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Qui veut vraiment du contrat unique ?

L'actualité | L'événement | publié le : 06.02.2007 | Anne Bariet

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Qui veut vraiment du contrat unique ?

Crédit photo Anne Bariet

S'il est élu le 6 mai à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy veut créer un contrat de travail unique, inspiré du CNE (contrat nouvelles embauches). Mais, sur le terrain, les entreprises ne plébiscitent guère ce type de dispositif.

Proposé par Nicolas Sarkozy mais dénoncé par Ségolène Royal, le contrat unique relance la polémique autour du contrat de travail. L'idée ? Comme le CNE (contrat nouvelles embauches), il s'agirait d'un contrat à durée indéterminée, avec une protection et une indemnisation en cas de rupture, qui se renforceraient progressivement avec l'ancienneté du salarié.

Fin du CDD

« L'enjeu, indique l'UMP, n'est pas la fin du CDI, mais la fin du CDD. Il permettrait d'accélérer l'entrée dans la vie professionnelle, plutôt que de laisser les jeunes enchaîner des stages, des missions d'intérim et des CDD. » Concrètement, la période d'essai n'excéderait pas trois à six mois, le montant des indemnités serait plafonné et la durée durant laquelle le salarié pourrait contester son licenciement serait réduite.

L'idée a été lancée par les économistes Pierre Cahuc et Francis Kramarz, en 2004, puis reprise par Michel Camdessus, la même année. Pour ces experts, la diversification des contrats de travail est une source de rigidité. Elle engendre une segmentation du marché du travail, décourageant les employeurs et enfermant les salariés dans des contrats précaires et récurrents.

Gommer les inégalités

L'objectif est donc de sortir de la précarité de l'emploi et de gommer les inégalités sociales en privilégiant la protection du parcours de la personne autant que la protection de l'emploi. Certes, les intentions sont louables, mais un contrat de travail peut-il vraiment parvenir à de tels résultats ? Le COE (Conseil d'orientation pour l'emploi) a dénoncé, en novembre dernier, l'illusion créée par ce type de contrat. Il estime que, en dépit de ses objectifs «légitimes», le contrat de travail unique ne constitue pas un outil probant de sécurisation des parcours professionnels.

Interrogations

Les milieux patronaux restent, eux aussi, dubitatifs. Du Medef à l'ANDCP, en passant par la CGPME, les organisations professionnelles s'interrogent. Quel sera exactement le contenu de cette nouvelle mesure ? Faut-il un énième contrat pour relancer la croissance ? N'allons-nous pas vivre un remake du CPE (contrat première embauche) ? Après quelque temps d'hésitations, Laurence Parisot, la patronne des patrons, a définitivement rejeté cette proposition, préconisant, à l'inverse, la création d'un contrat de mission, à mi-chemin entre le CDI et le CDD, dont la durée serait déterminée en fonction de celle du projet. Surtout, l'organisation patronale a réitéré le principe de séparabilité entre employeur et salarié, une modalité calquée sur le divorce par consentement mutuel.

Réponse insuffisante

La CGPME s'est aussi prononcée contre ce dispositif : « Le contrat unique n'est pas une réponse suffisante aux attentes des entreprises. Les employeurs ont besoin de contrats qui répondent à leurs besoins spécifiques, affirme Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CGPME. Les contrats senior et les contrats export sont, par exemple, de bons outils mais qui manquent encore de lisibilité. Nous serions également favorables à une extension du contrat de projets, tel qu'il existe aujourd'hui dans le BTP et l'informatique. »

L'ANDCP plaide, de son côté, pour des CDD définis et négociés au niveau des branches, ainsi que pour une continuité de la couverture sociale en cas de chômage et la mutualisation des droits comme le compte épargne temps (CET) ou le droit à la formation (DIF).

Priorité aux CDI

Qui veut vraiment du contrat unique ? Les entreprises ne le plébiscitent pas non plus. Evelyne Wifvesson, directrice du recrutement chez Sanofi-Pasteur, une filiale de Sanofi-Aventis, qui embauche 600 personnes par an (1 000 avec les CDD), ne voit pas l'utilité d'un tel contrat. La priorité étant donnée, dans son entreprise, aux CDI : « Nous ne changerons pas notre manière de recruter », indique-t-elle. De même, Georges Lefèbvre, DRH de La Poste, qui recrute, depuis 2002, sous contrat de droit privé, ne se déclare pas en faveur de ce nouveau contrat. « Notre préoccupation, affirme-t-il, est, aujourd'hui, de recruter et de fidéliser. Le CDI nous va très bien. » Six mille personnes ont été intégrées en 2005 et autant en 2006 pour compenser les départs à la retraite des papy-boomers.

Droits transférables

Plutôt que de réfléchir à un contrat de travail unique, Georges Lefèbvre serait, lui, partisan d'une réflexion sur les droits transférables attachés à une personne et pas uniquement à un emploi. « Si l'on veut fluidifier le marché du travail, il conviendrait de travailler sur la notion de droits transférables afin que le salarié puisse changer d'entreprise sans perdre certains avantages, tels que le CET, le DIF ou encore l'épargne salariale. »

En attendant, quelques incertitudes demeurent. Première interrogation : ce nouveau type de contrat ne favorisera-t-il pas «la judiciarisation des ruptures» ? De fait, jusqu'ici, le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, à l'exception, toutefois, de la rupture pendant la période d'essai. C'est aussi le système qui prévaut dans toutes les législations européennes. La suppression pure et simple des motifs de licenciement renforcerait, ainsi, l'insécurité juridique. Un risque que redoutent fortement les employeurs.

Fin de la gestion prévisionnelle ?

Ensuite, le contrat unique, pouvant être rompu à tout moment, n'exonérerait-il pas les entreprises d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ? Il pourrait, de fait, favoriser une gestion du personnel à court terme, au cas par cas, et menée de gré à gré. Pourquoi les DRH devraient-ils favoriser l'employabilité de leurs salariés si, à tout moment, ils peuvent se séparer des moins qualifiés ou des moins performants ?

Enfin, ce contrat est-il de nature à doper l'emploi ? Suffit-il de transformer les contrats de travail pour relancer la croissance économique ? Comme le résume Claude-Emmanuel Triomphe, délégué général de l'Université européenne du travail (UET), « lorsqu'on s'engage dans cette réforme, il faut évaluer l'ensemble des paramètres, le risque de rupture, l'énoncé de la rupture et la transférabilité des droits. Doivent également être pris en compte l'ensemble des garanties sociales, l'accès aux prêts bancaires, au logement. Le contrat unique doit être repensé dans son ensemble ».

Auteur

  • Anne Bariet