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La face cachée des TMS

Enquête | publié le : 05.12.2006 | J.-F. R.

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La face cachée des TMS

Crédit photo J.-F. R.

A côté des coûts directs, les TMS recèlent nombre de coûts cachés induits par des dysfonctionnements d'ordre organisationnel. Des coûts indirects qui devraient constituer un levier mobilisateur pour la prévention dans les entreprises.

« Si rien n'est fait, les troubles musculo-squelettiques impacteront sur le long terme la productivité des économies nationales. Déjà, selon certains économistes, le coût des TMS pèserait entre 0,2 % et 2 % du PIB de certains pays ! »

Loin de jouer les prédicateurs de mauvais augure, Roland Gauthy, ergonome chargé de recherche au sein de l'Institut syndical européen pour la recherche, l'éducation, la santé et la sécurité - une structure indépendante qui conseille les syndicats européens sur les politiques de santé et de sécurité au travail - met le doigt sur une réalité encore largement ignorée : enjeu de santé au travail, les TMS représentent aussi un enjeu économique de plus en plus prégnant.

Rien qu'en France, où ces pathologies sont largement sous-déclarées, le coût des TMS aurait, selon Michel Aptel, médecin à l'INRS, avoisiné, en 2003, 1,4 milliard d'euros (dont environ 700 millions pour les maladies répertoriées aux tableaux 57, 97, 98, et autant pour les accidents du travail liés aux lombalgies) sur les 6,9 milliards d'euros de prestations versées par la branche AT-MP.

Période charnière

« L'année 2003 a été une période charnière, car, pour la première fois, le coût des TMS a dépassé celui de l'amiante », note ce chercheur. Plus proche de nous, en 2004, les maladies indemnisées au titre des tableaux 57, 69, 79, 97, 98, au nombre de 28 033 (dont 24 835 pour le 57), ont, selon la Cnamts, engendré une charge d'environ 580 millions d'euros pour les entreprises (dont 449 millions d'euros pour le 57) et près de 6 360 000 jours d'arrêt (dont 5 338 000 pour le 57) ! Encore faudrait-il prendre en compte l'impact de ces pathologies sur les dépenses de l'assurance maladie, compte tenu, justement, de l'ampleur de la sous-déclaration.

L'incidence des TMS en euros sonnants et trébuchants sur les cotisations AT-MP des entreprises devrait constituer, à elle seule, un sujet mobilisateur pour favoriser la prévention dans les entreprises. Sans refaire le débat sur la tarification - qui fait actuellement l'objet d'une négociation nationale -, le système français, en grande partie forfaitisé, ne joue plus ce rôle de révélateur, en particulier dans les PME.

«Bonus-malus» inefficace

Dans les grandes entreprises, où le taux de cotisation est pourtant individualisé en fonction des résultats de l'établissement en matière de sécurité, c'est le caractère incitatif de la tarification pour aller vers davantage de prévention qui fait défaut. L'idée du «bonus-malus», consistant à récompenser le comportement vertueux des entreprises en matière de santé au travail, n'a guère soulevé l'enthousiasme de la délégation patronale lors de la dernière séance de négociation relative aux AT-MP, le 14 novembre dernier.

Les entreprises ont tout intérêt à agir, les taux de cotisation AT-MP n'étant que la partie visible de l'iceberg. La réalité économique est plus diffuse. Il est généralement admis que pour 1 euro de coût direct, l'entreprise débourse 3 à 4 euros. Désorganisations dans le processus de production, mauvaise gestion des délais, recours à l'intérim pour remplacer le salarié malade, les TMS coûtent cher.

Les répercussions sur l'image de l'entreprise peuvent, en outre, se révéler désastreuses en période de tension sur le recrutement. « Dans des secteurs très exposés aux TMS, des entreprises vivent une véritable pénurie de personnel, en grande partie à cause de risque », confirme Gérard Mari, ingénieur- conseil au département prévention des risques professionnels de la Cnamts.

Sous-estimation

Les coûts cachés des TMS ont été disséqués par l'Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail), dans une des rares études consacrées à ce sujet. Selon une méthode d'analyse confiée à Iseor (Institut de socio-économie des entreprises et des organisations), ceux-ci seraient de 10 à 30 fois supérieurs aux coûts directs, bien loin, donc, des estimations habituelles. Dans les entreprises étudiées, le coût total atteint 6 800 à 11 200 euros par personne souffrant de TMS par an. Et encore, indique l'Anact, la sous-estimation des TMS est importante, le personnel intérimaire n'étant pas pris en compte, et certaines douleurs en relation avec des TMS étant sous-évaluées. « Généralement, l'entreprise commence à prendre le problème TMS à bras-le-corps dès que sa productivité est altérée », analyse Evelyne Escriva, copilote du projet TMS à l'Anact.

Auteur

  • J.-F. R.