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Les SSII peaufinent leur marque employeur

Les Pratiques | Point fort | publié le : 10.10.2006 | Anne Bariet

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Les SSII peaufinent leur marque employeur

Crédit photo Anne Bariet

La pénurie de compétences informatiques commence à se profiler en France. D'où la nécessité pour les SSII de développer une véritable gestion des politiques RH afin de devenir plus attractives. Contrat, salaire, évolution de carrière, formation... Etat des lieux sur les points forts et les points faibles de ces entreprises.

Jusqu'ici, les SSII savaient faire. La gestion des ressources humaines se cantonnait à une tâche assez sommaire : la gestion des flux de personnel, entrants et sortants, sans définir de véritables objectifs stratégiques de leur organisation. Les parcours de carrière ? A quoi bon, puisque les candidats quittaient l'entreprise après trois à quatre années d'expérience ? Les perspectives d'évolution ? Inutile, puisque le but des nouveaux venus était de multiplier les passages dans diverses entreprises. La formation ? Le moins possible, car les employeurs misaient sur des jeunes, frais émoulus de l'école, aguerris aux toutes dernières technologies. « Le but n'était pas de fidéliser, fait remarquer cet observateur. La gestion des ressources humaines n'existait pas vraiment, le propre des SSII étant de s'adapter au turn-over. »

Changement de ton, aujourd'hui. Avec les nouvelles vagues de recrutement annoncées, le spectre de la pénurie de main-d'oeuvre se profile ; 2 350 recrutements sont prévus, cette année, chez Alten ; 2 000 embauches sont envisagées chez Altran, Atos Origin et Segula Technologies ; 1 800 recrues sont attendues au sein d'Unilog et de Sogeti... Le mouvement touche aussi les sociétés de taille moyenne. Selon le Syntec Informatique, les SSII devraient recruter 40 000 personnes et créer 10 000 emplois en 2006. En vedette : les développeurs des systèmes embarqués, les profils aux doubles compétences (fonctionnelle et technique), les architectes, experts en nouvelles technologies (Java, J2ee, Dotnet...).

L'informatique est, de fait, l'un des tout premiers recruteurs de cadres en France. La profession peut profiter d'une forte demande dans tous les secteurs économiques et, en particulier, dans la banque-assurance, les télécommunications et l'industrie.

Vers une nouvelle guerre des talents

Le problème est que les SSII ne font plus rêver. Si le chantier de l'euro et le passage à l'an 2000 ont ouvert des boulevards à ces entreprises, la crise a entamé la confiance des candidats, qui ont subi de plein fouet les licenciements, les pressions au départ, les utilisations abusives des clauses de mobilité.

Comment, aujourd'hui, devenir un employeur de référence ? Les entreprises ne savent plus vraiment faire. Les écoles, une fois de plus, n'ont pas formé suffisamment de personnes qualifiées pour répondre à leurs besoins, et le turn-over oscille, selon les spécialistes du secteur, entre 15 % et 20 %. Les SSII s'attendent à une véritable guerre des talents, dans laquelle les employeurs devront se montrer plus qu'ingénieux en termes de recherche de compétences. Devront-elles à nouveau faire monter les enchères salariales pour recruter ? Faire de l'intégration à la va-vite ? Chercher à débaucher chez leurs concurrents ?

Mise en avant des atouts

Pris de doutes, le Syntec Informatique vient de lancer une vaste enquête sur l'attractivité de ses métiers. Objectif ? Scruter les attentes des candidats potentiels et peaufiner les stratégies d'approche. En attendant, la plupart des employeurs cherchent à mettre en avant leurs atouts. En première ligne, le contrat de travail. Alors que les jeunes sont touchés de plein fouet par la précarité, le secteur embauche, lui, en CDI, qui représentaient 97 % des contrats en 2005. Contrairement à beaucoup d'autres secteurs, le CPE (Contrat première embauche) ne figurait pas au rang des revendications de la profession. De même, le CDD senior, d'une durée maximum de dix-huit mois, renouvelable une fois, n'a pas la cote auprès des employeurs.

Autre point fort : parmi toutes les professions, les informaticiens détiennent souvent les records des plus fortes progressions salariales. Selon une étude dressée par Expectra, spécialiste du recrutement de cadres en intérim et en CDI, en septembre dernier, les administrateurs réseaux ont vu leur rémunération progresser de 17,3 %, en 2006. Ils atteignent ainsi les 36 270 euros de salaire annuel médian national. Les résultats du CNISF (Conseil national des ingénieurs et des scientifiques de France) confirment cette envolée. L'informatique apparaît comme le domaine professionnel, avec la fonction commerciale, offrant les plus belles perspectives de salaire.

Pour Cédric Barbier, directeur du salon Les Jeudi, les raisons sont simples : « Les entreprises ont gelé les salaires entre 2002 et 2004. Or, les récentes tensions enregistrées sur le marché du travail ont conduit certaines d'entre elles à les revaloriser pour fidéliser leurs recrues. » Sinon ? Tel recruteur n'a-t-il pas découvert, récemment, tous les CV de ses salariés déposés sur un job board ? « Il n'est pas rare d'obtenir une augmentation de 15 % en changeant d'entreprise, poursuit Cédric Barbier. Un chef de projet banque, par exemple, avec deux à trois ans d'expérience, qui gagne 38 000 euros, peut, en bougeant, atteindre 43 000 euros. »

Rendre visibles les filières métiers

Mais, pour séduire, les SSII ne devront pas se contenter de ces seuls arguments. Insuffisant ! D'autres leviers doivent être activés. En priorité, l'évolution de carrière, la mobilité interne étant au plus bas. « Sinon, nous faisons de l'intérim de luxe, indique Hervé Dusart, directeur général de CGI France. Pour que le passage dans une SSII ne soit plus juste une étape qui sert à valider son savoir et à négocier un salaire supérieur en passant chez un concurrent, les DRH doivent mettre en place une gestion des emplois et des compétences afin de donner une visibilité aux filières métiers. » Car comment reconnaît-on une bonne SSII ? « A son plan de formation, à ses perspectives d'évolution, ou encore à ses entretiens de fin de mission », poursuit-il. Des outils développés chez CGI, qui a en outre mis en place le DIF.

La GPEC reste à développer

Chez Comis, également, la gestion de carrière est une priorité. Dans cette SSII de 180 personnes, deux gestionnaires de carrière travaillent dans les service RH ; 25 % de leurs collaborateurs ont plus de dix ans d'ancienneté. Chaque salarié rencontre son interlocuteur RH deux fois par an au minimum pour évoquer ses besoins en formation, ses souhaits d'évolution. Les seniors évoluent, par exemple, vers des postes de chef de projets, de manager. Chez Aedian, des postes de directeur de filiale sont proposés aux plus expérimentés.

A développer aussi, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Le Syntec montre l'exemple en passant à la loupe plusieurs de ses métiers, celui de développeur, par exemple, à l'heure où l'off-shore rabat les cartes et au moment où les centres de service, implantés en province, industrialisent les développements. Il a ainsi concocté un dispositif de veille, via un observatoire social, et conduit des études prospectives pour évaluer, avec les partenaires sociaux, les évolutions de plusieurs professions (éditeur, conseil en technologie, expert en informatique embarquée) à l'horizon de cinq ans.

En bonne voie, également, l'amélioration des relations école-entreprise. La profession travaille, par exemple, via l'association pasc@line, avec des écoles d'ingénieurs pour adapter les cursus de formation aux besoins des entreprises.

Contact direct avec les candidats

Autre progrès notoire, la communication de recrutement. « Pour éviter tout désenchantement, notre communication devient plus réaliste, analyse Noëlle Bonnard, directrice du recrutement chez Teamlog, quiprévoit d'intégrer 610 informaticiens cette année. Nous communiquons davantage sur le poste et sur le métier, le travail chez le client, le mode de fonctionnement des SSII. »

Le contact direct avec les candidats est très prisé. Les forums école comme les salons de recrutement sont très recherchés ; la cooptation est également encouragée : chez Teamlog, 50 % des recrutements se font grâce aux relations. Enfin, pour cultiver leurs différences, les SSII jouent également la proximité en multipliant les contacts avec leurs salariés : suivi téléphonique tous les mois, soirées (comme chez Comis), journaux internes, investissement sur le développement durable (Aedian)...

Mais d'autres sujets restent au point mort. C'est le cas, notamment, de l'emploi des seniors, la bête noire de la profession. Les carrières plombées à 38 ans ? « Cette profession souffre d'un fort jeunisme, analyse Cédric Barbier. Beaucoup d'informaticiens sont au chômage ou se sont reconvertis. » De fait, 34 % des demandeurs d'emploi de 30-40 ans de ce secteur sont au chômage, contre 19 % pour les 25-30 ans. Malgré le plan seniors et les incantations du gouvernement, rien n'y fait : les entreprises ne recrutent pas au-delà de 40 ans. Deux raisons à ce phénomène : « D'une part, leur intégration passe mal dans une équipe plus jeune ; et, d'autre part, les entreprises ont encore des problèmes de marge d'exploitation, elles cherchent à réduire leur masse salariale, et les seniors sont les premiers lésés. » Ce n'est donc pas un hasard si le Syntec a décrété la mobilisation, en signant une convention avec le Garp et l'ANPE (lire encadré). Autre maillon faible, la diversité ne figure pas, non plus, au rang des priorités des SSII. Le CV anonyme n'a pas été mis en place, et aucune d'elles n'a signé la charte de la diversité, par exemple. Simple marketing social, rétorquent-elles. Des pratiques qui peuvent, pourtant, faire la différence en cas d'emballement du marché.

Seniors, le point noir

Le Syntec dispose d'une cartographie assez précise, établie tous les trimestres, des informaticiens au chômage. Ainsi, le nombre de demandeurs d'emploi du secteur est tombé de 38 000 en décembre 2005 à 23 000 actuellement, soit un taux de chômage de 2 % pour cette population. Mais la croissance en emploi ne profite pas à tous les profils. Les 30-39 ans et les 40-49 ans prennent les parts les plus importantes parmi les informaticiens demandeurs d'emploi, respectivement 34 % et 24 %, contre 7 % pour les 18-24 ans. C'est pourquoi la mobilisation a été décrétée, avec la convention Syntec/Garp et ANPE.

Le Syntec Informatique émet des besoins de compétences, l'ANPE détermine les profils ad hoc, et le Garp (Groupement des Assedic de la région parisienne) propose, ensuite, des aides à la formation ou des stages. Si l'expérience francilienne est concluante, elle pourrait s'étendre à tout le territoire.

L'essentiel

1 Selon le Syntec Informatique, les SSII devraient recruter 40 000 personnes et créer 10 000 emplois en 2006. Des tensions commencent à apparaître sur le marché.

2 Pour être attractives, les SSII doivent mettre en avant leurs atouts : le CDI (97 % des contrats) et la rémunération élevée.

3 Des progrès restent à faire sur la gestion des emplois et des compétences, l'évolution de carrière et la communication de recrutement. Points noirs : la gestion des seniors et les politiques de diversité.

Auteur

  • Anne Bariet