Les aspects économiques de la sous-traitance sont connus ; on parle moins de son impact sur la santé des travailleurs. La logique est la même dans les deux cas : comprimer les coûts pour maximiser les profits, notamment en délocalisant.

Pour les entreprises donneuses d'ordres, l'impunité est totale. Elles sont, en interne, irréprochables et peuvent satisfaire à tous les critères des normes ISO. Mais les entreprises sous-traitantes, qui se livrent une concurrence acharnée pour conquérir les marchés, n'ont souvent pas d'autre choix que de faire des économies, notamment sur la sécurité de leurs travailleurs. La sauvegarde de l'emploi est le leitmotiv permettant d'interdire tout débat public sur ces choix productifs, aux plans national et international.

Pour briser cette logique, deux conditions sont requises. Tout d'abord, une recherche publique assurant l'indépendance des chercheurs vis-à-vis des industriels. Ensuite, une gestion de la concurrence entre les chercheurs. De véritables chasses gardées empêchent actuellement toute vision globale du problème de la sécurité.

La concurrence des travailleurs du monde entier conduit à la précarisation des conditions de travail, ici comme ailleurs, et tend à faire émerger un prolétariat mondial sans droits ni protection, à la limite du servage.

t Annie Thébaud-Mony est sociologue, directrice de recherches à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Elle est spécialiste, notamment, des cancers professionnels et de l'amiante.