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Le difficile bilan du droit d'opposition

Les Pratiques | Point fort | publié le : 21.11.2006 | Emmanuel Franck

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Le difficile bilan du droit d'opposition

Crédit photo Emmanuel Franck

Créé il y a deux ans et demi par la loi sur le dialogue social, le droit d'opposition n'a pas bloqué les négociations collectives, comme le craignaient ses détracteurs. Il est peut-être même devenu un outil de négociation entre les mains de la DRH.

Généralisé par la loi sur le dialogue social du 4 mai 2004, le droit d'opposition a été présenté comme un bouleversement, tant par ses défenseurs que par ses détracteurs. La loi dit qu'un accord d'entreprise est désormais valable s'il est signé par un syndicat - cette condition suffisait auparavant -, et que des syndicats majoritaires ne s'y opposent pas.

Même si le droit d'opposition ne va pas aussi loin que l'accord majoritaire - un accord n'est valable que s'il est signé par des syndicats majoritaires -, il introduit bien une logique majoritaire dans la validation d'un accord. Les défenseurs de cette logique y ont vu un moyen de responsabiliser les négociateurs : la direction ne peut plus se contenter de signer avec un syndicat ultraminoritaire, tandis que les syndicats ont la possibilité d'abandonner une posture d'opposant sans risques pour une opposition réelle. Dans ce camp, on trouve les deux principales confédérations (CFDT et CGT) et les syndicats qui ne sont pas représentatifs de droit (Unsa, Solidaires, FSU). A l'inverse, ses détracteurs prévoyaient qu'il bloquerait les négociations collectives, les syndicats abusant de ce droit d'opposition, et les patrons n'osant plus engager de négociations. Ici se retrouvent plutôt la partie patronale et les confédérations plus petites (FO, CFE-CGC, CFTC).

Alors que les partenaires sociaux, réunis dans le Conseil économique et social, discutent, a priori jusqu'au 28 novembre, pour savoir s'il convient de poursuivre dans cette logique majoritaire, le bilan du droit d'opposition reste encore à faire. La difficulté est qu'un accord frappé d'un droit d'opposition est réputé non écrit, et n'est donc pas recensé. Une enquête de la Dares sur les relations professionnelles, à paraître en mai 2007, devrait permettre de tirer un premier bilan quantitatif.

Cas médiatisés d'entreprises

En attendant, on relève une dizaine de cas médiatisés : Aéroports de Paris (ADP), Banque de France, Dassault Systèmes, Euro Disney, l'Institut français du pétrole, General Motors, Nestlé Water France (Perrier), la SNCF (à deux reprises, sur un projet d'accord d'intéressement). Il faudrait aussi tenir compte des négociations interrompues, voire qui n'ont même pas commencé, du simple fait d'une menace d'opposition. « Si la direction sent que cela peut arriver, elle ne cherchera même pas à signer », explique Sophie Brézin, avocate au cabinet Herbert Smith.

Cependant, rien n'indique que la production d'accords a été stérilisée après la loi de mai 2004. Le bilan de la négociation collective, édité par le ministère du Travail, constate, d'ailleurs, que le nombre d'accords d'entreprise a augmenté entre 2004 et 2005.

D'autre part, si les entreprises veulent à tout prix éviter un droit d'opposition, pourquoi cette situation s'est-elle produite dans au moins une dizaine de grandes entreprises, dont on peut penser que la DRH est très expérimentée ? Hypothèse de Sophie Brézin : « Les DRH confrontées à un droit d'opposition ont pris un risque calculé et savaient, dès le début, où se trouvait le point de blocage. »

Projets d'accord repoussés à la SNCF

A la SNCF, les projets d'accord créant un intéressement ont été très largement repoussés deux fois de suite, en 2005 et 2006, par des syndicats représentant 80 %, puis 65 % des salariés, dont la CGT, très majoritaire. « Nous connaissions la position de fond de la CGT sur l'intéressement, mais nous ne pensions pas forcément qu'elle irait jusqu'au bout », explique Jean-Yves Mareau, responsable des relations sociales. Mais, d'un autre côté, la direction, et sans doute aussi la CGT savaient que l'intéressement correspondait à une attente forte des cheminots. Les risques inhérents au droit d'opposition pesaient donc sur les deux parties.

De fait, l'intéressement a été repoussé, mais la CGT, tête de file de l'opposition, a perdu 4 points (de 44 % à 40 %) aux élections professionnelles de mars 2006, qui ont suivi le premier rejet. Qui, de la CGT ou de la direction, est sorti renforcé de cet épisode ? Difficile à dire.

L'essentiel

1 Créé par la loi de mai 2004 sur le dialogue social, le droit d'opposition introduit une logique majoritaire dans la validité d'un accord.

2 Cette nouvelle règle a-t-elle contribué à responsabiliser les négociateurs ou a-t-elle, au contraire, bloqué les négociations ? Difficile à dire faute de statistiques fiables.

3 Cependant, une chose est sûre : le droit d'opposition peut aussi être une arme dans les mains d'une DRH.

Auteur

  • Emmanuel Franck