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Enquête

Les départs à la retraite au coeur des réorganisations

Enquête | publié le : 20.02.2007 | Eric Delon

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Les départs à la retraite au coeur des réorganisations

Crédit photo Eric Delon

Recours massif aux services externalisés, sous-traitance des activités «à faible valeur ajoutée», priorité donnée à la fonction commerciale... Avec le papy-boom, les banques et les assurances revoient leur organisation. En se délestant en douceur des administratifs et des plus bas niveaux de qualification.

Près de 4 000 en 2005, 4 700 en 2006, environ 5 000 prévus en 2007, et ce, sur le seul territoire français (1). Chez BNP Paribas, la dynamique de recrutement, entamée au début de la décennie, ne faiblit pas. A l'instar de ses concurrents hexagonaux, la première banque privée française est contrainte de gérer de massifs départs en retraite dans les prochaines années : 30 % à 50 % des effectifs, selon les spécificités et l'historique des établissements bancaires, avec un pic en 2012, estiment les spécialistes. D'où la nécessité, pour la profession, de poursuivre ses vastes campagnes de recrutement (et de communication) afin d'attirer de nouveaux collaborateurs.

Gains de productivité

« Les banques ne sont pas très disertes en matière de chiffres, mais ces départs ne seront certainement pas comblés de manière équivalente par des recrutements, fait remarquer un expert du monde bancaire. Cette phase de départs massifs représente un excellent moyen pour les institutions bancaires de faire passer en douceur des réorganisations et d'engranger, ainsi, de substantiels gains de productivité. » Objectif non avoué : valoriser l'actionnaire en soignant les bénéfices par le biais, côté banque de détail, de la vente massive de produits financiers, d'épargne ou de prévoyance, le tout en «optimisant», traduire «en diminuant», la masse salariale.

Surcroît de compétitivité

« Les banques ont pour objectif de modifier les types d'emploi et les niveaux de compétences afin de se conformer à un marché plus compétitif et plus international où il faut aller chercher le client partout où il se trouve », explique Olivier Lecerf, vice-président chez Proudfoot Consulting. D'où une focalisation sur le recrutement (deux tiers d'entre eux) de collaborateurs jeunes et diplômés (bac + 2 à bac + 4/5 essentiellement), aux profils de commerciaux et de chargés de clientèle. Bref, une population radicalement différente de celle qui s'apprête à quitter le monde bancaire, c'est-à-dire, globalement, moins qualifiée, plus âgée et issue du back office ou des services centraux. Raison de la colère unanime des syndicats, qui soulignent que ces embauches massives ont été réalisées au détriment d'autres catégories de personnels, via le recours massif aux services externalisés et à la sous-traitance pour les activités dites «à faible valeur ajoutée».

Logique «court-termiste»

« La banque se débarrasse de ses «petites mains», critique Régis Dos Santos, président du Syndicat national des banques, affilié à la CFE-CGC. La plupart des nouveaux emplois sont créés au sein des agences alors qu'une partie du personnel des sièges n'est pas renouvelée. Certaines agences ne tournent, désormais, qu'avec deux ou trois chargés de clientèle qui laissent les clients se «débrouiller» avec un mur automatisé pour les opérations courantes et se concentrent sur les ventes. On déshumanise, ainsi, la relation avec le client. Il s'agit d'une logique «court-termiste», purement financière, destinée à servir l'actionnaire. »

19 % de moins de 30 ans

« Les nombreux étages hiérarchiques caractéristiques du monde bancaire ont été progressivement élagués. Selon les banques, ces gains de productivité ont pour seule vocation de mieux servir le client et de financer leur développement à l'international », précise Olivier Lecerf. Résultat global de cette évolution volontariste de la pyramide des âges (dans la banque de détail) : entre 2001 et 2005, les moins de 30 ans sont passés de 15 % à 19 % des effectifs du secteur.

« Gros bataillon de seniors + nombre croissant de jeunes, résultat des vagues d'embauches de ces dernières années = une pénurie de cadres intermédiaires ou de proximité de 35-40 ans, avertit Thierry Mageux, directeur division banque et assurance chez Robert Half International. Or, ces derniers font figure de relève après les nombreux départs à la retraite. »

L'explication de cet autre phénomène démographique ? Après avoir massivement recruté dans les années 1980 (d'où l'importance des plus de 50 ans aujourd'hui), les banques ont pris de plein fouet la crise économique du début des années 1990. Conséquence : elles n'ont quasiment pas recruté jusque vers les années 1996-1997. D'où le déséquilibre actuel de la pyramide des âges. A l'inverse, les banques d'investissement ont une pyramide des âges relativement homogène. Possédant moins d'antériorité que les banques de détail, elles n'ont pas adopté les mêmes pratiques de recrutement. « Les banques d'investissement ont embauché de façon continue, mais aussi, en majorité, des profils plus expérimentés, plutôt issus de la tranche d'âge 30-40 ans », note Thierry Mageux. Chez HSBC France, par exemple, cette tranche d'âge représente 26 % des effectifs, contre 34 % pour les plus de 50 ans. Se prépare-t-on à une future guerre des banques pour attirer les talents ?

(1) 14 000 recrutements ont été réalisés en 2006 dans les 85 pays où est implantée la banque.

L'assurance dans les pas du secteur bancaire

- Selon l'Observatoire des métiers de l'assurance, un tiers des salariés du secteur atteindront 60 ans à l'horizon 2015. A l'instar du monde bancaire, le secteur des assurances, des mutuelles et des caisses de retraite embauchera massivement en 2007 (notamment des commerciaux, des actuaires et des financiers) afin de renouveler une population vieillissante.

- Selon Thierry Mageux, directeur division banque et assurance chez Robert Half International, « le secteur de l'assurance possède un plan de développement et de recrutement moins homogène que celui du secteur bancaire, car il est plus morcelé et en phase de concentration ».

- Côté effectifs, même tendance que dans les banques : pas de remplacement poste pour poste. « La tendance consiste à diminuer les coûts de siège et à élargir le réseau, notamment à l'international », précise Olivier Lecerf, vice-président chez Proudfoot Consulting.

- « La prospective, à l'horizon 2015, s'inscrit dans une industrialisation de l'assurance, la rationalisation de ses processus, et la maîtrise des coûts, note un récent rapport de l'Observatoire des métiers de l'assurance. Selon la nature de l'activité, la proximité avec le client, les familles de métiers de l'assurance seront plus ou moins impactées par des risques d'incertitude tels que l'externalisation, voire la délocalisation. »

- Un choix affiché par l'assureur Axa France : sur les 3 000 départs en retraite prévus à l'horizon 2012, 1 500 postes seront délocalisés au Maroc, soit près de 10 % des effectifs (75 millions d'euros d'économies annuelles à terme). Une première dans l'Hexagone, mais une pratique déjà instaurée par des assureurs en Angleterre.

Auteur

  • Eric Delon