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Le Livre-CGT veut améliorer son offre de services... aux patrons

Enquête | publié le : 07.11.2006 | E. F.

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Le Livre-CGT veut améliorer son offre de services... aux patrons

Crédit photo E. F.

La Filpac-CGT a longtemps disposé du monopole de recrutement des ouvriers du livre. Un système très avantageux pour ces derniers, mais qui est, aujourd'hui, rééquilibré en faveur des employeurs.

Les ouvriers du livre-CGT disposent sans doute de l'offre de services syndicaux la plus aboutie en France. Le principal étant l'accès à un emploi pérenne, en échange de l'adhésion. Organisé depuis des décennies par les syndicats des différents métiers du livre (typographes, rotativistes, correcteurs, photograveurs...) regroupés dans la Fédération des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication (Filpac-CGT), ce système est particulièrement intéressant pour les salariés précaires. Inscrits au «bureau de placement» du syndicat, appelé aussi «permanence syndicale», ces «permanents» sont envoyés sur les différents sites de production afin d'absorber les importantes variations de charge de travail. Des accords de production déterminent les seuils à partir desquels les employeurs font appel aux permanents.

Revenu régulier

Quoique en contrat d'usage, donc précaires, ils ont l'assurance d'un revenu régulier, leur syndicat s'arrangeant pour faire tourner les effectifs du bureau de placement. La Filpac y voit même une préfiguration de la Sécurité sociale professionnelle. En outre, les ouvriers bénéficient tous de la même rémunération (le «point 100»), très élevée.

Les avantages d'un tel système pour le syndicat qui l'organise sont énormes. Les services proposés par la Filpac étant rien moins qu'indispensables, et cette dernière ayant fait ce qu'il faut pour préserver son monopole de représentation (y compris en recourant à la manière forte), le taux d'adhésion dans les métiers et les entreprises de son périmètre (principalement la presse quotidienne nationale) est de 100 %. Le rapport de force lui est alors extrêmement favorable : elle a obtenu, au fil des années, des avantages extraordinaires pour ses ouvriers : ces derniers perçoivent 3 500 euros mensuels brut sur quatorze mois, pour 32 heures de travail hebdomadaire et huit semaines de congés.

Très peu de bénéficiaires

L'inconvénient du système, hérité du compagnonnage, est qu'il est réservé à un petit nombre de personnes. Il y a, aujourd'hui, environ 200 permanents. « Dans ces métiers précaires, il faut organiser le partage du gisement d'emplois afin que chacun ait sa part », explique Antoine Peillon, membre du comité syndical d'Info'com-CGT, une des composantes de la Filpac. Ce qui revient à sélectionner ceux qui auront droit d'accéder à l'offre de travail. Selon quels critères ? C'est toute la question.

Côté entreprise, le système est très contraignant puisqu'il signifie que quasiment toute l'organisation du travail est gérée par le syndicat : recrutement, formation (la Filpac dispose d'écoles), organisation d'une partie de la chaîne de production (utilisation de certaines machines et logiciels réservés aux adhérents), aménagement des locaux. Celui-ci tient à la fois le rôle de la DRH et celui de l'agence d'intérim.

Gagnant-gagnant

Mais, malgré cela, la partie patronale y a longtemps trouvé son compte puisque le système a perduré de la Libération jusqu'à nos jours. « Le deal était qu'en échange de son monopole de placement, le syndicat fournisse de la main-d'oeuvre compétente en nombre suffisant pour faire face aux très importantes variations de charges de travail », explique Jean-Pierre Guérin, directeur des affaires sociales du Syndicat patronal de la presse quotidienne nationale (SPQN). « Or, à un certain moment, le deal n'a plus été respecté de notre côté, admet Antoine Peillon, nous n'avons plus suffisamment garanti les compétences des salariés envoyés chez les employeurs. » A force de recruter sur des critères politiques ou familiaux, le niveau de qualification a baissé.

Nouvel accord plus équilibré

L'accident mortel d'un ouvrier dans une imprimerie, survenu il y a quelques années, convainc les deux parties de faire évoluer le système. Sans compter que l'informatisation des métiers rend de moins en moins pertinente l'organisation en syndicats corporatistes.

Fin novembre 2004, patrons et syndicats signent un important accord qui entérine un rapport de force désormais plus équilibré. « Nous conservons les bureaux de placement, mais les recrutés devront montrer qu'ils ont le niveau », explique Jean-Pierre Guérin.

Officiellement, ce sont donc les entreprises qui reprennent la main sur la gestion de leurs ressources humaines. « Nous voulons que les employeurs conservent le principe de la préférence de recrutement, mais librement, en fonction de la qualité du service que nous sommes capables de leur fournir », assure Antoine Peillon.

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  • E. F.