des postes répondant à des besoins émergents ou d'utilité sociale. Trois ans plus tard, sur le terrain, le degré de mise en place du dispositif s'avère pour le moins difficile à évaluer.

Extrapolation

Dans son chiffrage des programmes électoraux des candidats à la présidentielle, l'Institut de l'entreprise estime qu'à mi-chemin de la mandature, les régions ont créé 50 000 emplois-tremplins, soit la moitié du total annoncé : « Notre estimation est une extrapolation réalisée à partir des résultats constatés dans une grande collectivité, reconnaît cependant Jean-Damien Pô, directeur des études. A notre connaissance, aucun bilan consolidé n'a été établi. »

C'est apparemment le cas. Le bureau de Gaëtan Gorce, conseiller emploi de Ségolène Royal, botte en touche : « Cet aspect du projet emploi de la candidate n'a pas été géré par nous. » Sollicité sur le sujet, Gaëtan Gorce na pas donné suite. Du côté du PS, impossible d'en apprendre davantage. Un collaborateur du service économique, qui a « participé à l'écriture du programme emplois-tremplins pour les régionales de 2004 », le reconnaît : « Je ne sais pas où en sont les régions, qui sont les bénéficiaires, ni combien d'emplois ont été créés. S'il existe un bilan, il est à chercher du côté de l'ARF. »

Des régions prolifiques ?

Mais l'ARF, l'Association des régions de France, n'a aucune idée du nombre d'emplois-tremplins créés par ses adhérentes. Le service de presse recommande de s'adresser au conseil régional d'Ile-de-France : « C'est la région qui en a créé le plus, de la manière la plus aboutie, et saura combien il existe, aujourd'hui, d'emplois-tremplins en France. » Raté ! La région Ile-de-France n'en sait pas davantage. « En Ile-de-France, nous avons créé un millier d'emplois-tremplins, nous ne savons pas pour les autres. Un groupe de travail avait été monté au sein de l'ARF, mais il n'a pas perduré », peut seulement indiquer Delphine Pelade, sous-directrice de l'emploi. Et, contrairement à ce qu'affirme l'ARF, l'Ile-de-France n'est pas la plus prolifique : la région Poitou-Charentes revendique plus de 6 300 emplois-tremplins pourvus à fin décembre 2006. Sont à compter un millier d'autres en Provence-Alpes-Côte d'Azur, 400 en Rhône-Alpes, pas davantage dans les autres régions : il y a fort à parier que moins de la moitié des emplois-tremplins annoncés aient finalement vu le jour.

Le portrait-robot du bénéficiaire d'un emploi-tremplin est tout aussi impossible à dessiner. Car, sur le terrain, chaque région a accommodé le dispositif à sa sauce. En Paca, baptisé «emploi d'utilité sociale», il s'adresse à des personnes titulaires d'un niveau bac à bac + 4 selon le poste, ou d'une expérience professionnelle au moins équivalente. « Ce n'est pas un dispositif pour l'emploi des jeunes, mais pour développer des activités dans des niches susceptibles de créer de l'emploi pérenne, capable, à terme, de s'autofinancer. Sinon, l'emploi n'a pas de raison d'être. Nous avons tiré les leçons des emplois-jeunes, qui avaient déçu beaucoup de bénéficiaires », explique Philippe Chesneau, vice-président du conseil régional délégué à l'emploi. Autre particularité du dispositif en Paca : l'aide, de 36 000 euros, est dégressive et limitée à trois ans.

Préparer à un véritable poste

En Rhône-Alpes, c'est l'effet inverse qui est recherché. « Il ne s'agit pas de financer un emploi pérenne. Notre dispositif sert à mettre le pied à l'étrier à un jeune de moins de 26 ans, avec moins de six mois d'expérience, qui sera, ensuite, mieux armé pour trouver un véritable emploi ailleurs. Le montant de notre aide, de 30 000 euros au total, ne permet d'ailleurs pas de financer la totalité du poste », souligne Thierry Braillard, vice-président chargé de la vie associative.

De son côté, la région Ile-de-France, qui voulait venir en aide aux jeunes en difficulté sans qualification, a fait évoluer son dispositif pour à la fois répondre à la demande des associations, qui cherchent des compétences pour se professionnaliser, et toucher un public de demandeurs d'emploi plus large. Résultat : les emplois-tremplins s'adressent à la fois aux jeunes de 16 à 27 ans, aux demandeurs d'emploi de plus de 45 ans et, sans condition d'âge, aux bénéficiaires des minima sociaux ou domiciliés dans les territoires prioritaires des politiques de la ville.

En Poitou-Charentes, il y en a pour tous les goûts, en fonction de l'âge, du secteur d'activité ou du statut de la structure bénéficiaire. Le dispositif est ouvert à certaines entreprises du secteur marchand, ainsi qu'aux projets de création ou de reprise d'entreprise. « L'emploi-tremplin ne doit pas être un dispositif unique plaqué indifféremment selon les besoins des publics et des structures bénéficiaires », explique Jean-Luc Fulachier, directeur général des services du conseil régional.

Promesses électorales

Quant aux 500 000 emplois-tremplins pour les jeunes que promet Ségolène Royal si elle est élue, nul ne sait dire leur contenu exact. Ni comment ils s'articuleront avec «le contrat première chance», la dernière proposition en date de la candidate du PS pour insérer professionnellement des jeunes âgés de moins de 26 ans sans qualification dans des entreprises de moins de 20 salariés.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega