Au cours des trois dernières décennies, le spectre de la pauvreté est réapparu en Occident. En France, pendant cette même période, le chômage n'a cessé d'osciller entre 9 % et 12 % de la population active. Si l'on y ajoute le sous-emploi, la précarité de l'emploi et celle, financière, des travailleurs pauvres, entre un quart et un tiers de la population est touchée par la dégradation de l'emploi ; 15 à 20 millions de personnes connaissent, aujourd'hui, des conditions difficiles. Le problème est si massif que, pour s'en dédouaner, les politiques publiques s'ingénient à en reporter la faute sur les travailleurs eux-mêmes. Défaut d'employabilité, de flexibilité, manque d'assiduité dans la recherche de l'improbable emploi... Autant de raisons invoquées qui tendent à stigmatiser les victimes d'un système fondé sur l'exclusion et la concurrence des travailleurs entre eux.

A partir de l'analyse de témoignages recueillis lors d'une enquête menée en Ile-de-France pour mieux connaître les profils des RMistes, Noëlle Burgi, politologue, se propose d'étudier les différentes catégories conceptuelles mobilisées pour évaluer les situations des allocataires. Elle dénonce les conséquences psychiques de la culpabilisation dont ils sont victimes et, plus généralement, la tendance, au-delà des stages bidons, à rogner sur la dimension de solidarité au profit de la répression.

- Chargée de recherche au CNRS, Noëlle Burgi est rattachée au Centre de recherches politiques de la Sorbonne Paris-1.