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Les Pratiques

52 psychologues au chevet des policiers

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 21.11.2006 | Patricia Sudolski

Le service de soutien psychologique opérationnel est devenu, en dix ans d'existence, indispensable au fonctionnement de cette administration. Ecoute, aide et assistance sont proposées aux forces de l'ordre.

«Il y a vingt ans, quand un policier subissait un traumatisme, sa hiérarchie lui disait : «Garçon, c'est le métier qui entre !». Aujourd'hui, l'institution accompagne et prévient. La direction est animée par un désir de réparation par rapport aux souffrances induites par le métier. » Eliane Theillaumas, psychologue, est responsable du Service de soutien psychologique opérationnel (SSPO), depuis sa création, en 1996, à l'époque sous la tutelle de la DRH, aujourd'hui sous celle de l'action sociale.

Confidentialité absolue

Au total, ce sont 52 psychologues cliniciens qui, répartis sur l'ensemble du territoire, sont employés à temps plein. Ils offrent une veille téléphonique 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et des mises à disposition immédiates en cas d'événements sensibles. Tous les fonctionnaires de la police nationale, soit 150 762 personnes, peuvent les solliciter avec la garantie d'une confidentialité absolue ; 71 % des demandeurs sont des gardiens de la paix, qui représentent le gros des troupes ; 11 % des CRS ; 5 % des personnels de la police judiciaire (PJ).

Un réseau d'aide psychologique de cette importance sur les lieux de travail est unique. « Dans SSPO, il y a le mot opérationnel, précise Eliane Theillaumas. L'objectif de ce service est de permettre aux fonctionnaires de bien travailler le plus longtemps possible. On aide les agents, soumis à un choc, à recouvrir leurs moyens opérationnels. » Et Eliane Theillaumas d'expliquer le quotidien du SSPO : « Un samedi, vers 22 heures, indique-t-elle, j'ai été appelée par un commissariat pour une assistance. Chez eux, un fonctionnaire venait de se suicider suite à un conflit conjugal, la brigade était en état de choc. Une psychologue a été envoyée immédiatement pour prendre en main la situation traumatique. Dimanche, elle a procédé à un diffusing - recueil et analyse de l'état de choc - auprès de ceux qui ont trouvé le corps et elle a accompagné la famille. Lundi, elle a organisé un debriefing émotionnel collectif. »

Autre exemple, remontant à 2003. Lors d'une course-poursuite, un équipage de la BAC de Levallois-Perret (92) fait une embardée, trois policiers sont brûlés vifs, l'un est défiguré. Le lendemain, quand Eliane Theillaumas se présente au commissariat pour la séance d'assistance, un policier sort un briquet et brûle un papier en lui disant : « Voilà ce que cela fait, Madame, de voir flamber un corps humain. » La mise à disposition du SSPO auprès de ce commissariat dure toujours.

24 000 appels en 2005

Les chiffres sont tout aussi parlants. Entre 2004 et 2005, les interventions post-traumatiques ont augmenté de 75 % : 24 000 appels ont été recensés en 2005. Le SSPO a été particulièrement sollicité lors des violences urbaines de novembre 2005. Troubles du sommeil, anxiété, lassitude... se sont exprimés.

Remontée des suicides en 2006

Les problématiques personnelles tout autant que professionnelles sont prises en compte. Et les syndicats y veillent. La santé au travail est un enjeu fort des relations sociales. Aujourd'hui, ils craignent une progression des suicides. C'était déjà le cas quand le SSPO a été créé : rien qu'en février 1996, la police en déplorait dix. Des résultats encourageants ont été obtenus par la suite, mais l'année 2006 s'annonce mal. « On assiste, reconnaît Eliane Theillaumas, à une remontée des suicides. » L'explication ? « Le stress engendré par le métier, les difficultés de la vie, énonce Laurent Forini, secrétaire général de la SGP-FO. Il y a aussi la pression permanente qui pèse désormais sur le policier pour qu'il fasse toujours plus d'interpellations. Les plus fragiles craquent. » L'interprétation de la psychologue est différente : « On constate le même phénomène dans la population générale. Le nombre de passages à l'acte dans la police a suivi la tendance nationale. » Depuis octobre 2004, son service a mis en place des groupes de parole de prévention du suicide pour répondre à la situation.

Gain d'efficacité

Est-ce que le SSPO aide les salariés à aller mieux ? « Globalement oui, atteste le Dr Cappar, chef du service médical de la direction de l'administration de la police nationale. Il offre un confort aux salariés. » En 2005, les congés de longue maladie ont connu une légère baisse (-0,8 %) par rapport à 2004. « L'alcoolisme et le tabagisme, constate Laurent Forini, ont perdu du terrain. » Pour l'administration, le gain d'efficacité, lui, est certain. « Un fonctionnaire au clair avec ses ressentis sera toujours plus fort que celui qui les refoule », juge Eliane Theillaumas.

Des élections professionnelles sous haute surveillance

Du 20 au 23 novembre, comme tous les trois ans, les policiers vont voter pour renouveler leurs représentants nationaux et locaux siégeant dans les commissions administratives paritaires.

La bataille s'annonce rude entre Alliance, soutien de Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, et l'Unsa, dont le chef de file est proche de Ségolène Royal.

Cinq autres syndicats sont en lice : SGP-FO, Snop, Synergie, SCHFPN et Action-Police CFTC.

Auteur

  • Patricia Sudolski