logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Demain

Blues de DRH : l'ordre des licenciements

Demain | Chronique juridique | publié le : 10.04.2007 | d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social

Image

Blues de DRH : l'ordre des licenciements

Crédit photo d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social

Dans les entreprises à établissements multiples confrontées à la nécessité de réduire leur effectif, la question de l'ordre des licenciements figure en bonne place parmi les causes du «blues» du DRH.

Rappelons que l'article L 321-1-1 du Code du travail fait obligation à l'employeur de définir, après consultation avec les représentants du personnel, les critères qu'il entend appliquer pour déterminer, parmi les salariés, ceux qui seront licenciés. Ces critères, qui s'apprécient par catégories professionnelles, doivent prendre en compte les charges de famille, l'ancienneté de service, la situation des salariés, dont les caractéristiques sociales rendent la réinsertion professionnelle particulièrement difficile, les qualités professionnelles. La jurisprudence a admis la possibilité pour l'employeur d'ajouter d'autres critères que ceux énoncés par la loi, dès lors que les critères légaux sont pris en compte dans sa décision.

Jusque-là, rien que de très classique. Cette règle, qui existe depuis 1945, a pour objet d'éviter que le choix des salariés «licenciables» ne soit laissé au seul arbitraire du chef d'entreprise.

Mais la question du niveau auquel ces critères doivent être appréciés pose un délicat problème d'application. La Cour de cassation estime, en effet, que l'ordre des licenciements doit s'apprécier au niveau de l'entreprise dans son ensemble, rejetant ainsi la solution la plus logique consistant à appliquer lesdits critères à des niveaux pertinents au plan économique et social tels que, par exemple, l'établissement ou, pourquoi pas, le bassin d'emploi (Cass. Soc.12 décembre 1995). Ce choix jurisprudentiel discutable conduit à des solutions aberrantes qui irritent souvent les partenaires sociaux et sont perçues comme injustes par les salariés. Il est, en effet, difficile de comprendre qu'un licenciement soit prononcé à Epinal lorsque le poste supprimé est à Nanterre !

Comment cette question est-elle abordée chez nos voisins ?

Au Royaume-Uni, la loi impose à l'employeur d'opérer la sélection au niveau d'un groupe pertinent (selection pool) qu'il est libre de définir, le cas échéant, dans le cadre d'une négociation avec les partenaires sociaux. Le niveau d'application des critères retenu ne pouvant être sanctionné qu'en cas de mauvaise foi de l'employeur ou d'application discriminatoire.

En Allemagne, la juridiction fédérale du travail a réaffirmé, en décembre 2006, que les quatre critères légaux de l'ordre des licenciements (ancienneté, âge, charges de famille, handicap) doivent être appliqués au niveau des «opérations» - ce qui correspond à notre notion d'établissement - et non à celui de l'entreprise dans son ensemble ; l'employeur ayant la possibilité d'exclure du périmètre de sélection certains salariés pour des motifs liés à l'intérêt légitime de l'entreprise.

Ces exemples devraient inspirer une évolution jurisprudentielle, voire législative, aujourd'hui nécessaire alors que le renforcement de la négociation d'entreprise est un objectif constant de nos politiques sociales. Ne serait-il pas judicieux de valider des solutions «donnant-donnant» dans lesquelles une limitation du champ d'application des critères de l'ordre des licenciements à un niveau pertinent serait négociée, la contrepartie pouvant résider dans un renforcement des efforts de reclassement ?

> François Vergne

Avocat associé

Cabinet Morgan Lewis

Auteur

  • d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social