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Les procédures pénales s'accélèrent

L'actualité | L'événement | publié le : 26.09.2006 | Jean-François Rio

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Les procédures pénales s'accélèrent

Crédit photo Jean-François Rio

Condamnation d'Alstom Power Boilers, mise en examen de trois anciens directeurs de l'usine Ferodo-Valéo... Sous l'impulsion des magistrats du pôle judiciaire de santé publique, les plaintes des victimes de l'amiante trouvent désormais un débouché au pénal.

En attendant le grand procès de l'amiante que réclament à cor et à cri les associations de victimes, le traitement pénal du drame de l'amiante commence à prendre corps. Dernier exemple en date : les mises en examen pour «homicides et blessures involontaires», prononcées le 19 septembre, à l'encontre de trois anciens directeurs de l'usine Ferodo-Valéo (propriété du groupe Allied Signal) implantée à Condé-sur-Noireau, dans le Calvados.

Tournant décisif

Après la condamnation à des peines records, le 4 septembre, de la société Alstom Power Boilers et de son ancien directeur par le tribunal correctionnel de Lille, ce nouvel épisode judiciaire marque un autre tournant décisif. Si moult procès amiante ont été plaidés au civil - des actions destinées à faire reconnaître, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, la faute inexcusable de l'employeur afin que la victime ou ses ayants droit obtienne une majoration de la rente et une réparation des préjudices subis -, les poursuites pénales pour «homicides et blessures involontaires», «atteinte aux personnes» ou «mise en danger d'autrui» étaient, elles, en panne. Instruites par des juges d'instruction locaux disposant de moyens dérisoires au regard de la complexité de ces dossiers, les plaintes des victimes avaient tendance à tomber dans les oubliettes de l'histoire.

« Pendant dix ans, malgré tous nos efforts, il ne s'est rien passé », illustre Me Michel Ledoux, avocat de l'Association nationale des victimes de l'amiante (Andeva). L'exemple du site normand de Ferodo-Valéo, qui fabriquait des freins et des systèmes d'embrayage pour l'automobile, est, à ce titre, révélateur. Instruite à l'origine à Caen, cette information judiciaire a été ouverte à la suite de plaintes déposées en 1996 ! Dix ans perdus pour un bilan humain dramatique : plus de 1 500 malades, 120 personnes décédées entre 2004 et 2006, et, selon les premières estimations, environ 600 morts depuis vingt ans.

Manifestations

Le renversement de tendance est intervenu après le non-lieu rendu dans l'affaire des «veuves de Dunkerque». Une décision qui a entraîné une série de manifestations largement médiatisées. Cette mobilisation sans précédent des familles des victimes aboutira au renvoi des instructions en cours vers le pôle judiciaire de santé publique. Orchestré par trois magistrats spécialisés, celui-ci s'appuie sur une «cellule amiante» composée de sept enquêteurs. « Comme par enchantement, ajoute Me Michel Ledoux, les procédures se sont accélérées depuis début 2006. »

Procédures en cours

En outre, selon François Desriaux, président de l'Andeva, « le ministère public considère enfin l'amiante comme une affaire très grave. Il s'agit, pour nous, d'une évolution capitale ». Du coup, environ une trentaine de procédures sont actuellement dans les mains du pôle judiciaire de santé publique et autant sont au stade d'enquête préliminaire. Dans le collimateur, des entreprises comme EDF ou Eternit, une société de fabrication de matériaux de couverture.

Révision de la loi Fauchon

Les associations de victimes, qui attendent encore une révision de la loi Fauchon - datant du 10 juillet 2000, celle-ci est accusée de faire obstacle à des poursuites pénales contre les employeurs qui ont exposé leurs salariés à l'amiante -, se retrouveront à Paris, le 30 septembre prochain. A l'appel de l'Andeva, ils réclameront, à nouveau, un procès de l'amiante. « Il ne s'agit pas de faire une chasse aux sorcières, mais simplement d'établir, une fois pour toutes, les responsabilités : le lobby des industriels réunis dans le Comité permanent amiante (CPA), l'action d'institutions comme l'INRS, le rôle ambigu joué par la médecine du travail ou encore les pouvoirs publics qui ont laissé faire », explique Marcel Royez, secrétaire général de la Fnath.

Un siècle d'atermoiements

En France, la fibre a été interdite en 1997 alors que sa dangerosité a été soulevée dès 1906 par un inspecteur du travail de Caen, et que son caractère nocif sur la santé a été démontré dès 1945. Ce n'est qu'à partir de 1977 qu'est intervenu un premier décret réglementant son usage. Une trentaine de pays n'ont, à ce jour, pris aucune restriction contre l'amiante, qui continue à traverser les frontières. Sur le plan sanitaire, 60 000 à 100 000 morts sont attendus d'ici à 2030. Le coût de l'indemnisation des victimes devrait, lui, s'élever à un montant situé entre 27 et 37 milliards d'euros, selon un rapport rendu par le Sénat en octobre 2005.

Auteur

  • Jean-François Rio