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Les Pratiques

Suicide hors du lieu de travail : accident du travail ?

Les Pratiques | L'AVIS DU JURISTE | publié le : 13.03.2007 | Alice Fages Juriste en droit social

L'accident du travail étant celui qui est survenu par le fait ou à l'occasion du travail, la jurisprudence exige, en principe, qu'il ait lieu pendant le temps et au lieu de travail, quand le salarié est sous l'autorité de l'employeur. Toutefois, la Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 22 février 2007, qu'une tentative de suicide au domicile du salarié, pendant une période de suspension du contrat, soit qualifiée d'accident du travail.

Les tribunaux ont toujours été réticents à admettre la qualification d'accident du travail quand celui-ci survient hors du lieu de travail et que le salarié n'est plus sous la subordination de l'employeur. Il appartient aux juges du fond d'apprécier les éléments de preuve qui leur sont fournis afin d'établir un lien avec le travail.

S'agissant du suicide, pour considérer qu'il s'agit d'un accident du travail, il faut prouver qu'il fait suite à des problèmes relationnels avec l'employeur, des pressions, etc. Le fait que le suicide ait lieu hors de l'entreprise n'est pas un élément déterminant. Dans un arrêt de 2003, la Cour avait déjà admis implicitement que le suicide au domicile puisse être un accident du travail, alors même que le salarié n'est plus subordonné à l'employeur, à condition que le lien soit établi entre cet acte et une sanction disciplinaire, un incident avec le supérieur hiérarchique, etc. (Cass. 2e civile, 3 avril 2003, n° 01-14.160). Dans un arrêt de 2007, la Cour fait un pas de plus en affirmant qu'un « suicide qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail, dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail » (Cass. soc. 22 février 2007, n° 05-13.771). Dans cette affaire, le salarié était en arrêt de maladie depuis un mois quand il a tenté de se suicider. Qui plus est, il a été jugé que l'employeur avait commis une faute inexcusable, entraînant une indemnisation supplémentaire à sa charge, car, selon les faits invoqués, l'équilibre psychologique du salarié « avait été gravement compromis à la suite de la dégradation continue des relations de travail et du comportement » de l'employeur, qui aurait dû avoir conscience du danger et n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié.

Il appartient aux juges du fond de se prononcer sur les faits, ce qui est loin d'être simple car, même s'il existe des difficultés relationnelles dans l'entreprise, le salarié peut avoir un état dépressif préexistant, il peut aussi avoir des problèmes personnels... Comment, alors, faire la part des choses entre ce qui relève de la vie professionnelle et ce qui appartient à la sphère privée ?

Auteur

  • Alice Fages Juriste en droit social