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La réalité virtuelle destinée à la formation va se développer

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 16.01.2007 | Rodolphe Helderlé

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La réalité virtuelle destinée à la formation va se développer

Crédit photo Rodolphe Helderlé

Des équipes du Cerv développent des outils permettant de scénariser des environnements virtuels destinés à la formation. D'ici à cinq ans, ce mode d'immersion devrait se répandre dans le cadre de l'apprentissage managérial ou comportemental.

E & C : En quoi la réalité virtuelle en matière de formation représente-t-elle une valeur ajoutée ?

Jacques Tisseau : Dans la réalité virtuelle, il devient possible de vivre une expérience à la 1re personne. C'est le moyen de donner au vécu toute sa place dans le processus d'apprentissage.

Pour bien apprendre, il faut faire. Or, dans les formations classiques, il est souvent compliqué de mettre les personnes en situation. C'est particulièrement le cas pour tout ce qui touche au comportemental. Des jeux de rôles animés en salle par les formateurs permettent, certes, de mettre des stagiaires en situation, mais les possibilités offertes dans un environnement virtuel sont bien supérieures. Sur des formations techniques, l'acquisition de l'expérience a un coût. Elles nécessitent une logistique pour immobiliser du matériel et parfois déplacer des personnes sur des sites dédiés. La transmission des connaissances se vit souvent à la 3e personne. Avec la réalité virtuelle, on donne aux stagiaires l'occasion de passer des idées reçues aux idées vécues.

E & C : A quoi ressemble l'environnement virtuel de formation optimale ?

J. T : L'expérience sera d'autant plus efficace que le stagiaire peut interagir avec une gestuelle naturelle et sa propre voix, sans avoir à utiliser une souris, un gant tactile ou un clavier. Les interfaces doivent être les moins intrusives possibles. Cela passe par des techniques de reconnaissance des gestes et de la voix. Plongé au coeur de son environnement, l'apprenant doit pouvoir interagir avec des personnages et des objets réellement autonomes. Ces agents informatiques sont capables de percevoir son comportement et d'agir en conséquence.

La perception constitue le début de l'autonomie. Chaque agent a son propre comportement qui évolue. Au fil du temps, il va acquérir une expérience, un vécu, qui va conditionner ses actions et ses réactions. Il y a une relation d'égal à égal entre l'apprenant et tous les éléments de son environnement. L'apprenant n'a, dès lors, pas les moyens de tout maîtriser. Il lui appartient simplement d'essayer de synchroniser ses intentions avec son environnement. L'environnement virtuel de formation va ainsi correspondre à un écosystème où tous les éléments sont interdépendants. Il y a un phénomène de coconstruction.

La durée de vie d'une application de formation au management qui reposerait sur des agents autonomes présente, en outre, l'avantage d'être quasiment illimitée. Il y a peu de risques qu'un apprenant se trouve confronté deux fois à la même situation. La plate-forme de réalité virtuelle sur laquelle nous travaillons doit permettre aux formateurs de faire évoluer par eux-mêmes l'environnement. Ils pourront y scénariser des événements et y gérer toutes les modalités du tutorat. L'utilisateur devient, de la sorte, un «créacteur». L'autonomie dont nous cherchons à doter les agents informatiques s'applique tout autant aux personnes bien réelles qui vont utiliser ces plates-formes de modélisation d'environnements virtuels. Voilà des arguments synonymes de retour sur investissement qui intéressent les entreprises.

E & C : Quand verra-t-on des salariés se former dans de tels environnements, qui, parfois, relèvent de la science-fiction ?

J. T. : C'est au niveau du management, du comportemental, qu'un environnement virtuel de formation peut le plus répondre aux besoins d'une entreprise. Nous maîtrisons les techniques, mais la tâche la plus ardue consiste à doter les agents autonomes de «cartes émotionnelles» les plus complètes possibles afin qu'ils se forgent, ensuite, leur personnalité.

En partenariat avec PerformanSe, qui conçoit des tests de personnalité, nous travaillons sur ce terrain. Les expériences que nous menons sont riches d'enseignements. Les environnements virtuels de formation doivent faire le lien entre les prises de décision et les émotions.

D'ici à moins de cinq ans, ces modes d'immersion vont se développer sur le marché. Il faudra, en revanche, attendre au moins dix ans pour pouvoir interagir avec la voix. Les techniques de reconnaissance vocale sémantiques sont encore trop embryonnaires. C'est dommage, car le management passe beaucoup par la parole et par la gestuelle. En attendant, le champ des applications ne se limite pas au management. Nous sommes déjà capables de provoquer un incendie sur un site classé Seveso et de mettre son responsable sécurité, les pompiers et le préfet en situation de prise de décision. Ce projet est conduit en partenariat avec le service départemental d'incendie et de secours du Finistère.

La formation à la maintenance dans un environnement virtuel est aussi un axe de développement. Des événements se déclenchent en fonction de ce que fait ou pas le technicien. Reste que ces formations à la sécurité et à la maintenance seront d'autant plus pertinentes qu'elles intègrent des émotions. Avec l'hôpital Saint-Anne, nos applications sont enfin utilisées pour repositionner des personnes atteintes de phobies sociales.

La méthode, Edgar Morin, six tomes, Poche.

Les hirondelles de Kaboul, de Yasmina Khadra, Pocket, 2002.

Buddy Longway, Derib, éditions du Lombard.

parcours

Titulaire d'un doctorat en géophysique et d'une agrégation de physique, Jacques Tisseau est directeur du Cerv (Centre européen de réalité virtuelle) et professeur des universités en informatique à l'Enib (Ecole nationale d'ingénieurs de Brest).

Ses thèmes de recherche portent sur l'autoapprentissage de comportements par des objets virtuels, la réalité virtuelle et les systèmes multi-agents.

Il est l'auteur d'un document de synthèse intitulé «Réalité virtuelle : autonomie in virtuo», en 2001, à l'université de Rennes.

Auteur

  • Rodolphe Helderlé