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Enquête

De mauvais réflexes

Enquête | publié le : 16.01.2007 | Rodolphe Helderlé

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De mauvais réflexes

Crédit photo Rodolphe Helderlé

Dans le secteur des nouvelles technologies, les employeurs recourent encore aux licenciements individuels. Avec plus ou moins de bonheur pour les salariés licenciés.

Entre 2001 et 2003, alors que le secteur était en crise, de nombreuses sociétés informatiques se sont illustrées pour avoir réduit leurs effectifs sans passer par des plans sociaux. En 2003, Devoteam, par exemple, qui employait près de 1 400 salariés, a engagé pas moins de 113 procédures de licenciement individuel. Idem, la même année, chez Transiciel, où la CFE-CGC a révélé que les lettres de licenciement étaient, pour la plupart, semblables.

Augmentation des PSE

Aujourd'hui, avec la reprise que connaît le secteur, les directions sont moins enclines à déguiser les licenciements économiques en licenciements pour motifs personnels. Paradoxalement, on note davantage d'annonces de PSE qu'en 2003. Selon Régis Granarolo, du Munci, une association d'informaticiens, « nous recevons autant de témoignages de licenciements abusifs qu'auparavant ».

Entre les refus de mobilité, et donc les refus de mission, ou l'insuffisance professionnelle, les motifs de licenciement individuel sont nombreux dans ce secteur. Pas difficile pour une direction d'affecter quelqu'un à l'autre bout de la France sur une mission prétexte ou encore d'avancer l'insuffisance professionnelle au motif qu'untel ne connaît pas tel langage de programmation.

Les licenciements abusifs restent le gros dossier de Florence Feuillebois, l'avocate du Fieci CGC, le syndicat des cadres du secteur informatique : « Le premier réflexe consiste toujours à maquiller un licenciement économique en licenciement pour motifs personnels », affirme-t-elle. En 2005, la section CGT de la SSII Ausy mettait en avant la multiplication des licenciements pour faute grave, avec mise à pied conservatoire, notamment en région Paca. Sur un effectif global de 1 000 salariés, Ausy a affiché 87 licenciements au compteur de l'année 2005. Exclusivement pour motifs individuels.

Politique de transactions

Certaines entreprises ont mis en place de véritables politiques de transactions. « J'ai été licencié pour faute grave, en 2005, après avoir adressé un mail à l'ensemble des 500 salariés, dans lequel je contestais une décision de la DRH. La société était en passe d'être rachetée. Il fallait couper les têtes qui dépassaient », se souvient un ingénieur informatique.

Licenciement abusif

Bien consciente que le licenciement était abusif, la direction a rapidement accepté une transaction plutôt que d'aller aux prud'hommes. Une transaction qui s'est soldée par un chèque de 23 000 euros pour huit ans d'ancienneté. Mais, selon Régis Granarolo, « il n'est pas rare que les transactions proposées par les directions ne dépassent pas deux mois de salaire. Les personnes qui se rendent compte qu'elles n'auraient pas dû signer ont, dès lors, peu de chances de voir la transaction considérée comme irrégulière par les prud'hommes ».

Pour aller plus loin

- Comment j'ai réussi à me faire virer !, de Perrine Collin (InterEditions, 2005) : une fiction, mais également un vrai ouvrage pédagogique. Perrine Collin a réussi, ici, un double pari : créer une intrigue romanesque qui a pour thème le licenciement par transaction, avec un suspens bien dosé, et guider le lecteur, éventuellement confronté à une situation proche de celle du héros, en lui donnant une foule d'informations, conseils juridiques, références bibliographiques. On y apprend, par exemple, comment épuiser chef et DRH ; les stratégies d'attente ; les conseils pour se préparer à négocier (combien coûte un avocat, combien ont obtenu les prédécesseurs, intégrer le risque prud'homal, définir des objectifs maximal et minimal...). Chargée de mission au sein de grandes entreprises françaises et internationales, l'auteure sait de quoi elle parle, elle fut le témoin privilégié de plusieurs licenciements et départs négociés. Elle a façonné un récit d'une justesse remarquable, qui fourmille d'anecdotes vécues. Une réussite.

- Négocier son départ de l'entreprise, de Philippe Ravisy (Delmas, 2005) : négocier son départ est un art difficile, et le salarié n'est pas toujours préparé à affronter son employeur. Philippe Ravisy, avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit social, s'appuie ici sur sa pratique professionnelle pour donner quelques clés au lecteur : l'attitude à adopter vis-à-vis de son employeur, les demandes à formuler, les moyens de les obtenir... Pratique et complet.

- Sortie de cadre(s), le licenciement pour motif individuel, instrument de gestion de la firme mondialisée, de Florence Palpacuer (lire entretien ci-contre), Amélie Seignour et Corinne Vercher, éditions La Découverte, à paraître début février. Florence Palpacuer est également l'auteure d'un rapport réalisé pour le compte de la Dares, en novembre 2005, Le licenciement pour motif personnel : un dispositif juridique au carrefour des mutations contemporaines de la relation d'emploi.

- Quitter l'entreprise : licenciement, démission, transaction..., de Camille Goasguen (Lamy/Les Echos, 2000). Dans cette troisième édition, l'auteure fait le point sur l'ensemble de ces «situations de rupture» : quels sont vos droits à faire valoir ? Les décisions à prendre ? Les obligations à respecter ? Ce guide tient compte des dernières orientations de la jurisprudence ainsi que des réformes intervenues sur ce sujet.

- Démission, rupture négociée, numéro spécial Liaisons sociales. Ce numéro comporte un point particulier sur la transaction, ainsi que des modèles de lettres. (N° 14308 du 28 janvier 2005).

Auteur

  • Rodolphe Helderlé