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La fonction publique d'etat prepare sa revolution

Dossier | publié le : 06.03.2007 | Jean-François Rio

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La fonction publique d'etat prepare sa revolution

Crédit photo Jean-François Rio

Avec les conséquences de l'application de la Lolf et un papy-boom retentissant en ligne de mire, la GRH prend un sérieux coup de jeune dans la fonction publique d'État. Une modernisation qui s'appuie sur des projets informatiques de grande ampleur.

Amélioration de la qualité des services RH dans les domaines de la formation, de la gestion des compétences, de la mobilité et du recrutement ; développement d'outils collaboratifs (workflow, self-service) afin de fluidifier la navigation des informations ; mise en place d'outils décisionnels et de pilotage (datawarehouse, simulation...). Telles sont, selon Eric Ghirardi, directeur commercial de PeopleSoft/Oracle en France, les trois grandes familles dans lesquelles peuvent se regrouper les nouveaux besoins RH de la fonction publique d'État. Lesquels, s'empresse-t-il d'ajouter, ressortent des ateliers de travail organisés ces derniers mois entre l'éditeur américain et des spécialistes ministériels de la question. Pour la fonction publique d'État, ces prérogatives émergentes répondent à de véritables enjeux.

Dans la grande aventure de la modernisation de l'Etat, les administrations centrales et leurs ramifications (environ 2 millions de salariés) sont, en effet, à la croisée des chemins. Elles sont, depuis peu, confrontées à une double problématique : l'avènement de la Loi organique relative aux lois de finances (Lolf) et un papy-boom particulièrement impactant. En 2015, 45 % des agents partiront en retraite, contre 38 % dans la fonction publique territoriale. « C'est la conjugaison de ces deux phénomènes qui contraint la fonction RH à faire sa révolution », observe Nicolas Leboeuf, chargé d'études au cabinet Markess International.

Rôle de détonateur

C'est à coup sûr la Lolf qui, en premier, a joué le rôle de détonateur. Adoptée en août 2001 dans l'indifférence quasi générale, cette nouvelle «constitution financière» est entrée en vigueur l'an passé. De quoi s'agit-il ? Grosso modo, de faire passer l'Etat d'une logique de moyens à une logique de résultats. Au programme : efficacité permanente et mesure de la performance ! Pour la fonction RH, le changement est brutal. D'une part, la Lolf modifie en profondeur les règles de dépenses de personnel, d'autre part, elle fait basculer la gestion des emplois budgétaires en gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. « Ce qui passe, remarque le cabinet Bernard Brunhes, par un travail de cartographie des compétences disponibles afin de pouvoir anticiper les besoins en termes de recrutement et de mobilité ».

Culture d'objectifs

Autre effet collatéral de la Lolf : l'irruption de nouvelles pratiques managériales fondées sur la culture de l'atteinte des objectifs. « Du coup, les managers veulent être outillés, par exemple, pour gérer la masse salariale ou pour planifier et calculer les temps de travail des agents », indique Pierre Chiarelli, directeur général de GFI Progiciels.

La Lolf n'ayant pas gravé dans le marbre les orientations stratégiques en matière de GRH, c'est la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) qui s'est chargée, avec chaque ministère, d'identifier les priorités. De même, c'est par la concertation avec les acteurs concernés que s'élaborent les «schémas stratégiques de gestion des ressources humaines».

Gestion des étapes

Expérimenté en 2006 auprès de sept ministères volontaires, ce dispositif, qui vise à évoquer la manière dont chacun appréhende les étapes de sa politique RH, a été généralisé cette année. Trois grands thèmes ont été retenus : le cadre prévisionnel de la GRH ; l'organisation des fonctions RH ; les éléments de la politique de GRH détaillés par processus (recrutement et mobilité, gestion des carrières, gestion des rémunérations...).

C'est dans ce contexte général qu'est née en 2002, sous l'impulsion de la DGAFP et de la Direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME), l'idée du SIRH interministériel (voir article p. 28). Le constat : pour parvenir à une consolidation des données issues de SIRH bâtis à des périodes distinctes et fondés sur des progiciels hétérogènes, il est impératif de les harmoniser et d'assurer leur interopérabilité. Il s'agit aussi, dans le cadre de la refonte des SIRH ministériels, de mutualiser les coûts. A l'instar d'un cahier des charges, ce noyau commun dresse ainsi une liste de spécifications techniques et fonctionnelles auxquelles les SIRH ministériels doivent se conformer.

Appel d'offres

Suite à un appel d'offres lancé en juin 2004 par l'ex-Agence pour le développement de l'administration électronique, c'est l'éditeur allemand SAP qui a été retenu pour la livraison de la version noyau. Laquelle a été adoptée, à ce jour, par les ministères de la Défense et de la Justice. Si l'Education nationale (voir article p. 30) continue à avancer avec son propre système, d'autres ministères n'ont pas suivi la préconisation SAP, préférant faire évoluer leur SIRH avec leur prestataire informatique tout en se conformant aux spécifications du noyau interministériel. Ecarté de l'appel d'offres, HR Access gère ainsi près de 700 000 agents au sein de plusieurs ministères, dont le Minefi, le ministère de l'Intérieur ou encore celui de la Jeunesse et des Sports. « Nous sommes historiquement l'éditeur du secteur public, assène Bernard Deboeuf, responsable commercial service public chez HR Access. Nous y réalisons 50 % de notre chiffre d'affaires annuel avec une part de marché de 70 % dans l'administration centrale, hors Education nationale ».

Démarche GPEC

Parallèlement au noyau SIRH, d'autres grands chantiers informatiques sont en cours de réalisation. Celui de l'Infocentre 3FP, qui a démarré en 2004, concerne, lui, les trois fonctions publiques. Il doit leur permettre de piloter leur démarche de GPEC en s'appuyant sur des données cohérentes et des outils décisionnels. Le Répertoire interministériel des métiers de l'Etat, projet baptisé «Rime», doit, de son côté, permettre au ministère de la Fonction publique d'avoir une visibilité sur les emplois et les compétences afin d'introduire une gestion dynamique des RH. Un autre gros morceau a pour nom ONP - pour Opérateur national de paye - chargé de refondre entièrement le système de paie des agents de l'Etat et de certains établissements publics. Périmètre envisagé : quelque 3 millions de salariés. Cet opérateur, qui s'appuierait sur le noyau SIRH, verrait le jour à l'horizon 2011. Son rôle consisterait à exploiter le back office de la paie des agents des ministères - jusqu'à l'édition des bulletins de salaire - tout en supervisant le développement et la maintenance du noyau SIRH.

Tête de pont paie-RH

Quelle sera, dès lors, l'articulation entre le noyau SIRH et l'ONP ? « A mon sens, ce dernier devrait, à terme, devenir la tête de pont paie-RH de la fonction publique d'Etat », pronostique Jean-Luc Philippe, responsable de la section études et développement des projets de gestion au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports et de la Vie associative.

« Outre ces grands travaux, reprend Nicolas Leboeuf, il y a un foisonnement de petits projets dans l'administration. Ainsi, vous êtes surpris de trouver des logiciels libres, par exemple, la plate-forme d'e-learning Ganesha utilisée par l'Ecole polytechnique ». Toutefois, selon l'enquête 2006 de Markess International conduite auprès de responsables de l'administration centrale et d'établissements rattachés, seulement 8 % des personnes sondées indiquent avoir, sur la période 2007-2008, de nouveaux projets en matière d'informatisation des RH. Il faut dire que la mise en oeuvre de la Lolf accapare énormément de ressources. « Toutes ces initiatives sont très originales mais les démarches restent d'un grand classicisme, persifle un expert. On ne peut pas, du jour au lendemain, faire table rase de l'histoire des ministères ».

L'essentiel

1 L'entrée en vigueur de la Lolf, le 1er janvier 2006, combinée à des départs massifs à la retraite, fait entrer la GRH de la fonction publique d'Etat dans une ère nouvelle.

2 Cette modernisation, symbolisée par de multiples refontes de SIRH dans les ministères, s'appuie aussi sur des projets de grande ampleur dont celui du noyau SIRH interministériel.

3 Autre vaste chantier en devenir, celui de l' «Opérateur national de paye» appelé à gérer le système de paie de quelque trois millions de salariés.

Les exemples canadien et sud-américain

Montré en exemple par l'actuel gouvernement français pour sa capacité à avoir modernisé de fond en comble son administration - au prix d'une réduction drastique du nombre de ses fonctionnaires - l'Etat canadien et ses différentes provinces ont aussi une longueur d'avance en matière d'informatisation de ses processus RH.

« En France, l'administration commence, c'est vrai, à changer de braquet sur ce sujet. Sauf que, culturellement, la situation par rapport au Canada est radicalement différente. Les partenaires sociaux canadiens sont très pragmatiques alors qu'en France ils se servent de ces sujets pour exister. Au Canada, les craintes suscitées par l'introduction d'outils de GRH ont volé en éclats depuis longtemps », souligne Alain Truchat, conseiller en communication de l'éditeur canadien Technomedia. Implantée en France depuis deux ans, cette société de Montréal déploie avec succès ses solutions outre-Atlantique. Domaines d'intervention privilégiés : la formation à distance et la gestion des compétences, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou local. Ainsi, Technomedia gère les compétences des 4 000 fonctionnaires de la police de Montréal. « Notre outil, explique Alain Truchat, est capable de cartographier et de développer les compétences, de gérer la mobilité interne en tenant compte de la diversité culturelle des personnels dans la politique des affectations. »

3 millions de fonctionnaires gérés

Toujours sur le continent américain, l'éditeur français d'origine espagnole Meta4, bien implanté dans la fonction publique hospitalière mais totalement absent dans les ministères et les collectivités territoriales de l'Hexagone, est en revanche bien connu des administrations sud-américaines. Outre l'Etat du Parana au Brésil (paie, retraite, gestion des temps... pour quelque 100 000 agents), son «plus gros coup» reste d'avoir volé la vedette à SAP et à Oracle lors de l'appel d'offres lancé par l'administration mexicaine. « Notre solution, en production depuis 2005, gère près de 3 millions de fonctionnaires, indique Xavier Daguzan, directeur commercial de Meta4. Elle met en oeuvre des solutions applicatives de GRH pour les responsables de l'administration et des services déconcentrés ainsi que pour les agents. Neuf mois ont été nécessaires à son déploiement ». J.-F. R.

Auteur

  • Jean-François Rio