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Sans quorum aux élections, le référendum s'impose

Les Pratiques | Point fort | publié le : 30.01.2007 | Emmanuel Franck

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Sans quorum aux élections, le référendum s'impose

Crédit photo Emmanuel Franck

La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu, le 20 décembre, un arrêt qui fragilise les accords conclus dans les entreprises n'ayant pas atteint le quorum aux dernières élections professionnelles. L'arrêt pointe, ainsi, les contradictions de la loi sur le dialogue social de mai 2004.

Il n'existe pas de syndicat majoritaire en l'absence de quorum au premier tour des élections professionnelles. Ainsi en a décidé la Cour de cassation dans un récent arrêt. Cette décision aura des conséquences importantes dans les entreprises où moins de 50 % des inscrits ont voté aux dernières élections professionnelles. En effet, depuis la loi de mai 2004 sur le dialogue social, un accord n'est valable que s'il ne fait pas l'objet d'une opposition de syndicats majoritaires, c'est-à-dire ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections du comité d'entreprise, ou, à défaut, à celles des délégués du personnel. Ce qui impose une condition de majorité aux accords d'entreprise. La question posée à la Cour de cassation était de savoir s'il faut compter le nombre de suffrages exprimés, au premier tour, en faveur de chaque liste, lorsque le quorum n'est pas atteint. La réponse étant « non », cela signifie qu'il n'y a, alors, pas de moyen de vérifier la condition de majorité. Cette situation appelle une réponse à trois questions :

1. Faut-il un référendum pour sécuriser les accords ?

La portée pratique de cette décision semble importante. La Cour précise que l'absence de quorum crée une situation de « carence ». Ce qui signifie, selon Sylvain Niel, directeur associé au cabinet d'avocats Fidal, que dans les entreprises où un second tour a été organisé, « les accords collectifs signés depuis la loi du 4 mai 2004 doivent être impérativement validés par un référendum », de même que ceux en cours de négociation. La loi de mai 2004 prévoit (art L.132-2-2 III), en effet, qu'« en cas de carence d'élections professionnelles [....], la validité d'un accord d'entreprise ou d'établissement [...] est subordonnée à l'approbation, à la majorité des suffrages exprimés, de la majorité des salariés (référendum) ».

Concernant les accords déjà signés, Sylvain Niel déclare : « Il semble qu'ils ne puissent pas s'appliquer jusqu'au jour du référendum. » Il estime qu'« un salarié ou un syndicat non signataire peut faire constater judiciairement l'inopposabilité de l'accord signé et exiger l'application du droit antérieur ». Et d'évoquer les accords modifiant les 35 heures, moins avantageux que les précédents.

Conseiller à la Cour de cassation et rapporteur de l'arrêt du 20 décembre, Marie-Laure Morin confirme et nuance : « Si l'on poursuit notre raisonnement, les accords signés dans les conditions décrites par l'arrêt ne sont pas valables. Mais, tant qu'ils ne sont pas contestés, il n'y a pas lieu de s'inquiéter outre mesure. Toutefois, il serait plus prudent de les valider par référendum. »

Combien d'entreprises sont concernées ? Difficile à dire. Mais celles qui ont dû organiser un deuxième tour ne sont pas rares, surtout parmi les petites. Et on imagine la situation ubuesque des entreprises qui ont atteint le quorum dans un collège mais pas dans un autre, et pas sur tous les sites... « Seul un amendement législatif peut corriger cette jurisprudence qui met en péril les accords collectifs signés depuis le 7 mai 2004 dans les entreprises où le quorum n'est pas atteint », estime Sylvain Niel.

2. La majorité doit-elle être calculée par rapport aux syndicats ou par rapport aux salariés ?

Par ailleurs, l'arrêt pose deux questions de fond sur la représentativité syndicale. Si le quorum n'est pas atteint, « la majorité des suffrages exprimés permet de mesurer le poids respectif de chaque organisation syndicale, mais non leur poids par rapport à une majorité de salariés » relève le commentaire de l'arrêt. Or « que signifie un résultat électoral quand le quorum n'est pas atteint ? », s'interroge Marie-Laure Morin. Le législateur n'ayant pas répondu à cette question, la Cour invoque alors, pour justifier sa décision, la finalité de la loi qui est de « progresser dans la voie des accords majoritaires, c'est-à-dire signés par des syndicats représentant la majorité des salariés », explique Marie-Laure Morin. « Je ne pense pas que le législateur ait voulu dire qu'au moins la moitié des électeurs devaient s'exprimer. Cette interprétation de la Cour est sans doute extrême, mais elle va dans le sens de la loi », estime, pour sa part, Sylvain Niel.

3. Faut-il recentrer l'élection professionnelle sur sa finalité première ?

D'autre part, depuis la loi de mai 2004, le premier tour des élections professionnelles est investi d'une double finalité : élire les membres du CE, et vérifier la condition de majorité pour la signature d'un accord. Outre qu'il se place, alors, à cheval sur le droit de la négociation collective et sur le droit électoral, ce scrutin proportionnel à deux tours devient aussi un scrutin majoritaire à un tour, « ce qui est source de difficultés, non résolues par la loi », relève la Cour.

«Ne faut-il pas séparer la question de l'élection des membres du CE de celle de la vérification de la majorité requise pour signer des accords d'entreprise ? Et, dans ce cas, quel type d'élection mettre en place ? », s'interroge Marie-Laure Morin. Le Conseil économique et social n'ayant pas répondu à cette question dans son avis rendu le 29 novembre, la balle est plus que jamais dans le camp du législateur.

L'essentiel

1 Un arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2006 dit que l'absence de quorum aux dernières élections professionnelles crée une situation de carence, et rend impossible la vérification de la condition de majorité d'un accord d'entreprise.

2 Cet arrêt a deux conséquences pratiques immédiates : les accords signés depuis la loi de mai 2004 dans les entreprises n'ayant pas atteint le quorum doivent être validés par référendum. D'ici là, ils ne sont pas valables.

3 Cet arrêt interpelle aussi le législateur sur deux questions de fond : la définition de la majorité syndicale et les finalités des élections professionnelles.

La jurisprudence Adecco

Le syndicat CGT d'Adecco contestait les résultats du premier tour des élections professionnelles, qui s'étaient déroulées en septembre 2005, arguant de la disparition de plusieurs votes par correspondance. La CFDT y avait obtenu plus de la moitié des voix, mais le nombre de votes avait été trop faible pour que le quorum soit atteint. La CGT demandait l'annulation du premier tour, espérant que le décompte des votes litigieux viendrait grossir son poids relatif par rapport aux autres syndicats. En revanche, elle savait que les votes en question ne permettraient pas d'atteindre le quorum.

La Cour de cassation a estimé que seule une modification des résultats du scrutin justifiait l'annulation du premier tour. Mais quels résultats ? Le poids des syndicats les uns par rapport aux autres, ou leur poids par rapport à la majorité des salariés ? La Cour de cassation a estimé que la seconde question était la plus importante. Or, comme le quorum n'aurait, de toutes manières, pas été atteint, elle a donc refusé d'annuler le premier tour et de décompter les suffrages de chaque syndicat. En l'absence de quorum, il n'y a donc pas de majorité syndicale.

Arrêt 3 051 du 20 décembre 2006. <www.courdecassation.fr>

Auteur

  • Emmanuel Franck