logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Demain

Soutenir la création d'entreprise pour soutenir l'emploi

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 06.02.2007 | Violette Queuniet

Image

Soutenir la création d'entreprise pour soutenir l'emploi

Crédit photo Violette Queuniet

Les créations d'emploi sont majoritairement le fait des petites entreprises, et cette tendance va perdurer. Les pouvoirs publics devront mieux intégrer cette donnée dans la politique de l'emploi, en donnant plus de moyens aux structures d'accompagnement des créateurs d'entreprise.

E & C : La création d'emplois est, aujourd'hui, essentiellement le fait des petites entreprises. Elle est même, parfois, une solution pour créer son propre emploi. Est-ce que cette tendance vous paraît durable ?

Bernard Brunhes : Cette tendance est durable pour des raisons qui tiennent à l'évolution de l'économie et aux évolutions sociologiques. Dans l'ensemble, les grandes entreprises qui tirent l'économie et créent de la valeur ajoutée ne créent pas d'emplois. Elles ont même tendance à le réduire, soit par des gains de productivité, soit en faisant fabriquer ailleurs, soit en externalisant certaines activités. Cela veut dire que l'emploi se crée ailleurs, et il est assez naturel que ce soit dans les petites entreprises. Quand on voit, dans les tableaux de la comptabilité nationale, l'évolution de la consommation d'un côté et l'évolution de la production de l'autre, on constate que tout un pan d'activités - no-tamment les services à la personne - destinées à se développer sont très bien gérées par des petites structures, plus souples et plus proches des clients que les grandes.

Sur le plan sociologique, il est désormais entré dans les moeurs de songer à créer son entreprise parce qu'on risque de ne plus avoir d'emploi ou parce qu'on n'en a plus. La carrière unique dans une entreprise, c'est du passé. La question de la création d'entreprise se pose donc à tous ceux, de plus en plus nombreux, qui se trouvent dans des parcours erratiques. Ce n'est pas par hasard si une structure comme France Initiative, qui pourtant ne s'adresse pas particulièrement aux demandeurs d'emploi, accompagne 60 % de chômeurs. La création d'entreprise pour créer son emploi devient donc banale.

E & C : Les mesures d'aide à la création d'entreprise, et donc à la création d'emplois, vous paraissent-elles suffisantes ?

B. B. : Il faut reconnaître aux politiques qu'ils ont su accompagner ce mouvement de création d'entreprise. Il y a, de temps en temps, des cocoricos excessifs, mais ils l'ont accompagné correctement. Les décisions d'allègement des formalités, la mise en place de centres de formalités par les chambres de commerce, l'évolution lente mais réelle d'Oseo* représentent une série de mesures convergentes qui ont soutenu cette évolution.

E & C : Peut-on faire mieux ?

B. B. : Dans le domaine de l'emploi, et dans ce domaine particulier de l'emploi qu'est la création d'entreprise, moins il y a de mouvements de législation, mieux on se porte ! Ce dont a besoin le monde de l'entreprise, c'est de sécurité juridique.

En revanche, il faut bien réfléchir à la manière dont fonctionnent les relations entre les pouvoirs publics et les associations. L'accompagnement des créateurs d'entreprise repose sur tout un monde associatif, périphérique par rapport à la puissance publique, qui est assez efficace. C'est le cas de l'association que je préside, France Initiative - le réseau de 236 plates-formes a financé 10 900 projets en 2005, qui ont généré 23 600 emplois directs -, de même que d'autres réseaux comme les Boutiques de gestion, l'Adie, etc.

L'outillage existe donc, ce sont les moyens qui manquent. Notre réseau, par exemple, s'est fixé comme objectif, pour les sept années qui viennent, de doubler le nombre d'entreprises aidées. Les projets ne manquent pas, on trouvera les fonds pour accorder les prêts d'honneur, on trouvera les bénévoles. Ce qui nous manque, ce sont les moyens minima pour rémunérer davantage de personnes sur le terrain. Les autres réseaux sont confrontés à la même problématique. Je l'ai dit au ministre du Travail : le financement de ces postes représente des sommes ridicules. Cela ne coûte rien par rapport à ce que coûtent les réductions de charges sociales que l'Etat a mises en place.

Cela vaut donc la peine, pour le gouvernement, de donner un peu plus de moyens à de telles associations. Attention : il ne s'agit pas de demander des subventions, mais de contractualiser avec les pouvoirs publics sur des engagements précis. Ce serait une sorte de délégation de service public. Elle existe déjà partiellement. Le ministère de la Parité et de l'Egalité professionnelle a, ainsi, confié à France Initiative la gestion du Fonds de garantie pour la création d'entreprises par les femmes (FGIF). Même chose avec le Fonds de cohésion sociale en ce qui concerne les banlieues.

Par ailleurs, je trouve que la création d'entreprise devrait être beaucoup plus présente dans le fonctionnement du service public de l'emploi. Il est rare que l'ANPE oriente des chômeurs qui veulent créer leur entreprise vers les associations qui pourraient les aider. L'orientation et le conseil personnalisé aux chômeurs sont inexistants. Mais c'est un autre débat...

* Née de la fusion de l'Anvar et de la Banque de développement des PME, Oseo a pour mission de financer et d'accompagner les PME françaises.

Napoléon III, Pierre Milza, éd. Perrin, 2004.

Les romans de Paul Auster, John Irving et Philip Roth, éd. Actes Sud, Seuil et Gallimard.

parcours

Bernard Brunhes est vice-président du groupe BPI et, depuis juin 2003, président du mouvement France Initiative, premier réseau associatif d'aide à la création d'entreprises.

En 1981, il a été conseiller du Premier ministre Pierre Mauroy pour les Affaires sociales.

Président du groupe Caisse des dépôts-développement de 1983 à 1987, il fonde, ensuite, sa propre société, Bernard Brunhes Consultants (BBC).

Bernard Brunhes est l'auteur de plusieurs ouvrages, et il vient de publier un livre d'entretiens avec Jean-Michel Mestres : Et leurs entreprises verront le jour (éd. Autrement, 2007).

Auteur

  • Violette Queuniet