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Une nouvelle generation d'accords

Enquête | publié le : 10.10.2006 | Céline Lacourcelle

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Une nouvelle generation d'accords

Crédit photo Céline Lacourcelle

Nés dans les années 1950, les accords de droit syndical ont évolué. Toujours mis en oeuvre afin d'accorder aux représentants du personnel des moyens financiers et matériels pour l'exercice du droit syndical, ils s'enrichissent aujourd'hui de dispositions prévoyant une communication avec les salariés à l'aide des nouvelles technologies et des engagements de non-discrimination syndicale.

Les accords de droit syndical ont changé. Certes, il est toujours question d'accorder des moyens matériels de fonctionnement aux institutions représentatives du personnel pour le bon déroulement de l'exercice du droit syndical dans l'entreprise, mais il est aussi question de nouvelles garanties et de nouveaux thèmes. Même si, il faut le préciser, le nombre d'accords de droit syndical reste limité. Selon Thierry Heurteaux, associé au cabinet Pactes Conseil, « on compte moins de 20 % des entreprises à disposer de tels dispositifs ».

Pour autant, l'enjeu est de taille : « Pour l'entreprise, il importe d'avoir une représentation syndicale qui soit un véritable interlocuteur capable de se positionner et de représenter les salariés, souligne Jean-Pierre Chené, consultant chez Hommes et Redéploiement. Assurer la pérennité d'une représentation syndicale représentative dans les prochaines années est primordial à l'heure où les organisations syndicales vont, elles aussi, subir le papy-boom. »

Dialogue social

C'est d'ailleurs souvent à la suite de conflits sociaux que les entreprises se saisissent d'accords de droit syndical pour sortir d'une logique de confrontation et tendre vers la promotion du dialogue social.

L'accès aux moyens matériels reste le chapitre incontournable de ces accords. Mais, là encore, les choses ont évolué. Plus question d'attribuer des dizaines d'heures de délégation supplémentaires au-delà de ce que permet le Code du travail (lire p. 24). L'heure est à la raison, explique Thierry Heurteaux : « Dans les années 1980, les accords de droit syndical étaient généreux parce que la période était propice aux largesses. Aujourd'hui, les accords qui sont négociés, voire renégociés, sont plus mesurés » (lire p. 29).

Heures de délégation enrichies

Néanmoins, les accords améliorent l'ordinaire. « Dans l'accord que nous avons signé chez Accenture, le 2 février dernier, un élu du comité d'entreprise dispose de 20 heures de délégation, enrichies de 12 heures dérogatoires, qui peuvent être partagées avec le suppléant. Le délégué syndical central bénéficie, quant à lui, de 80 heures », explique Eric Pigal, délégué syndical central CFE-CGC et secrétaire du CCE. Chez Chronopost, l'accord, signé en 2004, attribue aux délégués syndicaux centraux un crédit mensuel de 37 heures, auxquelles s'ajoutent 20 heures à chaque négociation d'entreprise. Il se monte à 60 heures à la Société commerciale automobile de Peugeot.

Financement

Les accords introduisent également le montant d'enveloppes pour financer le fonctionnement des organisations syndicales, variables selon les résultats obtenus aux élections professionnelles. Cofiroute fixe, ainsi, l'aide annuelle de fonctionnement à 2 200 euros, auxquels s'ajoute un variable calculé en proportion du nombre d'élus. Chez Safran, un premier forfait est fixé à 40 000 euros, attribué aux organisations syndicales représentatives au plan national, complété d'un variable de 110 000 euros réparti proportionnellement à la somme des résultats obtenus aux élections des titulaires au comité d'entreprise et aux élections des délégués titulaires des sociétés du périmètre du comité de groupe (lire p. 27). Le Crédit mutuel, pour sa part, accorde une somme annuelle de 335 000 euros à ses syndicats, à 60 % à part égale, et 40 % en fonction des résultats aux élections des comités d'entreprise.

Budgets à négocier

C'est d'ailleurs sur ces budgets et sur ces moyens que, bien souvent, se jouent les négociations, comme le constate Jean-Pierre Chené. Outre ce volet, certains accords récents innovent, notamment pour organiser une représentation syndicale à l'échelle du groupe pour la négociation de sujets transverses à l'ensemble des sociétés. C'est le cas chez Arkema et chez Safran, qui ont créé le mandat de coordinateur syndical. Même approche de la part de Pinault Bois et Matériaux, réunissant trente sociétés, qui a institué, dans son accord du 3 avril dernier, des délégués syndicaux de groupe pour les syndicats représentatifs au niveau national.

Suivi de carrière

Autre grande nouveauté des accords récents de droit syndical : l'affirmation du principe de non-discrimination et l'engagement contractuel de suivi du déroulement de carrière des élus et des mandatés. « Depuis quelques années, la discrimination syndicale est abordée dans ces textes sous l'angle de l'évolution de carrière des syndicalistes, avec une logique d'automaticité dans la progression de carrière », souligne Yasmine Tarasewicz, avocate de Proskauer Rose. C'est bien souvent après de grosses vagues de contentieux en la matière que le sujet fait son apparition (lire l'article sur Mittal Steel Gandrange p. 26).

« Le mécanisme d'antidiscrimination syndicale mis en place dans le cadre de l'accord chez Accenture consiste à assurer aux représentants du personnel des augmentations salariales au minimum égales à celles obtenues par leurs collègues. Cette garantie est une bonne chose, car il n'est pas toujours facile de remplir ses objectifs lorsqu'une partie du temps du représentant est liée à son engagement », salue Eric Pigal. D'ailleurs, dès qu'un salarié devient détenteur d'un mandat représentatif ou électif, une évaluation de sa disponibilité à son poste de travail est effectuée par sa hiérarchie afin de lui permettre d'exercer son mandat. Le poste de travail est ensuite aménagé en fonction de ces évaluations.

Evolution garantie

Renault Trucks prévoit, pour sa part, dans son accord signé le 2 mars dernier, que les représentants du personnel à temps plein et à mi-temps ont droit à un entretien annuel individuel. Par ailleurs, la direction leur garantit une évolution de rémunération au moins tous les trois ans, qui sera égale à la moyenne de la rémunération des autres collaborateurs de l'établissement de la même catégorie professionnelle et de même statut. Egalement prévus : un entretien de retour à l'emploi pour prendre en compte le projet professionnel de l'intéressé, avec un zoom sur ses compétences développées dans le cadre du mandat, les perspectives d'évolution et la mise en oeuvre éventuelle d'un plan de formation.

Retour à l'emploi

Au Crédit mutuel, le retour à l'emploi doit être préparé six mois avant la fin du mandat. La réintégration ou la réaffectation s'effectuent, au minimum, dans un emploi équivalent de celui occupé précédemment. Les affectations sont préparées par un parcours qualifiant de formation et d'acquisition d'expériences professionnelles nouvelles, prenant en compte les compétences acquises comme représentant du personnel. Par la suite, l'employeur s'engage à veiller pendant deux ans au bon déroulement de la réintégration de l'ancien représentant du personnel.

Enfin, les accords de ces dernières années se mettent à l'heure des nouvelles technologies de l'information et permettent leur accès aux représentants du personnel. Après les tracts et l'affichage, l'expression syndicale s'exerce donc par de nouvelles voies. D'abord en dotant les élus d'un matériel informatique moderne. Chronopost met, ainsi, à la disposition de chaque délégué syndical central titulaire et suppléant un micro-ordinateur portable, s'il ne possède pas un ordinateur sur son site, et un téléphone portable avec cinq heures de communication par mois.

Boîte aux lettres électronique

Renault Trucks accorde ces téléphones à chaque délégué de la société. Et pour assurer leur activité, il n'est plus rare, aujourd'hui, qu'un élu ou un mandaté dispose de sa propre boîte aux lettres électronique par laquelle les salariés peuvent le contacter. Chez Accenture, les syndicats ont obtenu de pouvoir diffuser une newsletter quatre fois par an, distribuée aux adresses électroniques des salariés.

Certains accords vont encore plus loin en accordant aux organisations syndicales un espace sur l'intranet de l'entreprise. C'est le cas, par exemple, chez Arkema et chez Renault Trucks. Chez ce dernier, le site Internet des organisations syndicales peut être consulté par chaque salarié depuis un poste de travail interne, à partir d'un lien informatique depuis le site intranet de l'entreprise. Mieux : ces sites peuvent proposer des forums de discussion aux salariés de l'entreprise afin de recueillir leur avis sur un sujet d'intérêt général. Renault Trucks fait, en la matière, encore figure d'exception.

Erratum

Dans l'article d'ouverture du dossier sur les retraites (Entreprise & Carrières n° 826), nous avons à tort attribué à Eternit la mise en oeuvre d'un régime à prestations définies. Il s'agit, en réalité, d'un régime à cotisations définies, comme l'indique, ensuite, l'article consacré à cette entreprise.

L'essentiel

1 Peu d'entreprises disposent d'accords de droit syndical. Quand elles en signent, elles confèrent aux représentants du personnel des moyens supplémentaires à ce que prévoit le Code du travail, notamment en matière de représentativité à l'échelle du groupe.

2 Outre des moyens matériels et financiers, les accords récents contiennent de nouvelles dispositions concernant la non-discrimination des élus et des mandatés et l'accès aux nouvelles technologies.

Les droits et moyens légaux

Les délégués du personnel

> Un crédit de 10 heures dans les entreprises de moins de 50 salariés et de 15 heures dans celles d'au moins 50 salariés.

> Un local équipé et un espace d'affichage pour y diffuser les informations rattachées à l'exercice de leur mission.

> La libre circulation dans et hors de l'entreprise sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l'accomplissement du travail des salariés.

> L'organisation d'au moins une réunion par mois avec la direction. Des réunions exceptionnelles sont envisageables, par exemple en cas d'urgence, à la demande d'une des deux parties.

Le comité d'entreprise

> Un crédit de 20 heures par mois pour chaque membre titulaire auxquelles s'ajoutent 20 heures pour chaque représentant syndical au CE dans les entreprises de plus de 500 salariés.

> Un local aménagé (informatique, photocopieur, téléphone).

> Un stage de formation économique de cinq jours maximum destiné aux membres titulaires élus pour la première fois.

> Une subvention de fonctionnement annuelle égale à 0,2 % de la masse salariale brute.

> La libre circulation dans et hors de l'entreprise, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante au travail des salariés.

> L'organisation d'au moins une réunion mensuelle dans les entreprises de 150 salariés et plus ; une fois tous les deux mois dans celles de moins de 150 salariés. Des réunions extraordinaires à la demande de la majorité des membres du comité peuvent être suscitées. Les frais de déplacement pour assister à chacune de ces rencontres sont alors à la charge de l'employeur.

Le CHSCT

> Un crédit de 2 heures par mois par représentant dans les entreprises jusqu'à 99 salariés ; de 5 heures dans celles de 100 à 299 salariés ; de 10 heures dans celles de 300 à 499 salariés ; de 15 heures dans celles de 500 à 1 499 salariés, et de 20 heures pour les entreprises de plus de 1 500 salariés.

> Un local doté de moyens informatiques, de reproduction, de transmission et de diffusion des procès-verbaux (affichage).

> Une documentation technique et juridique adaptée aux risques particuliers de l'établissement.

> La libre circulation dans et hors de l'entreprise sous réserve de ne pas apporter de gêne importante au travail des salariés.

> L'organisation d'au moins une réunion par trimestre à l'initiative du chef d'établissement. Les frais de déplacement pour s'y rendre sont à la charge de l'employeur.

> Remboursement des frais de procédure et honoraires d'avocats.

Les organisations syndicales

> Un crédit, pour les délégués syndicaux, de 10 heures par mois et par délégué dans les entreprises de 50 à 150 salariés ; de 15 heures dans celles de 151 à 500 salariés et de 20 heures dans celles de plus de 500 salariés. Pour la préparation de la négociation d'une convention ou d'un accord, chaque section syndicale dispose d'un crédit annuel de 10 heures dans les entreprises d'au moins 500 salariés et de 15 heures dans celles d'au moins 1 000 salariés.

> Un local équipé dans les entreprises de plus de 200 salariés (téléphone, photocopieur, informatique), partagé dans les entreprises jusqu'à 999 salariés. En revanche, dans celles d'au moins 1 000 salariés, un local propre à chaque section est attribué.

> Un droit d'affichage des communications syndicales sur un tableau mis à disposition par l'employeur.

> Chaque section syndicale a la possibilité de réunir une fois par mois ses adhérents, dans un local mis à disposition par l'employeur.

Auteur

  • Céline Lacourcelle