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Les Pratiques

Conséquences d'une mauvaise application de l'article L. 122-12

Les Pratiques | L'AVIS DU JURISTE | publié le : 26.09.2006 | Alice Fages Juriste en droit social

La jurisprudence relative à l'article L. 122-12, qui organise le transfert des salariés en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, est tellement confuse que, dans des cas complexes, et notamment en cas de transfert partiel d'activité, il est difficile de savoir s'il doit s'appliquer. En effet, pour que cet article produise effet, il faut qu'il y ait transfert d'une entité économique autonome et le maintien de l'identité de l'unité transférée.

En cas de cession d'un seul département d'une entreprise, il faut que celui-ci soit spécifique, dans ses activités et dans son personnel, pour que cet article soit applicable. Il n'est pas toujours évident de savoir si l'unité transférée est spécifique, et, dans le doute, les employeurs sont généralement enclins à appliquer le L. 122-12, cette attitude leur semblant plus favorable aux salariés et donc moins risquée.

Il s'avère que tel n'est pas le cas, comme en témoigne l'affaire Matra, jugée par la Cour de cassation le 21 juin 2006 (n° 05-42.418). En l'occurrence, la société Matra avait, dans un premier temps, divisé l'un de ses établissements en deux départements distincts, dont un est cédé un an plus tard. Considérant être en présence d'une cession d'une entité autonome, elle transfère les contrats de travail. Quant à l'autre établissement, il est lui aussi cédé un peu plus tard et, à cette occasion, la société Matra met en oeuvre une procédure de licenciement économique collectif. Les salariés qui avaient fait l'objet du premier transfert agissent contre la société Matra au motif que le département transféré ne constituait pas une entité économique autonome et que les conditions d'application de l'article L. 122-12 du Code du travail n'étaient pas réunies. Les juges du fond, puis la Cour de cassation leur donnent raison.

La cour en tire les conséquences suivantes : non seulement les salariés ont droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais encore, ils doivent bénéficier de dommages et intérêts distincts au motif que « la société avait éludé les droits et garanties dont les salariés auraient bénéficié en cas de licenciement pour motif économique et a ainsi caractérisé la faute commise par elle au regard d'une exécution loyale des contrats de travail ».

En clair, on reproche à la société Matra de ne pas avoir fait bénéficier les salariés transférés des mesures de licenciement liées à la seconde cession. Il est quelque peu surprenant de reprocher à la société une absence d'exécution loyale du contrat, alors qu'au moment du transfert, la société ne devait pas se douter qu'elle mettrait en oeuvre un licenciement collectif un an plus tard !

Auteur

  • Alice Fages Juriste en droit social