logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Demain

« L'approche systémique est aussi une position éthique »

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 10.04.2007 | Violette Queuniet

Image

« L'approche systémique est aussi une position éthique »

Crédit photo Violette Queuniet

L'approche systémique, utilisée à l'origine dans le domaine de la psychothérapie, concerne aussi l'entreprise. Elle constitue une aide dans la gestion de conflit ou la conduite du changement. Mais elle demeure réservée aux entreprises prêtes à se remettre en question.

E & C : Vous avez consacré plusieurs ouvrages à l'approche systémique appliquée à l'entreprise. Pouvez-vous définir cette approche ?

J.-A. M. : L'approche systémique permet d'appréhender un groupe humain dans son ensemble et, en même temps, les interactions entre les éléments qui constituent ce groupe. Autrement dit, on est, tout à la fois, au niveau du système dans son ensemble et dans la communication, c'est-à-dire ce qui unit les éléments de ce groupe.

Historiquement, l'approche systémique est la rencontre des travaux des cybernéticiens, c'est-à-dire les spécialistes de la régulation des machines, et des travaux des spécialistes de la communication. La convergence de ces deux approches s'est faite essentiellement à Palo Alto. Le nom de cette ville de Californie a été donné à cette école de pensée dont la caractéristique est d'appréhender les groupes humains dans ce double fonctionnement.

Ce que nous apprend l'approche systémique, c'est que tout système - une famille, un groupe, une entreprise - tend vers l'homéostasie, c'est-à-dire le statu quo. Le système tente de maintenir un statu quo, autrement dit, il va essayer de survivre. Les éléments du système participent à cette homéostasie. C'est comme s'il y avait une règle générale à laquelle chacun se plie dès lors qu'il appartient à un système. En cela, il participe à l'équilibre du système.

E & C : Que peut-elle apporter à l'entreprise ?

J.-A. M. : L'approche systémique relève plus d'un état d'esprit que d'une méthode. Elle consiste en une approche paradoxale des phénomènes. Par exemple, si l'on identifie un problème à un certain niveau de l'entreprise, à l'échelle du système, on peut considérer que ce problème est également une solution. C'est évidemment paradoxal : dans la logique cartésienne, le problème n'est pas une solution. Dans une logique systémique, oui, car le problème contribue au maintien du système. Un intervenant formé à l'analyse systémique fera donc un travail sur la demande. Son apport consistera à ne pas accepter d'utiliser la solution qu'on lui demande d'utiliser. Par exemple, si on lui demande de s'occuper d'une personne qui pose problème et que son analyse le conduit à considérer que cette personne est le bouc émissaire pour l'ensemble du système, il ne trouvera pas très pertinent de ne s'occuper que de cette personne. Cela risque d'arranger les choses pour un temps, mais il est probable que cette personne redevienne le bouc émissaire six mois plus tard ou soit remplacée par un autre bouc émissaire. Le consultant va alors proposer d'autres outils, à un autre niveau, qui vont porter un autre nom, par exemple de la cohésion d'équipe, ou qui vont s'adresser à d'autres personnes, par exemple le responsable de l'équipe à laquelle appartient le bouc émissaire. Cela revient à changer la règle du jeu... si le client l'accepte.

E & C : Peut-on utiliser cette approche quand on est soi-même dans le système ?

J-A. M. : Bien sûr. Des DRH, des responsables de formation ou des dirigeants se forment à l'approche systémique et utilisent ses outils. Ils cherchent à diminuer leur angle mort. Un DRH qui utiliserait l'approche systémique serait celui qui réfléchirait, en prenant une vision d'ensemble, à ce que serait le bon outil pour faire quelque chose.

Par exemple : il est chargé de la promotion des cadres. Un de ses cadres prend un nouveau poste. Généralement, cédant à la mode, le DRH aura tendance à lui proposer un coaching «prise de poste». Mais, s'il prend un peu de recul, il peut s'apercevoir que cette personne n'a pas nécessairement besoin d'un coaching mais plutôt d'une formation dans un domaine précis et la lui proposera. Autrement dit, devant un problème, il va s'aménager des alternatives et ne va pas être, comme c'est trop souvent le cas actuellement, dans une réponse quasiment automatique, univoque face à tous les problèmes. Il va rester dans cette prise de recul et va s'aménager des alternatives dans son propre fonctionnement.

E & C : Pensez-vous que cette approche systémique pourrait se développer dans un contexte d'augmentation de la souffrance au travail, pour aider à prendre du recul et fournir une grille de lecture salutaire ?

J-A. M. : C'est une perspective optimiste, mais je ne la partage pas. De mon point de vue, la prise de recul me paraît très utile mais elle présente deux désavantages, vu de l'intérieur : elle prend trop de temps - elle oblige à réfléchir - et elle remet en question un certain nombre de choses et de personnes qui n'ont pas forcément envie de l'être. Par exemple, dès lors que l'on apporte une analyse du phénomène de «bouc émissaire», on préconise d'autres niveaux de travail, avec d'autres outils, ce qui remet en question des modes de fonctionnement qui paraissaient évidents et nécessaires dans l'entreprise. Pour moi, c'est presque une position éthique. Il y a un intérêt déontologique à l'approche systémique mais elle entre malheureusement en conflit avec certains intérêts dans l'entreprise. Pour qu'une intervention réussisse, il faut un élément incontournable dans tous les groupes humains : la maturité. S'il n'y a pas de responsable mature, cela ne sert à rien.

L'ours, histoire d'un roi déchu, Michel Pastoureau, Seuil, 2007.

Système de la nature, baron d'Holbach, Fayard, coll. Corpus des oeuvres de philosophie en langue française, 1991.

Ethique, Spinoza, Garnier-Flammarion.

parcours

Médecin psychiatre et consultant, Jacques-Antoine Malarewicz forme et supervise des consultants en entreprises. Il intervient également comme coach auprès de dirigeants et d'équipes de direction.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Systémique et entreprise (2005), Gérer les conflits au travail - la médiation systémique en entreprise (2004), Affaires de famille (2006), tous parus chez Village Mondial.

Auteur

  • Violette Queuniet