Combien d'agents compte la fonction publique d'Etat ? Quel pourcentage part à la retraite chaque année ? Combien connaissent une promotion ? Des données aussi simples que celles-là ne sont connues qu'au prix d'un travail harassant et compliqué, en croisant des statistiques d'origines diverses et pas toujours fiables. La raison ? Des SIRH qui, d'un ministère à l'autre, ne se parlent pas. D'où la décision en 2002 de Jacky Richard, alors directeur général de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), de lancer un projet interministériel qui permettrait de consolider les données des différents SIRH pour les rendre cohérentes.

« Il ne s'agit en aucun cas d'un SIRH commun aux ministères, précise l'actuel DGAFP, Paul Pény. Ce n'est pas «Big Brother» imposé à tous les ministères. L'objectif est de s'assurer que tous les ministères aient des SIRH au même standard et qu'il y ait interopérabilité entre eux pour consolider des informations au niveau interministériel ».

Tous les ministères ont été parties prenantes de ce projet. Réunis en groupes de travail pilotés par Nicole Hernandez, directrice du projet interministériel SIRH, ils ont élaboré cinq référentiels communs : un dictionnaire des concepts et notions, un dictionnaire des données (adresse, grade, corps, etc.) et les nomenclatures associées, un répertoire des événements de gestion et un référentiel des règles associées, un référentiel des fonctions informatiques de base. « C'est un exemple exceptionnel de travail collaboratif interministériel, sans solution imposée et sans aide extérieure », souligne Nicole Hernandez.

Ce noyau n'est pas un produit mais un cahier des charges que doit respecter chaque SIRH. « Chaque ministère peut continuer à travailler avec son fournisseur, mais celui-ci doit veiller à ce que le SIRH respecte les spécifications du noyau », indique Nicole Hernandez. Une version «incarnée» de ce « noyau SIRH » existe aujourd'hui. Développé par SAP, il a été validé mi-2006. Si la Défense et la Justice développent leur SIRH avec le noyau SAP, une majorité de ministères ont choisi HR Access. L'éditeur s'est engagé à ajouter dans son progiciel les éléments manquants pour le rendre compatible.

Editeur du SIRH des ministères de la Culture, de l'Emploi et de la Santé, PeopleSoft-Oracle n'a pas encore donné sa réponse. Le ministère de l'Education nationale, qui est son propre éditeur, s'engage à être conforme au noyau. Quant aux quelques ministères qui n'avaient pas encore de SIRH, ils devront choisir un éditeur respectant les nouvelles spécifications. Pour les ministères qui n'ont pas choisi SAP, la mise en conformité de leur SIRH, c'est-à-dire la «bascule» sur la version labellisée, constituera cependant « un projet très lourd, qui demandera beaucoup de travail », estime la directrice du projet interministériel SIRH. Mais les gestionnaires RH n'auront pas à s'adapter à un nouveau système.

Surtout, le noyau SIRH est un projet économique. « On a calculé que le travail de conception sur la spécification du noyau fait économiser au moins 30 % au projet, car c'est autant de moins à faire dans la phase d'intégration. Par ailleurs, la maintenance et la veille réglementaire seront mises en commun et effectuées par nos soins », signale Nicole Hernandez.

La mise en conformité devra se faire « le plus tôt possible ». En effet, c'est sur ce noyau que se greffera le nouveau progiciel de paie, mis en oeuvre par l'ONP (Opérateur national de paye), prévu à l'horizon 2011 pour remplacer l'outil actuel datant... des années 1970. L'appel d'offres n'est pas encore lancé mais la mission de préfiguration de l'ONP, à laquelle appartient Nicole Hernandez, planche dessus. Il concernera environ 3 millions de personnes. Seul l'outil de paie de la Défense américaine est aussi important. Un chantier énorme en perspective.