Un dialogue de sourds semble s'être instauré entre les patrons et leurs salariés. D'un côté, on se plaint que les salariés ne soient pas assez flexibles au vu des exigences du marché ; de l'autre, on s'accroche à son emploi comme à une bouée de secours, prétendant le défendre même quand sa justification économique a disparu.

Les salariés ne sont certainement pas plus obtus que leurs édiles. S'ils tiennent tant à leur emploi, c'est qu'il est une denrée rare et que, une fois au chômage, ils ne sont pas assurés d'en retrouver un, ni même, dans cette hypothèse heureuse, de ne pas perdre au change d'un point de vue financier.

La mondialisation et les délocalisations aidant, dont on voit bien l'irrésistible logique, de quoi vivra-t-on demain dans notre vieille Europe ? Bernard Gazier, professeur en sciences économiques à Paris-1, et Peter Auer, qui dirige une équipe de recherche sur l'emploi au Bureau international du travail à Genève, entendent précisément réfléchir dans ce cadre européen plutôt que strictement hexagonal. Après avoir pris la mesure des difficultés et pressions qu'affrontent nos sociétés en matière d'emploi et de protection sociale, les auteurs détaillent les paramètres d'une vraie flexicurité en s'inspirant, notamment, du modèle danois.

Elargissant ensuite l'horizon, ils recensent les solutions qui marchent ailleurs dans le monde et examinent les conditions d'application à la France d'un modèle où chacun, travailleur comme employeur, aborderait ce problème de l'emploi de manière responsable, sans se dédouaner sur les prestations sociales, mais en reconnaissant pourtant le principe d'une solidarité de l'Union envers les travailleurs dont les entreprises délocalisent. Si elle n'est pas collective, la flexicurité n'a pas d'avenir.