Les entreprises cherchent encore la recette miracle pour décloisonner les services. Effectivement, malgré tous les efforts, le fonctionnement en silo perdure. Qu'on les appelle départements qui ne se parlent pas, cloisons étanches, chapelles ou villages gaulois, le constat reste le même : chacun reste dans sa filière, et les activités qui devraient collaborer ne le font pas naturellement.
Le symptôme est plus fort dans certains types d'entreprises : celles qui se laissent prendre par leurs habitudes, bien sûr, mais aussi celles qui aiment le contrôle ou qui valorisent l'expertise. Car leurs réflexes les prédisposent à un esprit normatif : chacun chez soi, et ne mélangeons pas les genres. D'autres organisations vivent également de plein fouet, comme le reste de la société d'ailleurs, le regain actuel de l'esprit tribal. Les personnes ne veulent plus faire d'efforts, elles ont envie de rester entre elles, entre gens qui se connaissent, apprécient les mêmes choses et parlent le même langage. On retrouve cette dynamique dans les communautés de quartiers, les bandes de jeunes, les forums spécialisés sur Internet ou les mouvements d'urbanisation actuels. A l'époque de la mondialisation, observent les sociologues, cette forme de repli sur la tribu ou sur le groupe coopté permet sans doute de se sentir davantage en sécurité...
Quelles approches peuvent modifier cet état d'esprit ? L'expérience met en lumière quelques solutions : organiser des groupes de travail interdépartements, développer des approches participatives de grande ampleur comme la création d'une vision partagée, la formalisation des valeurs communes, l'accompagnement de grands projets de changement. La mobilité interne produit également des effets fantastiques. Car, en changeant de service, les personnes créent des liens avec d'autres activités sans perdre leurs réseaux précédents. Il n'y a pas de secret : les entreprises très fluides encouragent et pratiquent largement la mobilité.
D'autres méthodes peuvent encore renforcer les initiatives de décloisonnement : les cycles de formation mêlant différents départements, les rencontres ou événements de communication interne... et, bien sûr, le fonctionnement par projets, d'autant plus efficace qu'il redistribue en partie le pouvoir et donne une forme concrète à la collaboration entre services. L'art du décloisonnement, c'est de vivre en permanence en bonne interaction avec ses collègues d'autres départements, au point de donner envie à tous de partager la même dynamique.
Dans cet esprit, certaines entreprises mettent en place des stratégies de promotion résolues : on ne promeut plus le meilleur expert ou celui qui a obtenu de bons résultats s'il n'est pas également excellent en collaboration transverse. Par ces décisions, le message est de dire à l'ensemble de l'entreprise : « Regardez, nous apprécions particulièrement les personnes qui démontrent des compétences de travail en équipe sans esprit de silo. » Et comme les personnes développent naturellement ce que l'on récompense, la boucle vertueuse se met en place.
Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. <
