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La DRH doit pouvoir apporter un cadre à l'innovation

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 06.03.2007 | Rodolphe Helderlé

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La DRH doit pouvoir apporter un cadre à l'innovation

Crédit photo Rodolphe Helderlé

Le capital immatériel des entreprises, qui a pris le pas sur la valorisation des actifs matériels, repose en grande partie sur la capacité d'innovation. Les DRH ne s'impliquent pas suffisamment pour contribuer à dynamiser des processus d'innovation collectifs, qui reposent sur un capital... très humain.

E & C : La notion de «capital immatériel» peut sembler vague. Concrètement, à quoi ressemble ce capital dans une entreprise ?

Pierre Breesé : Le capital immatériel repose sur des bases juridiques bien précises. Il comprend les brevets, les droits d'auteur, mais aussi les savoir-faire dès lors qu'ils représentent des ensembles de connaissances formalisés et donc transmissibles. Les systèmes de suggestions contribuent également à alimenter ce versant intellectuel du capital immatériel, qui constitue un actif économique dont l'entreprise est propriétaire. L'autre versant du capital immatériel, qui ne correspond pas réellement à une notion juridique, repose sur les compétences des salariés et le degré d'adhésion de ces derniers. Cette fois, l'entreprise n'est pas propriétaire des compétences de ses salariés, sauf à rétablir l'esclavage !

E & C : Que traduit la forte augmentation des contentieux engagés par des salariés qui estiment que leur droit à l'invention n'a pas été respecté par leur employeur ?

P. B. : L'invention d'un salarié appartient à son employeur. Ce dernier est tenu de lui verser une rémunération supplémentaire. Aucun montant plancher ou plafond n'est spécifié par la loi. Il suffit même que l'invention soit brevetable pour que l'employeur se trouve dans l'obligation de verser une prime, même si l'entreprise décide de ne pas déposer le brevet. Il y a, aujourd'hui, une nette augmentation des conflits entre salariés et employeurs sur la question des inventions au motif qu'aucune prime n'est versée. C'est le signe d'une méconnaissance des règles applicables aux inventeurs salariés. Et cela, particulièrement au niveau des directions des ressources humaines. Peu d'entreprises mettent à disposition de leurs salariés des «déclarations d'inventions», leur permettant de déclarer des inventions en mettant les conditions à plat.

Il arrive également qu'un salarié inventif, parfois déçu d'un manque de considération de son employeur, intègre une nouvelle société qu'il aura su convaincre avec son idée. Il y a là une perte importante pour l'entreprise qui n'aura pas créé les conditions pour que l'idée s'exprime chez elle.

E & C : Vous estimez que les DRH sont trop souvent à l'écart des stratégies d'innovation. Quels rôles pourraient-elles avoir au-delà de celui de faire respecter le droit en matière d'invention des salariés ?

P. B. : L'innovation peut avoir, à tort, un côté élitiste. Surtout quand elle se réduit au brevet. Or cela doit être, tout au contraire, une véritable démarche collective où une DRH a toute sa place. Il faut mobiliser la capacité d'innovation et de créativité des salariés pour sortir vers le haut. De nombreuses entreprises en difficulté se sont rétablies de cette façon. Il y a clairement un avantage compétitif à la clé. Les brevets déposés par la concurrence sont de formidables moteurs pour stimuler la créativité des équipes. Chaque salarié est un innovateur en puissance. Apporter un cadre à la stratégie d'innovation est l'un des rôles de la DRH qui peut à la fois jouer sur une politique de rémunération adaptée mais aussi contribuer, et c'est tout autant essentiel, à garantir une reconnaissance qui ne soit pas uniquement financière. L'organisation d'un prix de l'inventeur de l'année est une bonne chose. Cette reconnaissance doit concerner les brevets mais aussi toutes les suggestions des salariés. Il faut jouer sur la complémentarité qui existe entre ces deux sources d'innovation.

E & C : N'y a-t-il pas un certain inconfort des DRH à mettre en place un système de rémunération variable qui prendrait en compte la capacité d'innovation des salariés ?

P. B. : Les DRH manquent de repères en la matière. Il serait souhaitable qu'ils puissent s'appuyer sur des référentiels de branche qui détermineraient les niveaux de rémunérations des idées déposées par les salariés. Cet outil serait un véritable «plus» pour asseoir l'innovation dans le cadre des politiques de rémunération variable.

En matière de brevets, les montants moyens des primes varient de 500 à 1 500 euros. Le double si le brevet s'applique à l'international. Les primes versées ne doivent pas être trop importantes pour ne pas nuire à la dynamique collective. Il ne faut pas perdre de vue que c'est l'entreprise qui va investir pour développer l'innovation, avec les risques que cela sous-entend. Récemment, une entreprise a été condamnée à verser 600 000 euros à un ancien salarié qui n'avait reçu aucune prime sur son invention. Dans le cas d'espèce, il s'agissait, certes, d'une invention majeure dans le domaine de la pharmacie.

Pourquoi j'ai mangé mon père ?, Roy Lewis, Poche, 2000.

Brancusi Vs. United States. The Historic Trial, 1928, Margit Rowell, Vilo International, 1999.

The Last Antarctic Expedition of Shackleton and the Endurance, Sir Ernest Shackleton, The Lyons Press, 1998.

Après des études de physicien, Pierre Breesé poursuit son cursus au Centre d'études internationales pour le droit de la propriété industrielle (CEIPI). Il devient chargé d'affaires pour la propriété industrielle à l'Inserm et crée, en 1990, un cabinet de conseil en propriété industrielle qui compte aujourd'hui 100 salariés.

Il est chargé de cours à HEC, à l'Ecole des mines, à l'Institut européen entreprises et propriété industrielle et il intervient comme expert auprès de la Commission européenne. Auteur de Propriété industrielle au service de l'innovation (éd. Nathan) et de Stratégies de propriété industrielle (éd. Dunod), il anime un blog : <www.breese.blogs.com>

Auteur

  • Rodolphe Helderlé