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Jurisprudence et pragmatisme économique

Demain | Chronique | publié le : 03.10.2006 | d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social

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Jurisprudence et pragmatisme économique

Crédit photo d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social

Elisabeth Laherre Avocat, Coblence & Associés

Un récent arrêt de chambre mixte, du 7 juillet 2006, nous rappelle que, décidément, le social est gravement fâché avec l'économie.

Après avoir licencié les salariés d'une société en liquidation, le liquidateur judiciaire cède, quelques mois plus tard, le fonds de commerce et des éléments d'actifs de la société liquidée, le cessionnaire s'engageant à reprendre le contrat de travail de 25 salariés sur 36, cette cession étant autorisée par le juge commissaire et validée par le tribunal de commerce.

La chambre sociale de la cour d'appel de Riom déclare dépourvu d'effet ces licenciements et condamne le cessionnaire à un rappel de salaires.

Le cessionnaire, lui-même mis en liquidation, demande au tribunal de commerce la nullité du contrat de cession et le remboursement du prix en faisant valoir la conformité de l'acte de cession avec les décisions de justice qui l'avaient autorisée.

Demande rejetée, la chambre mixte composée des chambres sociale, commerciale et criminelle rejetant le pourvoi formé par le liquidateur au motif que :

« La clause de la convention de cession d'une entité économique autonome qui ne prévoit que la reprise d'une partie des salariés, contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L.122-12, doit être réputée non écrite sans qu'en soit affectée entre les parties la validité de la convention de cession. »

S'il est difficile de comprendre comment une cession validée par le tribunal de commerce a pu conduire à la liquidation judiciaire du repreneur condamné à payer plus de 2 fois le prix de la cession à des salariés non repris, cette décision ne fait que confirmer une jurisprudence bien établie : la loi de 1985 ne visant que les redressements judiciaires, la cession partielle dans le cadre d'une liquidation judiciaire doit entraîner la reprise de tout le personnel affecté à l'activité et la nullité des licenciements antérieurement prononcés, peu important l'offre de la société cessionnaire.

Elle n'aura qu'un impact limité, puisque la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 unifie, à compter du 1er janvier 2006, le régime des cessions partielles, qu'il s'agisse des entreprises en redressement judiciaire ou en liquidation.

La chambre sociale de la cour d'appel avait cependant les moyens de juger autrement en s'inspirant de la jurisprudence applicable dans les années 1990, aux termes de laquelle le cédant avait la possibilité de licencier s'il justifiait d'un motif économique propre et s'il n'y avait pas fraude à l'article L.122-12.

Par ailleurs, l'article L.122-12 suppose qu'il y ait poursuite de l'activité, la ruine du fonds faisant obstacle à son application.

Par là même, la clause litigieuse de l'acte de cession n'était pas nécessairement nulle, dès lors que le repreneur pouvait légitimement penser que les licenciements, notifiés quelques mois plus tôt par le liquidateur, étaient parfaitement justifiés et qu'il n'avait pas à reprendre des contrats déjà rompus à la date du transfert.

La chambre mixte avait donc, elle aussi, les moyens de juger autrement.

Dans un monde où l'emploi dépend essentiellement de la santé financière des entreprises, il est vraiment regrettable que le juge ne tienne pas compte du contexte économique, ce qui peut mettre en péril le sort de ceux qu'il veut protéger, et dissuader les entrepreneurs de prendre des risques et, par la même, de créer ou de sauver des emplois.

Auteur

  • d'avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social