Ce 12 février est un jour singulier pour les salariés de l'agence Sioux. On le remarque dès l'entrée des bureaux où Mathieu, chef de pub, remplace Séverine, la secrétaire de cette entreprise lilloise. Depuis dix ans déjà, le fonctionnement de Sioux se plie aux règles du «Reversal day». C'est-à-dire le jour où chaque salarié occupe la fonction d'un autre.

Cette fois-ci, le briefing hebdomadaire est animé par Jean-Christophe, nommé Pdg à la place d'Emmanuel Debuyck, le véritable fondateur de Sioux. Une promotion aussi spectaculaire que temporaire pour ce développeur web, embauché il y a seulement un mois. Un métier aux compétences techniques que Monique, l'habituelle directrice des achats, essaie d'assumer, avec quelques difficultés. En tout, 27 salariés, dix métiers et deux sites sont concernés.

C'est en 1997, deux ans après la création de l'entreprise, qu'Emmanuel Debuyck a eu l'idée de cette expérience de management. « L'agence comptait alors six salariés, et des différends opposaient commerciaux et créatifs pour des questions de délais à respecter. Je ne voulais pas faire d'autorité, préférant un management plus participatif où chacun prend vraiment conscience, ne serait-ce qu'une fois par an, du rôle et de la réalité du travail des autres », explique-t-il.

Concrètement, le Reversal day suppose de choisir une date appropriée dans un planning de plus en plus chargé. Depuis 2003, Sioux a en effet triplé son chiffre d'affaires (1,73 million d'euros en 2006) et ses effectifs. Ensuite, les changements de poste sont tirés au sort et les clients prévenus qu'ils auront affaire à d'autres interlocuteurs.

Dans une bonne ambiance, chacun s'applique toutefois pour endosser sa nouvelle fonction. Les enseignements sont multiples. Les habitudes sont remises en cause et c'est l'opportunité de porter un regard neuf, voire décalé, sur le métier et les conditions de travail d'autrui, d'avoir une connaissance globale des compétences de l'agence : « Chacun est valorisé, la communication interne et la cohésion d'équipe renforcées. Il y a deux ans, j'ai fait de la prospection téléphonique sans décrocher un seul rendez-vous, ce qui m'a éclairée sur la difficulté de cette mission », témoigne Aline, directrice commerciale.

Enfin, Emmanuel Debuyck reconnaît les vertus et les enseignements des debriefings qui s'en suivent. « Cette année, le remplacement de Mathieu, chef de pub, a révélé un dysfonctionnement, car il était le seul informé d'un dossier urgent à traiter. On s'est aussi aperçu que Jean-Christophe est le seul à maîtriser l'encodage web, nous allons donc devoir trouver rapidement une solution par transfert de compétences », conclut le chef des Sioux.