E & C : La campagne de communication du gouvernement pour l'emploi des seniors vient de se terminer. Vous a-t-elle paru utile ?

S.G. : Sur le principe, oui, car c'est la première fois qu'une action en faveur de l'emploi des seniors intègre la dimension communication. Or, on sait combien les représentations jouent un rôle dans les difficultés de recrutement des plus de 50 ans. Il n'était donc que temps.

E & C : Qu'avez-vous pensé du contenu et de la forme de la campagne ?

S.G. : Là, je suis beaucoup plus critique. Sur l'affichage et la télévision, on a affaire à un style qui n'a pas bougé depuis les années 1970. L'ensemble de ces images sont défensives, tristounettes. On est dans un discours qui reprend des représentations négatives plus qu'autre chose. Par exemple, Etienne, qui a toujours rêvé d'un bateau et en a construit un : on est en plein dans l'image des préretraités qui se consacrent aux loisirs alors que les autres travaillent : je ne vois pas en quoi cela peut convaincre un chef d'entreprise !

D'autres témoignages sont décalés, tel celui de Patrick, qui est bon aux jeux vidéo. Ce n'est pas là-dessus qu'on l'attend et, en outre, il a toutes les chances d'être plus mauvais qu'un jeune. De façon générale, les seniors qui témoignent sont positionnés sur le terrain de l'autre, alors qu'il aurait fallu mettre en valeur les avantages qu'eux peuvent apporter.

Enfin, un des reproches majeurs que j'adresse à cette campagne est de présenter des gens seuls, jamais en équipe.

E & C : Qu'aurait-il fallu faire ?

S. G. : Mettre les gens en situation dans l'entreprise, avec des saynètes montrant les apports des uns et des autres, des seniors comme des jeunes : une idée imprévue, une attitude qui calme le jeu, etc. En tout cas, mettre beaucoup plus l'accent sur l'échange intergénérationnel.

(*) Serge Guérin est l'auteur de Manager les quinquas (éditions d'Organisation). Cet ouvrage, coécrit avec Gérard Fournier, a reçu le prix Mutations et Travail 2005 et le prix du livre RH 2006.