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Un engagement sous conditions suspensives

Enquête | publié le : 17.04.2007 | G. L. N.

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Un engagement sous conditions suspensives

Crédit photo G. L. N.

Pour bon nombre de jeunes diplômés, les promesses d'évolution formulées par leur recruteur doivent être scrupuleusement tenues. Faute de quoi le contrat implicite et la confiance qui les liaient à leur employeur peuvent être radicalement remis en cause.

Un contrat, c'est un contrat. Qu'il soit implicite ou moral ne change rien à l'affaire : les jeunes diplômés entendent qu'il soit scrupuleusement respecté, et ce, sous peine d'une rupture de confiance vis-à-vis de leur employeur. Pour Bénédicte Haubold, ces salariés sont « extrêmement engagés, mais sous conditions très suspensives ». Cette consultante d'Artenice Conseil, spécialisée dans les questions du malaise au travail, a longuement étudié le comportement des jeunes diplômés bac + 4 et 5, avec cinq à six ans d'ancienneté, pour l'association Entreprise & Personnel.

Parcours évolutifs

« Les discours de la DRH et des managers leur annoncent qu'ils seront amenés à évoluer rapidement, expliquet-elle. Qu'ils assureront la progression de leurs compétences au gré de parcours évolutifs coconstruits avec l'entreprise. » Or, dans les faits, leur mobilité est généralement toute différente : les départs ou les réorganisations provoquent des appels d'air aléatoires, ouvrant des postes par défaut. Et ces jeunes professionnels n'ont plus l'impression de pouvoir se projeter durablement dans l'entreprise. « Ils demandent une réflexion plus en amont avec le DRH, poursuit Bénédicte Haubold. Et les évaluations annuelles ne peuvent que multiplier les frustrations en ménageant une place à l'expression des envies. » Pour les DRH, le problème n'est pas mince : difficile de garantir un parcours fléché dans l'entreprise ; mais, à l'embauche, il faut pourtant offrir une promesse un peu circonstanciée d'évolution, pour attirer les meilleurs candidats.

Moins flexibles

Ensuite, l'écart entre le contrat implicite et la réalité peut être dévastateur. « Ces jeunes cadres très diplômés ont, en outre, parfaitement intégré le discours que l'entreprise souhaite les voir tenir, poursuit Bénédicte Haubold. Ils peuvent se dire très engagés, jusqu'à la rupture. »

D'autre part, entre 30 et 35 ans, ils connaissent souvent un certain nombre d'événements personnels - divorce, maternité ou paternité, autres sources d'implication personnelle...- qui leur donnent l'envie d'être des salariés un peu moins flexibles, ou de mieux gérer leur temps. « Ils souhaiteraient que l'entreprise puisse comprendre leur besoin de s'investir aussi ailleurs, détaille Bénédicte Haubold. Mais le discours est alors difficile à tenir. »

Selon elle, au bout de cinq ou six ans, ces jeunes cadres ont souvent compris qu'ils ne trouveront pas le sens de leur existence « à 100 % dans l'entreprise », et commencent à rechercher d'autres finalités que celles purement économiques. Certains employeurs s'efforcent de répondre à ces aspirations, mobilisant les solutions du mécénat, des partenariats humanitaires, pour proposer une entreprise totale - économique, spirituelle, artistique - : un employeur avec un supplément d'âme, miroir valorisant, surtout pour les jeunes générations. Mais il devient délicat de préserver cette image dès que des difficultés, et notamment des restructurations, surviennent.

A chacun ses motivations

A chaque génération ses motivations, et le cas des jeunes diplômés fait souvent écho à d'autres griefs dans l'entreprise. Ainsi, les salariés plus anciens font volontiers de la coexistence avec leurs cadets un des facteurs de leur propre désengagement. « Certains se plaignent, en effet, des demandes de cette nouvelle génération, qui leur semble avoir beaucoup d'ambitions, notamment salariales, tout en refusant les contraintes qu'eux-mêmes avaient consenties, explique le DRH d'une société industrielle de 3 000 personnes. En outre, alors qu'ils souhaiteraient souvent transmettre leur savoir-faire, ils se sentent peu reconnus par les plus jeunes. » Parmi les pratiques mises en oeuvre dans les entreprises après le diagnostic de Bénédicte Haubold, figurent, notamment, la clarification des rôles et des organisations, et l'instauration de modes de coopération intergénérationnelle.

BNP-Paribas parie sur ses valeurs

t Comment caractériser les valeurs qui irriguent une entreprise, et s'assurer qu'elles sont vivantes et respectées à tous les niveaux de l'organigramme ? Chez BNP-Paribas, la réflexion a commencé avec la création de l'entreprise, issue d'une fusion entre BNP et Paribas, en 1999. « Dès janvier 2000, nous avons réuni les 80 cadres dirigeants mondiaux pour établir un inventaire des comportements individuels et collectifs que nous souhaitions développer, indique Bernard Lemée, ancien DRH du groupe, aujourd'hui conseiller de la DG. Les entreprises avaient certes des cultures différentes, mais avec des points communs. » Engagement, ambition, créativité et réactivité se sont imposés.

t Dès l'année suivante, un séminaire de management est élaboré, sur la base de ces valeurs, l'entreprise déterminant des comportement managériaux qui leur sont liés ; 32 sessions ont rassemblé 1 300 cadres.

t Dès septembre 2001, ces valeurs sont introduites dans l'évaluation professionnelle. Le guide d'évaluation du groupe rappelle que le responsable doit réaliser « une évaluation globale fondée sur des éléments factuels, au regard des valeurs de réactivité (rapidité dans l'évaluation des situations et l'identification des opportunités, efficacité dans la prise de décisions et dans l'action) ; d'engagement (implication au service des clients et de la réussite collective, exemplarité des comportements) ; de créativité (promotion des initiatives et des idées nouvelles ; reconnaissance de leurs auteurs) ; d'ambition (goût du challenge et du leadership) ».

t La valeur d'engagement a notamment permis de travailler avec le management opérationnel, sur le thème de l'engagement vis-à-vis des salariés. « Que peut-on attendre des salariés lorsque l'entreprise est elle-même engagée à leur égard ?, résume Bernard Lemée. Cela rejoint la question centrale de la qualité du management. »

Auteur

  • G. L. N.