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Le politique cède le pas à l'utilitaire

Enquête | publié le : 07.11.2006 | E. F.

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Le politique cède le pas à l'utilitaire

Crédit photo E. F.

Les raisons pour lesquelles les enseignants adhèrent à un syndicat sont aujourd'hui moins politiques et plus instrumentales. Le système paritaire de mutations ouvre une niche de services aux syndicats.

Comparés aux autres salariés français, les fonctionnaires de l'Education nationale sont très syndiqués : aux alentours de 25 %, selon les chiffres 2004 de la Dares*, contre 8 % en moyenne. Une particularité encore plus vraie il y a quelques années, et qui recouvre de multiples causes, à la fois historiques et réglementaires.

Pour Jean-Luc Villeneuve, secrétaire général du Sgen-CFDT, 3e organisation de salariés, « la syndicalisation du monde enseignant est lié à sa politisation, à sa participation à des grandes luttes ». Et, inversement, « le climat de défiance généralisée à l'égard du politique explique la crise actuelle du syndicalisme ».

Affaiblissement de la FEN

L'unité syndicale, pendant des décennies, derrière la Fédération de l'Education nationale (FEN, devenue Unsa -Education), puis son émiettement, après la scission de 1992, expliquent également, selon lui, la force puis l'affaiblissement du fait syndical dans l'enseignement. Il estime qu'aujourd'hui, les raisons qui ont fait les grandes heures du syndicalisme enseignant n'ont pas disparu, mais qu'elles cèdent peu à peu le pas à un syndicalisme plus «primaire » : « Beaucoup de personnels cherchent maintenant simplement à être défendus. Notre service juridique fonctionne à plein . On voit apparaître du nomadisme, des enseignants adhèrent à trois ou quatre syndicats en quelques années, puis se désaffilient dès qu'ils ont obtenu ce qu'ils voulaient. »

Particularité réglementaire

Peu à peu, donc, l'adhésion sur base politique est remplacée par une adhésion utilitariste. Ce glissement n'en fait qu'apparaître plus clairement une particularité réglementaire de la fonction publique, elle aussi à l'origine d'une forte syndicalisation.

Ce qu'attendent de l'administration nombre d'enseignants, c'est une mutation géographique. Comme l'explique Thierry Le Goff, chef du service des personnels enseignants scolaires à la DRH de l'Education nationale, « l'affectation des enseignants se fait selon les besoins de la carte scolaire, mais nous essayons de prendre en compte leur demande ».

Avis des commissions paritaires

Pour de multiples raisons, les enseignants ne souhaitent pas forcément exercer et habiter là où ils sont affectés, d'où l'importance d'obtenir leur mutation. C'est là qu'intervient la particularité réglementaire : les commissions paritaires ont leur rôle à jouer dans ces nominations. « Les commissions paritaires ne sont que consultées, mais nous suivons leur avis à 99 % », explique Thierry Le Goff.

Si les syndicats interviennent dans les mutations, le fait d'être adhérent peut-il être d'une aide quelconque ? Les syndicats et l'administration s'accordent pour dire que l'adhésion ne procure aucun passe-droit, ne serait-ce que parce que les syndicats siégeant aux commissions paritaires étant nombreux, ils se neutralisent. En revanche, elle joue à la marge.

Du bon usage de l'algorithme

« Les syndicats annoncent à leurs adhérents leur nouvelle nomination, dès la sortie de la commission paritaire, donc avant nous, car nous sommes contraints de respecter un certains nombre d'étapes réglementaires », explique Thierry Le Goff. Surtout, l'adhésion à un syndicat peut aider à être muté dans un établissement précis. Tout est décidé par un système de points, de barème et d'algorithme. Il y a donc, a priori, peu de moyens d'intervenir.

Mais « les syndicats, lorsqu'ils sont très bien implantés sur le terrain, peuvent conseiller sur le meilleur ordre dans lequel formuler les voeux de mutation, et, ainsi, optimiser les résultats de l'algorithme. De ce point de vue, ils sont effectivement capables d'apporter une expertise dont ne disposent pas forcément les rectorats - les services locaux du ministère », explique Thierry Le Goff.

Un petit syndicat comme la Fédération autonome de l'Education nationale (FAEN) ne vit que de ce type de services. « Nous ne parlons que de questions professionnelles à nos adhérents, car nous considérons qu'ils sont assez grands pour se forger sans nous leurs opinions politiques », déclare Marc Geniez, son secrétaire général.

(*) Cités par Bertrand Geay, Le syndicalisme enseignant, La Découverte, 2005.

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  • E. F.