E & C : Est-il possible de mesurer, le plus scientifiquement possible, la discrimination ou la diversité des minorités visibles en entreprise ?

J.-F. A. : Il existe plusieurs outils de mesure, tels que le testing de CV, l'approche patronymique, le recensement de la nationalité du salarié ou de son lieu de naissance. Le recueil d'informations peut se faire de deux manières : par consultation de bases de données, type fichier du personnel, ou par autodéclaration des salariés. Ces outils et le mode de recueil des informations ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients, mais ce qui compte, c'est le but dans lequel ils sont utilisés. Or, ils sont diamétralement opposés.

Dans un cas, il s'agit d'évaluer des processus : par exemple, le recrutement. Cela permet de mesurer une discrimination. On peut, ainsi, comparer l'évolution professionnelle d'échantillons de prénoms et constater des différences de traitement entre un groupe de référence et des groupes tests. De là, on déduit des biais dans les processus.

Dans l'autre cas, il s'agit de connaître la composition sociologique d'une population à un moment donné. On mesure alors la diversité.

E & C : Vous préconisez de ne mesurer que les discriminations. Pourquoi ?

J.-F. A. : La mesure de la diversité amène immanquablement à faire exister des catégories ethnoraciales. C'est la porte ouverte à la discrimination positive et aux quotas. Or, l'idée d'établir une juste proportion de minorités, dans une entreprise, est douteuse, car une entreprise n'a pas à être le reflet d'un pays, elle doit seulement se préoccuper de recruter des gens compétents. Une entreprise employant 25 % des minorités visibles peut tout de même avoir un comportement discriminant. Cela dépendra des candidatures.

E & C : Pour quelles raisons la mesure de la discrimination vous semble-t-elle plus pertinente ?

J.-F. A. : Précisément parce qu'elle permet aux entreprises de travailler à l'amélioration de leurs processus, ce que ne permet pas la mesure de la diversité.

E & C : Pourtant, de nombreuses entreprises paraissent tentées de travailler sur leur diversité...

J.-F. A. : Sans doute du fait que ce choix est plus porteur en termes d'affichage. En outre, la mesure de la discrimination postule que les processus ciblés peuvent être défectueux, ce qui revient à remettre en cause les processus internes de l'entreprise.