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La prise d'acte de la rupture : mode autonome de rupture ou rupture à la mode ?

Demain | Chronique juridique | publié le : 27.03.2007 | d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social

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La prise d'acte de la rupture : mode autonome de rupture ou rupture à la mode ?

Crédit photo d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social

Le contrat de travail à durée indéterminée cesse, en principe, à l'initiative de l'employeur dans le cadre d'une procédure de licenciement, ou à celle du salarié par la remise de sa démission. Le salarié dispose également de la possibilité, en cas de manquement par l'employeur à ses obligations contractuelles, de saisir le juge en résiliation judiciaire s'il considère que les manquements sont d'une certaine gravité. Le salarié continue alors d'exercer ses fonctions dans l'attente de la décision du juge et, en cas de prononcé de la résiliation judiciaire, l'employeur est considéré comme ayant procédé, à la date de la décision, à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il ressort des arrêts de la Chambre sociale que le juge doit rechercher si les manquements reprochés présentent une gravité suffisante ou non pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Cela est moins clair lorsque le salarié, par une lettre de démission, prend acte de la rupture de son contrat en l'imputant à son employeur. Le salarié considère qu'il n'est plus tenu par les liens contractuels et demande au juge, ultérieurement, de qualifier la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Or, la rupture à l'initiative du salarié ne pouvant être constitutive d'une démission en raison de l'équivoque attachée à sa volonté, le juge décidait que le contrat n'était pas rompu si les faits reprochés n'étaient pas établis.

Fortement critiquée, la Cour suprême, en formation plénière, a été amenée, en 2003, à redéfinir sa jurisprudence en distinguant selon que la rupture est à l'initiative de l'employeur ou à celle du salarié. Concernant l'employeur, dès lors que celui-ci prend l'initiative de rompre le contrat de travail, il doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement. A l'inverse, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, en raison notamment de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Dans ce cadre, la Chambre sociale a posé le principe que la prise d'acte de la rupture par le salarié entraîne la cessation immédiate du contrat en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer ni sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant par le salarié ni sur le licenciement intervenu postérieurement. Le juge doit seulement se prononcer sur le bien-fondé de la prise d'acte de la rupture.

Au regard de ce principe, il semble qu'elle ne devrait être recevable que si le salarié reproche à son employeur un manquement grave rendant impossible, et dans l'immédiat, la poursuite de la relation contractuelle. Or, la position actuelle des tribunaux, qui admettent qu'un salarié qui adresse une lettre dûment «estampillée» démission puisse postérieurement la considérer comme une prise d'acte de la rupture en soutenant qu'elle l'a été en raison de faits qu'il reproche à son employeur, entraîne une floraison de lettres de démission qui contiennent, sinon des faits précis, tout au moins, les prémices d'un conflit judiciaire.

Cette position conduit à une montée en puissance de ce mode de rupture devenue une rupture à la mode, notamment pour certaines catégories de salariés qui l'utilisent comme un élément de négociation. Afin de mettre fin à cette inflation, la Cour suprême doit affirmer la nécessité de l'existence d'une faute grave de l'employeur dans l'exécution de ses obligations contractuelles et considérer que la lettre de prise d'acte de la rupture, comme la lettre de licenciement, fixe les limites du litige dans le cadre du contentieux judiciaire.

> Antonio Sardinha Marques

Avocat associé Cabinet Voxlaw

Auteur

  • d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social