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Les Pratiques

L'impact économique et social n'est pas prouvé

Les Pratiques | Point fort | publié le : 06.02.2007 | Marie-Pierre Vega

Faut-il assouplir la législation sur le travail le dimanche dans les commerces ? Plusieurs propositions politiques vont dans ce sens. Mais rien ne prouve qu'un élargissement de la règle serait bénéfique à l'économie, à l'emploi et à la société.

Le hasard du calendrier, qui faisait tomber le 24 décembre 2006 un dimanche, a relancé la polémique. Le Premier ministre Dominique de Villepin a demandé un rapport au Conseil économique et social, attendu pour février. Un député UMP, Hervé Novelli (Indre-et-Loire) a proposé que, sur la base du volontariat des salariés, les maires puissent accorder autant de dimanches qu'ils le souhaitent. Pierre Lellouche, autre député UMP (Paris), en fait un cheval de bataille depuis plusieurs années. Il voudrait élargir la notion d'exception touristique qui permet l'ouverture dominicale. Renaud Dutreil n'est pas en reste : le ministre du Commerce défend un modèle à l'espagnole. Les commerces de moins de 300 m2 pourraient ouvrir le dimanche. Les grandes surfaces, elles, bénéficieraient d'un assouplissement de la règle du repos dominical, avec une dizaine ou une douzaine de dimanches travaillés dans l'année.

Aucune évaluation

A en croire ses partisans, une ouverture dominicale élargie serait profitable à l'économie, en termes de chiffre d'affaires et d'emplois. Or, « il n'existe aucune étude sur l'impact du travail le dimanche sur le volume global des dépenses ni sur l'emploi », affirme Mathieu Plane, économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). Philippe Kaas, consultant de OC & C Strategy, un cabinet spécialisé dans la grande consommation, souligne « qu'aucun pays n'a jamais prouvé que l'ouverture dominicale fait décoller la consommation, les dépenses et l'emploi ». La FCD (Fédération du commerce et de la distribution) reconnaît que « ça ne générera pas forcément plus de chiffre d'affaires ».

Pour la FNH (Fédération nationale de l'habillement), farouchement contre, « ouvrir le dimanche sans pouvoir d'achat supplémentaire ne générera pas un centime d'euro de chiffre d'affaires de plus à l'année. En revanche, en moyenne, la masse salariale augmentera de 19 % ». Pour son président Charles Melcer, une ouverture plus large « se traduirait par un transfert de parts de marché au profit des grandes structures commerciales et détruirait a minima 100 000 emplois dans les petits commerces d'équipement de la personne ». La CFDT commerce évoque le chiffre de 160 000 emplois.

Une simplification de la loi attendue

Pour ou contre, la plupart des acteurs concernés demandent une simplification de la loi. « Il faut la réviser et la clarifier, en intégrant peut-être quelques dimanches supplémentaires », plaide Jacques Perrilliat, président de l'UCV (Union des grands commerces de centre-ville). « C'est un enchevêtrement de textes accumulés depuis 1906. Les entreprises se trouvent, du coup, en insécurité permanente. » « Si, déjà, la loi était respectée dans ses règles les plus simples, ce serait une bonne chose, mais ce n'est pas le cas, note la FCD. Les ouvertures de nos adhérents dépendent des maires, qui peuvent prendre des décisions parfaitement contraires à quelques kilomètres de distance. » « Il existe un arsenal juridique, mais qui est appliqué différemment selon le point du territoire où l'on se trouve », confirme Bernard Aimé, secrétaire national de la CFDT services.

Débat économique ou débat de société ?

« Cela dit, travailler le dimanche, ce n'est pas ça le sujet, poursuit Bernard Aimé. Le débat, c'est la déréglementation. Ouvrir le dimanche entraîne une hausse des coûts que les entreprises compensent en rognant sur les effectifs et les conditions de travail. C'est aussi un pouvoir supplémentaire de l'employeur sur le salarié. Qu'on ne parle pas de volontariat, les salariés n'ont ni le choix ni l'envie de refuser la prime du dimanche. »

Alors, ouvrir les magasins le dimanche, débat économique ou débat de société ? A la FNH, Charles Melcer lâche : « Il y a des entreprises et des structures qui, pour des raisons techniques ou des nécessités économiques ou sociales, peuvent ouvrir le dimanche. Mais, franchement, est-ce qu'il vous faut absolument aller acheter une jupe ou un four le dimanche ? »

L'essentiel

1 D'après le Code du travail, il est interdit de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine. Un repos hebdomadaire minimal de 24 heures consécutives doit lui être accordé et il doit être donné le dimanche.

2 Il existe des dérogations de droit, qui permettent à certaines activités d'organiser le travail le dimanche de manière permanente.

3 Le Code du travail prévoit une foule de dérogations temporaires, accordées par le maire ou le préfet.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega