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Vives critiques autour du contrat unique

L'actualité | publié le : 06.03.2007 | Anne Bariet, Martine Rossard

A l'occasion d'un débat organisé par l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis), plusieurs experts ont exprimé leurs doutes sur le contrat de travail unique, mesure phare du programme de Nicolas Sarkozy.

Pour ou contre le contrat unique ? Alors que le projet se situe en bonne place dans le programme UMP des élections présidentielles, juristes et économistes s'interrogent sur l'opportunité d'un tel dispositif. L'idée du contrat unique a été lancée par des économistes, Pierre Cahuc et Francis Kramatz, puis reprise par Michel Camdessus, en 2004.

Multiplication des contrats

Pour ces économistes, plusieurs raisons poussent à la création de ce nouveau contrat. D'abord, la multiplication des contrats de travail est une source de rigidité. Elle engendre une segmentation du marché du travail, qui peut décourager les employeurs et enfermer les salariés dans des contrats précaires et récurrents. Par ailleurs, ce sont les personnes les plus vulnérables qui occupent les emplois les plus précaires. On constate, en outre, une augmentation des licenciements économiques déguisés en licenciements pour motif personnel. Enfin, il existe un contournement systématique des règles sur l'emploi à durée limitée.

L'objectif est donc de sortir de la précarité de l'emploi et de gommer les inégalités sociales en privilégiant la protection de l'emploi. Mais un contrat unique peut-il parvenir à de tels résultats ? Comme le CNE (Contrat nouvelle embauche), il s'agirait d'un contrat à durée indéterminée, avec une protection et une indemnisation qui se renforceraient progressivement avec l'ancienneté du salarié. A l'occasion d'un débat organisé par l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis), le 27 février, plusieurs experts ont exprimé leurs doutes.

Pour Paul-Henri Antonmattéi, directeur du Laboratoire de droit social à l'université de Montpellier-1, le débat sur le contrat unique révèle, avant tout, les inquiétudes des employeurs par rapport aux contraintes juridiques de licenciement. « Si le droit du licenciement est une source d'insécurité juridique, indique-t-il, il faut s'attaquer au droit du licenciement, et non à la nature des contrats ! On ne règle pas un problème en le contournant. »

Rachid Brihi, avocat associé au cabinet Grumbach, évoque, lui, une autre incohérence : « D'un côté, on dit aux salariés qu'ils doivent être mobiles et ne doivent pas s'accrocher à leur emploi ; de l'autre, on veut créer un contrat de travail unique qui permettra d'acquérir des droits à condition de rester dans l'entreprise. »

Obtenir une véritable sécurisation

Bernard Brunhes, vice-président de BPI, n'est pas opposé à la mise en place de ce type de contrat. A condition, toutefois, de mettre en place une véritable sécurisation des parcours professionnels et d'investir dans un grand service public de l'emploi qui réunirait l'Afpa, l'ANPE, l'Unedic, et le ministère du Travail. « La responsabilité du reclassement doit incomber à l'entreprise, sinon elle doit payer une taxe comme pour le 1 % logement, ou pour l'emploi des handicapés. » En revanche, Bernard Brunhes fustige la suppression de la motivation du licenciement. « Sur ce point, le CNE et le CPE étaient un retour au XIXe siècle », assure-t-il.

Création d'une norme de licenciement

Les économistes sont aussi partagés sur le rapport de leurs confrères, Pierre Cahuc et Francis Kramatz. Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE, estime, que « la question n'est pas celle du contrat unique, mais de savoir si le Code du travail est un frein à l'efficacité économique. L'idée que la protection de l'emploi en France est très supérieure à celle des autres pays est répandue et alimentée par l'OCDE. Or, si la protection des salariés en CDI est globalement un peu moins bonne que dans les autres pays, elle est, en revanche, très protectrice pour les CDD ». « C'est aussi le contrat qui crée le plus d'emplois », poursuit-il.

L'économiste propose ainsi de créer une « certification ou norme de licenciement », qui aurait un rôle similaire à l'ancienne autorisation administrative de licenciement. Cette « notification honnête et sincère du motif du licenciement invoqué », effectuée, à la fois, par l'expert-comptable et le chef d'entreprise, permettrait, selon Xavier Timbeau, une « baisse de l'insécurité juridique ».

Auteur

  • Anne Bariet, Martine Rossard