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Cure d'amaigrissement pour Rhodia

Les Pratiques | Point fort | publié le : 20.02.2007 | Jean-François Rio

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Cure d'amaigrissement pour Rhodia

Crédit photo Jean-François Rio

Pour tenir le cap de son redressement financier, le groupe chimique engage un projet d'externalisation de ses process administratifs RH. A la clé : une économie annuelle estimée à 5 millions d'euros.

«En 2009, les effectifs RH seront de 120 personnes, contre 280 en 2006 et 380 en 2003. Quant au coût de la fonction rapporté aux effectifs en équivalence temps plein, il sera de 1 656 euros en 2009 contre 2 346 euros en 2003. » Directeur général adjoint de Rhodia en charge des RH, de la communication et du développement durable, Bernard Chambon a fait ses comptes. Le projet d'externalisation des process administratifs RH, que le groupe chimique a lancé en novembre dernier, va lui permettre d'économiser 5 millions d'euros par an. Le tout sans licenciements secs, promet-il. « Lorsque nous avons soumis ce projet aux instances représentatives du personnel, nous avons été totalement transparents. Cette opération va, c'est vrai, entraîner des suppressions de poste. Mais, entre la gestion des départs à la retraite, le turn-over naturel et le redéploiement des effectifs RH vers des postes plus qualitatifs (développement des carrières, des compétences, relations sociales...) ou dans des zones géographiques à forte croissance, il est, à ce stade, difficile de mesurer l'impact emploi. Toutefois, les personnes concernées par une suppression de poste seront traitées selon l'éthique particulièrement forte du groupe en matière de restructuration », souligne Bernard Chambon.

Faible adhésion en interne

Alors qu'un comité de suivi est en train de se mettre en place au niveau du CE européen, cette externalisation suscite quelques craintes chez les syndicats de Rhodia. Echaudés par une opération d'outsourcing de la comptabilité à Prague - opérée il y a trois ans avec Accenture - qui a connu pas mal de déboires, ils émettent, en premier lieu, des réserves sur la réalité de l'impact social, en particulier sur la gestion des reclassements des salariés impactés.

Autres points critiques signalés dans une expertise confiée au cabinet Secafi : les perspectives financières resteraient très incertaines et, surtout, le projet présenterait un risque majeur pour l'organisation des sites. « Nous n'abordons pas de manière sereine cette externalisation qui va entraîner, en France, environ 60 suppressions d'emploi. Concrètement, détaille Bernard Ughetto, délégué syndical central CGT, des sites de production vont se retrouver sans correspondant RH. Ce qui explique sans doute pourquoi ce projet n'emporte qu'une très faible adhésion en interne, notamment au sein de la communauté RH et chez les responsables de site. » « Ce qui risque de se passer ? Des collaborateurs qui occupaient jusqu'alors d'autres fonctions feront le travail des gestionnaires ressources humaines. Tout simplement parce que cela correspond à un réel besoin dans les sites importants », observe un salarié.

Centres de services

Baptisé «Redeployment and Focus», ce projet d'envergure mondiale se dessine selon la configuration des 24 pays où Rhodia est implanté. Sont concernées par l'externalisation : la paie et la totalité du back office RH traité depuis des centres de services, l'entreprise chimique conservant son entière indépendance quant à la stratégie à mener et aux décisions qui en découlent. Il associe, pour une durée de sept ans, IBM et ADP. Montant du contrat : 42 millions d'euros. « ADP gérera la paie dans le monde avec son outil GlobalView qui s'appuie sur une plate-forme SAP. IBM prendra en charge, quant à lui, l'administration du personnel, la rémunération et les avantages sociaux, le sourcing du recrutement et l'administration de la formation. Au total, les services externalisés auprès de nos deux partenaires représentent 50 % du coût de la fonction RH », explique Jean-Michel Rale, recruté chez Cap Gemini, où il exerçait la fonction de DRH France, pour piloter ce projet.

Celui-ci s'inscrit dans la continuité du plan de redressement du groupe, mené tambour battant par Jean-Pierre Clamadieu, directeur général de Rhodia depuis fin 2003. Au bord de la faillite il y a trois ans, l'entreprise a renoué avec les bénéfices en 2006. Elle devrait dégager 250 millions d'euros de résultat net pour un chiffre d'affaires d'environ 5 milliards d'euros.

Entretemps, le groupe, plombé par une dette qui s'élève encore à plus d'1 milliard d'euros (contre plus de 3 milliards en 2003), s'est lancé dans un vaste programme de cessions. En trois ans, ses effectifs ont fondu de 25 %. « Nous ne sommes pas Alstom. Nous n'avons pas été sauvés par l'Etat, s'exclame Bernard Chambon. Dès le départ, les fonctions supports ont été mises à contribution pour sauver l'entreprise qui avait un besoin urgent de se recentrer sur son coeur de métier. »

Un coup d'envoi imminent

« C'est un projet de dimension internationale qui va professionnaliser la fonction RH. » Associé au cabinet August & Debouzy, Mahasti Razavi a conseillé Rhodia sur la partie concernant la gestion contractuelle des prestataires IBM et ADP. Un an de négociations a été nécessaire. « Lors de l'appel d'offres, se souvient Jean-Michel Rale, directeur du projet chez Rhodia, nous avons retenu 10 sociétés. En short list, il restait Accenture, Arinso, IBM, ADP et ACS, une société américaine. Le choix ne s'est pas fait sur le prix, car les niveaux étaient comparables, mais sur la cohérence des solutions proposées par le duo IBM/ADP. En outre, nous avions, dans certains pays, besoin de collaboration pour nos équipes sur place. IBM a accepté de jouer le jeu. »

En interne, sous la responsabilité de Jean-Michel Rale, c'est une équipe allégée de six personnes qui est à la manoeuvre. Elle s'appuie sur le réseau des correspondants RH dans chaque pays.

Cette année, la première paie ADP va entrer en production en Angleterre, puis au Brésil, suivie de la partie services IBM dans ces deux pays. Ce sera ensuite au tour de l'Allemagne et des Etats-Unis. La dernière paie interviendra en avril 2008. Pour l'Europe, la plate-forme externe de services sera basée à Budapest. « Dans un projet comme celui-ci, la clé de la réussite repose avant tout sur la communication et la conduite du changement et non sur les aspects technologiques. C'est tout le défi qui nous attend », indique Jean-Michel Rale.

L'essentiel

1 En confiant à ADP la gestion mondiale de la paie, et à IBM le traitement des process administratifs RH, Rhodia externalise 50 % du coût de la fonction RH.

2 Ce projet s'inscrit dans le cadre du plan de redressement de l'entreprise, en situation de quasi-faillite en 2003.

3 Les syndicats redoutent des licenciements ainsi qu'une désorganisation dans les sites importants du groupe.

rhodia

> Activité : chimie de spécialités.

> Effectifs : 19 500 salariés.

> Chiffre d'affaires : 5 milliards d'euros en 2005.

Auteur

  • Jean-François Rio