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Le territoire, pour un dialogue social de proximite

Enquête | publié le : 30.01.2007 | Emmanuel Franck

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Le territoire, pour un dialogue social de proximite

Crédit photo Emmanuel Franck

En France, le dialogue social s'organise traditionnellement par branches et par entreprises. Dans quelques endroits, syndicats et patrons relevant de plusieurs branches ont décidé de négocier au niveau local. Ils occupent ainsi les espaces que ne couvrent pas les conventions collectives ni les négociations d'entreprise, notamment dans les petites structures, qui ne possèdent pas de délégué syndical.

Le souci de la proximité ne taraude pas seulement les politiques. Les partenaires sociaux aussi redécouvrent l'intérêt d'ancrer le dialogue social au niveau local. Le débat récent sur l'ouverture dominicale « montre qu'il est nécessaire de raisonner au niveau d'une zone d'activité », déclarait ainsi Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC, le 18 janvier, pour illustrer l'importance d'un dialogue social territorial. Chercheurs, syndicalistes, patrons, pouvoirs publics et acteurs locaux multiplient les colloques sur le sujet. Ce 31 janvier, l'association Réalité du dialogue social local (RDSL), issue de l'association RDS, organise ainsi une rencontre sur l'état des lieux du dialogue social local. De quoi s'agit-il ? D'organiser le dialogue social non plus selon une logique verticale, professionnelle, dans l'entreprise ou dans la branche, mais selon une logique horizontale, c'est-à-dire interprofessionnelle et territoriale.

Instances locales

Ainsi, le site d'Aker Yards de Saint-Nazaire, anciennement Chantiers navals de l'Atlantique (Alstom), s'est doté d'instances réunissant le donneur d'ordres, les sous-traitants les plus importants, ainsi que les syndicats concernés (lire p. 24). Il y est principalement question de sécurité. En Ile-de-France, les PME du jeu vidéo, un secteur qui n'a pas encore sa propre convention collective, et les unions régionales de certains syndicats viennent également de créer leur instance de dialogue social. L'objectif étant, cette fois, de proposer des services RH aux salariés et de gérer les questions d'emploi et de compétences dans un contexte d'activité cyclique (lire p. 26). La démarche est similaire chez les artisans du Tarn (lire p. 24). A chaque fois, Il s'agit de traiter les questions sociales localement, en organisant le dialogue, voire la négociation collective à ce niveau.

« La négociation sociale territorialisée permet d'adapter les principes de la négociation collective classique à des situations sur lesquelles le maillage des dispositifs conventionnels a peu de prise », explique Annette Jobert, sociologue, directrice de recherche au CNRS. Ce qui est le cas dans la sous-traitance, ou dans les petites entreprises, en général dépourvues de délégué syndical. Les salariés accèdent ainsi à des droits sociaux supplémentaires.

260 accords signés

Les syndicats, pour leur part, peuvent espérer gagner du terrain dans des entreprises où elles sont absentes. Quant aux patrons, ils peuvent trouver leur compte dans une gestion des RH mutualisée. Dans la métallurgie et le bâtiment, une partie des questions de rémunération (points et prime de panier) est, depuis longtemps, traitée localement. Au total, le nombre de textes issus des négociations de branche de niveau infranational est loin d'être négligeable : environ 260 sur les 800 conclus en France en 2005.

Réticences

Mais, en dehors de quelques secteurs et de quelques thèmes, ce dialogue social, ou cette négociation collective de quatrième niveau (à côté de l'interprofessionnelle, de celles de la branche et de l'entreprise), reste « quantitativement faible », remarque Frédéric Rey, enseignant-chercheur au Lise-Cnam. Il suscite, en effet, de nombreuses réticences (lire interview p. 27).

Côté syndical, on pointe les risques de dérogation à la hiérarchie des normes. Il a, cependant, ses pionniers. La CFDT travaille sur ce sujet à un niveau confédéral depuis plusieurs années. La CGT s'y est mise aussi, en nommant un chargé de mission sur le dialogue social territorial, Jean-Pierre Grenon, également secrétaire régional du comité régional Poitou-Charentes. Le département du Tarn et la région Poitou-Charentes, particulièrement le département des Deux-Sèvres, sont en pointe.

Financement

Les outils juridiques existent pour encadrer la négociation collective territoriale (lire encadré p. 25), mais les initiatives locales restent encore dépendantes des personnes qui en sont à l'origine, ce qui fait peser un risque sur leur pérennité. En outre, l'argent manque. L'accord pour le développement du dialogue social dans l'artisanat du 12 décembre 2001 n'est toujours pas totalement étendu et reste fortement contesté par le Medef. Du coup, les partenaires sociaux locaux doivent compter sur des financements publics (jeux vidéo d'Ile-de-France) ou créer des nouvelles ressources, comme dans les Deux-Sèvres (lire p. 25).

L'essentiel

1 De nombreuses entreprises, notamment parmi les petites, ne sont pas couvertes par la négociation collective traditionnelle, dans la branche ou dans l'entreprise.

2 Pour ces entreprises, la négociation collective territoriale constitue une alternative intéressante. Elle permet d'organiser une gestion mutualisée des ressources humaines et d'améliorer l'offre de services RH aux salariés, selon une logique de proximité.

3 Quoiqu'il dispose d'atouts et de défenseurs, ce dialogue social reste peu développé, car il remet en cause l'organisation classique des syndicats autour de la défense d'une profession. En outre, il manque de moyens.

Auteur

  • Emmanuel Franck