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L'industrie pharmaceutique dans la tourmente

Les Pratiques | Point fort | publié le : 06.03.2007 | Anne Bariet

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L'industrie pharmaceutique dans la tourmente

Crédit photo Anne Bariet

Forte concentration du secteur, arrivée des génériques, baisse des prix et déremboursement : avec plusieurs plans sociaux en cours, l'industrie pharmaceutique accuse le choc et l'emploi flanche.

Fin janvier, Pfizer ; début février, AstraZeneca ; mi-février, GlaxoSmithKline (GSK)... En France, les annonces de restructuration et de fermeture d'usine se multiplient dans l'industrie pharmaceutique. C'est ainsi que le géant américain Pfizer a annoncé la fermeture de son unité de Recherche & Développement, à Pocé-sur-Cisse, près d'Amboise ; 149 postes sont concernés. AstraZeneca, ensuite, a indiqué son intention de vendre son usine de production de Monts, en Indre-et-Loire, au groupe suédois Recip, spécialisé dans la sous-traitance pharmaceutique. Le groupe anglo-suédois, qui emploie au total 2 700 personnes en France, possède deux autres sites de production, à Dunkerque et à Reims. Mais, pour l'heure, la direction se refuse à dire si ces deux autres usines seront touchées ou non par le plan de restructuration. Toujours en février, le laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK) envisage de céder son site d'Hérouville-Saint-Clair (Calvados) qui emploie 206 personnes. Le secteur avait commencé sa mue voilà plusieurs années. Déjà, en 2004, la fusion de Sanofi et d'Aventis avait donné naissance au numéro 3 mondial de la pharmacie. Boiron avait, ensuite, absorbé Dolisos. En juillet 2005, le français Fournier Pharma était racheté par le belge Solvay et avait supprimé 400 emplois. Plus récemment, en mai 2006, Scherring s'est délesté de son usine de Dunkerque (400 personnes) qu'il a vendue au façonnier Delpharm et a, depuis, été racheté par Bayer. Pfizer avait également fermé deux sites de production, Angers (Maine-et-Loire) et Val-de-Reuil (Eure). Autant dire que des craintes pèsent à nouveau sur l'emploi. La France n'est pas le seul pays touché. Pfizer taille, au total, dans 10 % de ses postes, soit 10 000 emplois ; chez AstraZeneca, ce sont 3 000 postes (5 % des effectifs du groupe) qui sont touchés.

Net recul des emplois

La valse des fusions-acquisitions a attisé la concurrence en limitant le nombre d'acteurs. La montée en puissance des génériques explique également ce phénomène. Mais pas uniquement. Les baisses des prix et les déremboursements décidés par le gouvernement comptent pour beaucoup. Sous la pression de l'assurance-maladie, les médecins ont ainsi moins prescrit d'antibiotiques, d'antidépresseurs ou d'anticholestérol. A la demande du gouvernement, les laboratoires ont ainsi dû réduire le nombre de visites de leurs représentants pour promouvoir les produits auprès des médecins. Résultat ? L'emploi flanche. Selon le Leem, la fédération professionnelle des entreprises du médicament, « la profession est en net recul en termes d'emploi et de recrutement. Le risque d'une aggravation de la situation dans les mois à venir existe dans les entreprises du secteur et chez leurs sous-traitants ». Un coup dur pour le secteur qui avait vu ses effectifs progresser de 20 % entre 1995 et 2005.

Professionnalisation

Indéniablement, le métier se transforme. Celui de visiteur médical monte en gamme. De simples vendeurs, les délégués médicaux deviennent les interlocuteurs privilégiés du corps médical. Pour ce faire, la formation, toujours conséquente dans la profession, est devenue un enjeu majeur. « Les équipes commerciales doivent être extrêmement bien préparées, efficaces. La professionnalisation est de plus en plus forte », indique Luc Derache, DRH de Scherring. L'entreprise, par exemple, consacre 8 % de sa masse salariale à la formation de ces personnels. Ce n'est pas un hasard non plus si les entreprises du médicament ont signé, le 15 février, un accord-cadre national au ministère de l'Emploi pour le développement de la VAE, dans le cadre des CQP (certificats de qualification professionnelle) de branche pour le titre de visiteur médical. Par ailleurs, malgré une stagnation des effectifs, des difficultés de recrutement apparaissent dans certains métiers en recherche et développement. Les experts en oncologie (traitements du cancer) deviennent des profils rares. En outre, la profession s'attend à un désengagement de la pharmacie dans la fabrication. Les contraintes réglementaires sont telles que le délai pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché s'allonge (douze ans en moyenne). « Comme pour l'automobile, l'industrie pharmaceutique externalise la fabrication des produits afin de partager les risques financiers », note Luc Derache . Un risque évident. « Notre usine de Dunkerque était spécialisée dans l'hormonologie, poursuit-il. Or, en 2002, une étude scientifique américaine annonçait un risque d'augmentation des cancers du sein lié aux traitements de la ménopause. Aussitôt, notre marché s'est effondré de 40 % et nos projets de production sont tombés à l'eau ». Rien d'étonnant donc à ce que la profession mise sur le développement des fameux blockbusters, ces rares médicaments qui engendrent des millions d'euros de chiffre d'affaires.

Sauvegarde de la compétitivité

La santé financière des laboratoires implantés en France reste néanmoins très enviable. AstraZeneca a annoncé, par exemple, début février, un bénéfice en hausse de 28,3 %, à 6,063 milliards de dollars en 2006. Pfizer, de son côté, a engrangé 11,6 milliards d'euros de bénéfices, en 2006. Mais la progression est moindre par rapport aux autres années et les entreprises tentent de sauvegarder leur compétitivité dans un monde plus concurrentiel. Autant dire que ces perspectives font grincer les dents des partenaires sociaux. « La rentabilité de l'industrie pharmaceutique est énorme », indique François Leborgne, délégué CFDT de la branche pharmacie au sein de la fédération chimie-énergie. « Pour Pfizer, nous allons contester cette notion de sauvegarde de la compétitivité », avertit-il. L'accompagnement social n'a pas encore été abordé. « Quelques postes pourront être proposés en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, souligne François Deffay, délégué CFDT de l'unité Recherche & Développement de Pocé-sur-Cisse. Mais, avant tout, nous voulons que Pfizer nous apporte des garanties sur une certaine charge de travail avant de trouver un repreneur. » D'autres entreprises, à l'instar de Sanofi-Aventis, comptent sur les cessations anticipées d'activité et les départs volontaires pour limiter les licenciements secs. Le papy-boom sera aussi le bienvenu puisque 15 000 départs à la retraite sont attendus d'ici à 2012. Chez Scherring, la vente de l'usine s'est faite sans casse sociale. « Sur les 400 salariés employés dans l'usine, 300 ont été repris par le sous-traitant, assure Luc Derache. Pour les autres, nous nous sommes orientés vers des projets personnels, des créations d'activité pour la plupart. Mais nous avons tenu à reclasser notre personnel avant de licencier. Concrètement, le contrat de travail n'a été rompu qu'au démarrage de leur activité. Neuf mois après la vente de l'usine, seules deux personnes sont en attente de solution ».

Regroupement des activités

Toutefois, de nouvelles craintes pèsent sur l'emploi, avec le projet de regroupement des activités au sein d'un nouveau siège social dont le lieu n'est pas encore connu. Une procédure d'information-consultation est actuellement en cours dans l'entreprise. Décidément, l'année 2007 commence très mal pour les laboratoires.

L'essentiel

1 Pfizer, AstraZeneca, GlaxoSmithKline (GSK)... Les annonces de restructuration et de fermeture d'usine se multiplient en France dans l'industrie pharmaceutique.

2 Plusieurs causes expliquent ces restructurations : les fusions-acquisitions, les baisses des prix et les déremboursements, ainsi que la montée des génériques.

3 L'emploi est indéniablement modifié : externalisation de la production, renforcement de la professionnalisation des forces de vente, recherche de profils rares, tels que les experts en oncologie.

Auteur

  • Anne Bariet