La compétence est aussi évidente à appréhender spontanément qu'elle est difficile à cerner scientifiquement. Si, dans la pratique, le recours à l'homme de métier va de soi, la variété des travaux sur le sujet de la compétence, le fait que ceux-ci ressortissent à des champs différents comme la sociologie, la psychologie du travail, l'économie... rendent difficile toute saisie globale par une sorte de dénominateur commun du champ et des objets que la notion de compétence recouvre.

Cette difficulté n'est pas seulement théorique mais se pose très concrètement, par exemple, lors de l'élaboration de référentiels de compétences, dès que surgit la question de l'objet même de la compétence. Nulle part ne se trouve de définition formalisée qui pourrait mettre tout le monde d'accord. Pour la même raison, il semble difficile de relier les démarches qui appréhendent la qualification professionnelle en tant que rapport social et celles qui l'appréhendent dans son contenu cognitif.

La compétence est-elle un savoir ou, au contraire, l'intelligence de situations ? Comment concilier la mise en évidence de déterminismes sociaux et le discours actuel sur le rôle d'acteur des individus ? Comment peut-on, aujourd'hui, assister à la mise à distance, par la technologie, de l'objet de travail alors que tout acte de transformation du milieu repose sur une composante nécessairement corporelle de l'acte ? Comment en est-on arrivé à ce qu'une décision prise en un lieu puisse se traduire par des mouvements coordonnés en d'autres endroits de la planète, alors que tout travail repose sur la base concrète d'une action localisée ? Autant de questions où, pour Bernard Hillau, se noue le destin de l'individu, sujet au devenir de la collectivité historique dans laquelle il agit.

Bernard Hillau est ingénieur de recherche au Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq), chargé de l'animation du réseau de centres associés régionaux du Céreq.