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La mobilité réduira les tensions sur le marché du travail

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 27.03.2007 | Violette Queuniet

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La mobilité réduira les tensions sur le marché du travail

Crédit photo Violette Queuniet

Dans les prochaines années, le risque de coexistence d'un chômage de masse et de difficultés de recrutement pour certains secteurs n'est pas à écarter. Pour éviter ce scénario noir, il est essentiel de promouvoir la mobilité dans l'entreprise et entre les secteurs.

E & C : Accompagner la mobilité des salariés vous paraît nécessaire pour répondre au défi posé par des perspectives démographiques préoccupantes. Pourquoi ?

George Asseraf : Après avoir augmenté de près de 150 000 personnes par an depuis quarante ans, le volume de la population active va tendre à se stabiliser en raison de la baisse démographique et suite aux départs massifs des baby-boomers à la retraite. L'abondance de main-d'oeuvre va donc décliner et, du fait des départs en retraite, l'offre globale d'emploi s'élever. Mais l'adéquation entre les gens qui vont entrer sur le marché du travail et les offres d'emploi ne va pas se faire spontanément, pour des raisons qui tiennent à la fois à des questions de qualification et aux pratiques de recrutement dans les entreprises. La crainte d'un «scénario noir» n'est pas à écarter, c'est-à-dire la coexistence d'offres d'emploi non pourvues et d'un niveau de chômage élevé. C'est pour cette raison qu'il faut favoriser les mobilités professionnelles : mobilité des personnes qui sont dans des secteurs impactés par la mondialisation, mobilité vers les secteurs qui sont porteurs d'emplois, mobilité des hommes vers certains métiers porteurs plutôt féminisés.

E & C : Vous voulez parler des services à la personne ?

G. A. : Oui, car nous constatons - et c'est préoccupant - que 18 % à 20 % de jeunes d'une classe d'âge sortent actuellement du système éducatif sans qualification. Hier, ces jeunes, quand ils arrivaient à s'insérer, occupaient plutôt des emplois d'ouvrier non qualifié. Or, ces emplois tendent à disparaître très vite avec la mondialisation. A présent, ce sont les postes d'employés - et non d'ouvriers - non qualifiés qui sont en très forte croissance dans les services à la personne, occupés, pour l'essentiel, par des femmes. On a donc un problème de mixité des emplois. Même si la priorité est de réduire les sorties du système scolaire sans qualification, cela prendra du temps, et il faudra bien tenir compte de ceux qui seront dans cette phase intermédiaire. On a donc là un vrai enjeu de société. Pour moi, c'est une préoccupation nationale.

E & C : Comment enclencher une dynamique de mobilité professionnelle ?

G. A. : Plusieurs acteurs doivent s'impliquer dans des mouvements de mobilité. L'entreprise peut privilégier la mobilité interne pour répondre à ses besoins et, autant que faire se peut, par l'élévation des responsabilités. Elle doit le faire aussi dans la perspective où, en raison des contraintes de la concurrence, elle serait amenée à réduire ses effectifs. L'évolution de la qualification des salariés et de leur adaptabilité est indispensable pour anticiper les risques de rupture dans une carrière. Les branches professionnelles peuvent aussi entrer dans cette dynamique. Certaines qualifications sont parfois requises dans des contextes professionnels différents. Une logique peut alors se mettre en place entre plusieurs branches avec la reconnaissance d'un certain nombre de compétences pouvant être contextualisées dans des univers différents. On l'a vu avec le CQPI que les différentes branches de l'UIMM ont construit ensemble pour favoriser la mobilité des salariés des secteurs très impactés par la mondialisation vers des secteurs en croissance, pouvant encore développer de l'emploi et qui ont besoin de gens qualifiés. Les régions deviennent aussi un acteur important avec les responsabilités qui sont les leurs, aujourd'hui, en matière de formation professionnelle. Elles ont mis en place des outils pour identifier les perspectives d'emploi sur leur territoire, ce qui les amène à promouvoir un certain nombre d'évolutions des qualifications vers des besoins qui émergent localement.

E & C : La mobilité est associée à la précarité. Est-ce que ce n'est pas un frein à sa promotion ?

G. A. : C'est, en effet, une des caractéristiques de la mobilité en France. La mobilité avec passage par le chômage touche pourtant moins de monde que dans d'autres pays comparables - 15 % à 16 % de la population active -, mais elle se concentre sur une population qui est peu qualifiée et soumise à une grande précarité et à une grande instabilité. Il est donc fondamental de concevoir la mobilité dans la perspective d'un parcours professionnel qu'il faut sécuriser. C'est aussi pour cette raison qu'il faut concevoir des outils et des éléments d'anticipation permettant de limiter ces périodes de chômage qui, trop longues, débouchent sur la pauvreté.

C'est d'autant plus nécessaire que les travaux menés par le Centre d'analyse stratégique à l'horizon de dix ans partent sur des hypothèses de mondialisation «soft».

En réalité, on identifie assez mal l'impact de la mondialisation et la vitesse à laquelle elle va se propager. Si, dans deux ou trois ans, tous les ateliers sont délocalisés en Chine ou en Inde, des mouvements qu'on annonce à dix ans pourraient se produire beaucoup plus vite, voire toucher d'autres populations. On comprend pourquoi l'anticipation est une vraie obligation.

Belle du seigneur, Albert Cohen, Gallimard, coll. Folio, 1998.

Lucien Leuwen, Stendhal, Gallimard, coll. Folio, 2002.

Le parfum, Patrick Süskind, Le Livre de Poche, 2006.

parcours

Economiste de formation, Inspecteur général de l'administration de l'Education nationale et de la Recherche, George Asseraf est, depuis 2005, président de la Commission nationale de la certification professionnelle. Il préside le comité d'orientation du programme «Prospective des métiers et des qualifications» au Centre d'analyse stratégique.

Il est, notamment, coauteur, avec Yves Chassard, de Promouvoir la mobilité sur le marché du travail, paru dans le n° 2 de Horizons stratégiques (article en ligne sur <www.strategie.gouv.fr>).

Auteur

  • Violette Queuniet