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Vers une epargne a choix multiple

Dossier | publié le : 03.10.2006 | Guillaume Le Nagard

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Vers une epargne a choix multiple

Crédit photo Guillaume Le Nagard

Depuis la sortie des derniers décrets de la loi Fillon, les grandes entreprises ont eu le temps de négocier avec leurs partenaires sociaux des dispositifs de retraites de plus en plus complets, mais lisibles pour les salariés, et répondant à des stratégies de financement précises. Quelques grosses PME adoptent une démarche «responsable» sur la retraite.

Tout le monde va cotiser un peu plus pour préparer sa retraite. Chez Eternit, c'est décidé depuis mars 2006 : l'employeur et les salariés du siège et des quatre usines ont ouvert un contrat d'assurance collectif (régime à prestations définies) à la CNP. Cette PME de 550 personnes est une sorte de prototype en matière d'épargne retraite (lire p. 30).

Les entreprises de cette taille sont encore rarissimes à se pencher sur le dossier. En l'occurrence, selon les spécialistes bancaires du marché des retraites, Eternit a pris au moins cinq ans d'avance dans ce domaine. Et ce, avec une population qui affiche une moyenne d'âge de 38 ans, et en choisissant la solution du régime obligatoire pour tous, plutôt que celle de l'épargne salariale, a priori moins contraignante pour l'employeur.

De grandes entreprises convaincues

Du côté des plus grandes entreprises, on est en général déjà convaincu et équipé. Le mouvement est devenu général après la réforme Fillon de 2003 sur les retraites, qui aura, à tout le moins, eu des vertus pédagogiques. Et chacune de se pencher en particulier sur le plan d'épargne retraite collectif (Perco), créé par cette réforme. Tout le CAC 40 a désormais le sien ou est en passe de le signer. Total, L'Oréal, Sanofi-Synthelabo, Axa, Coca-Cola étaient parmi les premières. BNP-Paribas a rapidement suivi, Thalès devrait aboutir d'ici à la fin de l'année, des discussions sont entamées chez Renault...

Concernant cette forme de fonds de pension à la française, les banquiers ont le sourire. Réunis en septembre à la Fédération bancaire française par l'Association européenne des institutions paritaires, ils reprenaient, non sans gourmandise, le dernier bilan des accords conclus : « Plus de 25 000 entreprises sont couvertes ; plus de 160 000 salariés ont effectué des versements avec un encours moyen détenu de 3 200 euros, détaille Jean-Baptiste Segard, patron de l'épargne d'entreprise pour Société générale Asset Management. Et ce, alors que les décrets du Perco ne sont publiés que depuis 2004. »

L'Association française de gestion annonce, elle, une progression de l'encours de 64 %, à 540 millions d'euros, sur les six premiers mois de cette année. Une paille au regard de l'assurance vie et de son milliard d'euros d'encours dépassé depuis juin dernier, et même comparé aux 77 milliards d'euros de l'ensemble de l'épargne salariale. Mais c'est un début.

Quelques faiblesses

Alors, outil miracle, ce Perco ? Malgré sa souplesse, et son attractivité fiscale et sociale, il conserve quelques faiblesses, en tout cas, comme outil de retraite : son caractère facultatif, son manque d'intérêt si aucun abondement n'est prévu et, dans une moindre mesure, le fait qu'il favorise les seules populations ayant une bonne capacité d'épargne (ce sont aussi celles dont le taux de remplacement sera le moins favorable). D'autre part, ses cas de déblocage anticipé et sa possible sortie en capital n'en font pas réellement un outil de retraite, selon... les assureurs, par exemple.

Stratégie retraite

Résultat, quelques grandes entreprises ont élaboré une véritable «stratégie retraite», allant bien au-delà de la mise à disposition d'un seul outil d'épargne. Elles ont adapté à leur réflexion tout ou partie du Meccano des retraites issu de la loi Fillon, lequel a conservé les régimes obligatoires de type assurantiel préexistants, comme l'article 39 (prestations définies) ou l'article 83 (cotisations définies), plus répandu, avec son nouveau volet individuel calqué sur le Perp, et qui en fait un Pere (!), permettant des versements facultatifs en plus de la cotisation employeur et salarié.

Axa, par exemple, qui commercialise par ailleurs une offre d'épargne entreprise, ne pouvait guère faire autrement qu'adopter ses outils. « La mise en oeuvre en interne au niveau d'Axa France valide la pertinence de notre offre en externe ; d'autre part, nos salariés, qui la proposent, la souhaitaient pour eux ; enfin, les «comp & ben» ont très vite évalué les possibilités d'optimisation de cette épargne », détaille Didier Aujoux, directeur finances RH.

Dispositif complet

Axa propose à ses salariés la totalité du panel des outils de préparation à la retraite, facultatif de type épargne salariale, et obligatoire et assurantiel (lire p. 33). PSA Peugeot Citroën a aussi mis en place très tôt un dispositif complet, tout comme Coca-Cola... Car, à l'épargne salariale, le Meccano des retraites façon Fillon permet d'associer un autre bloc, avec les régimes collectifs obligatoires. Si le Perco apparaît comme un outil apte à satisfaire à de multiples situations, souple et peu engageant pour l'entreprise, hormis la nécessité de le négocier avec ses partenaires sociaux (sauf si ceux de la branche l'ont déjà fait pour un dispositif interentreprises), un régime à prestations définies, tel qu'adopté chez Eternit, peut représenter une volonté encore plus affirmée de l'entreprise à l'égard des retraites des salariés, ou d'une partie d'entre eux.

Devoir moral

« On trouve de plus en plus souvent dans les entreprises que nous accompagnons l'idée d'un devoir moral de parer à l'imprévoyance des salariés », explique Françoise Kleinbauer, directrice d'Adding, le cabinet d'actuaires qui a notamment aidé Eternit dans sa réflexion. Dans ce cas, l'entreprise peut s'orienter vers un article 83 large, qui contraint l'employeur, mais aussi le salarié, à cotiser.

La prise de conscience a donc commencé, même si les salariés ne sont pas toujours clients. La majorité d'entre eux se fait encore une fausse idée du taux de remplacement assuré par les régimes de retraites : interrogés par le Club de l'épargne salariale (Hewitt, JPMorgan, Natexis-Interépargne) en 2004, soit juste après la réforme Fillon, ils pensaient, en moyenne, percevoir 63 % de leur dernier salaire. C'est en réalité le taux actuel pour les cadres, mais il passera en moyenne à 56,7 % en 2020 et à 53,2 % en 2050, soit une dégradation de 10 points, selon les projections du Conseil d'orientation des retraites publiées en mars dernier.

Insouciance

Le dernier baromètre Altedia/BNP, de juin 2006, sur l'épargne salariale, indiquait, lui, que 80 % des salariés ne connaissent pas les conditions de leur future retraite et que les deux tiers n'ont pas l'intention de l'évaluer à brève échéance. Cette attitude, « frisant l'insouciance », relevée par Raymond Soubie, directeur d'Altedia, explicable notamment par l'« absence d'accompagnement » des pouvoirs publics, alors que l'article 10 de la loi Fillon prévoit une information personnalisée des salariés sur les droits à la retraite, constitue un frein à la mise en oeuvre des dispositifs. « Les DRH nous disent parfois qu'ils ne peuvent faire le bonheur des salariés contre leur gré, indique Yanick Philippon, responsable assurances chez le courtier Siaci. Il y a une conscience diffuse des problèmes de retraite, mais la préférence reste au salaire. »

Prochains épisodes de cette prise de conscience : l'examen du projet de loi sur la participation, qui prévoit de contraindre les branches à ouvrir une négociation sur le Perco sous trois ans, de même que les entreprises ayant un PEE depuis cinq ans ou plus ; la campagne présidentielle, où le thème des retraites devrait fortement émerger ; et le rendez-vous de 2008, fixé par la réforme pour un réexamen du financement des régimes.

L'essentiel

1 Les grandes entreprises ont toutes, ou presque, entamé ou finalisé des négociations sur les retraites avec leurs partenaires sociaux. Pour les PME, il faudra sans doute attendre encore cinq à dix ans.

2 Dans les groupes du CAC 40 ou du SBF 120, des dispositifs complets mixent souvent les avantages de l'épargne salariale (Perco) et des régimes collectifs (art. 39, 83 et Pere).

3 Les entreprises et les partenaires sociaux peuvent choisir de sensibiliser les salariés avec un dispositif volontaire mais abondé (Perco), ou porter l'effort sur ceux qui perdront le plus de pouvoir d'achat à la retraite (art. 83 et art. 39). Ou encore aider tout le monde à cotiser.

Avantages et faiblesses du Perco

- Le succès du Perco ne se dément pas depuis la parution des décrets qui lui ont donné naissance, en 2004. Il est vrai que pour assurer le bon démarrage de la réforme des retraites de 2003, l'équipe de François Fillon, en liaison avec Bercy, n'a pas lésiné sur les avantages de ce plan d'épargne collectif, destiné à devenir une forme de fonds de pension à la française. Les abondements de l'employeur (4 600 euros/an au maximum) sont défiscalisés et exonérés de charges sociales jusqu'à 2 300 euros. Et à la sortie, pas d'imposition si les avoirs sont récupérés en capital (IR après abattement si sortie en rente). Bref, un petit paradis fiscal, tout ce qu'il y a de plus légal. Pour compléter le tableau, la réforme a conservé la plupart des cas de déblocage anticipé du PPESV précédent (plan sur dix ans), dont l'achat de la résidence principale. Résultat, la différence de rendement entre une gratification déposée sur le Perco sous forme d'abondement et une prime salariale est loin d'être négligeable.

- Mais le Perco n'est pas sans faiblesses pour le financement d'une retraite : les sorties anticipées qu'il ménage et sa possibilité de sortie en capital n'en font pas véritablement un outil de retraite, selon Paul Maillard, vice-président de Fondact. En outre, il s'agit d'une épargne facultative, pas forcément propice à la constitution d'un capital conséquent.

- Attention aussi au risque de rendement sur le long terme, prévient Bernard Lemée, de BNP Paribas. Il est d'abord lié à l'affectation des actifs. Bien que la réforme Fillon prévoie une sécurisation de cette épargne longue (gestion pilotée avec une sécurisation des actifs avant la sortie, pas d'investissement en actions de l'entreprise...), les exemples américain et britannique (lire p. 35) ont jeté un froid sur les risques de la capitalisation des retraites. « Aujourd'hui, le résultat pourrait être une surpondération des critères de risque à court terme, au détriment de la prise en compte d'un risque de rendement à long terme », détaille Bernard Lemée. Or, pour ces spécialistes, une forte composante actions reste indispensable pour assurer un rendement raisonnable sur le long terme.

- Le Perco est loin d'avoir convaincu tout le monde. La cible des PME reste à conquérir. « Le marché des entreprises de 100 à 1 000 ou 2 000 salariés est encore en stand-by », indique Guy Cabessa, directeur de Natexis-Interépargne. Pour lui, ce marché à «maturation lente» mettra sans doute quatre ou cinq ans pour s'équiper significativement.

Voir sur <www.entreprise-carrieres.com> le tableau récapitulant l'ensemble des dispositifs de l'épargne retraite.

Auteur

  • Guillaume Le Nagard