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DIF Gadget ?

Dossier | publié le : 26.09.2006 | Laurent Gérard

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DIF Gadget ?

Crédit photo Laurent Gérard

Le rapport Cahuc-Zylberberg affirme que le DIF ne servira à rien pour les moins formés et qu'il sera inapplicable dans les petites entreprises. Sur le terrain, surtout dans les grandes entreprises, la réforme s'installe et franchit un palier. Le débat sur l'intérêt de la réforme et sur le modèle français ne fait que commencer.

Franchement, il y a de quoi rire. Alors que, depuis des mois, des DRH, des responsables formation, des syndicalistes et des salariés négocient la mise en musique de la réforme dans leurs entreprises, dont l'installation du fameux DIF, Pierre Cahuc et André Zylberberg, deux économistes, entrent dans le débat (1) et proposent de supprimer l'obligation légale de financement de la formation professionnelle et le droit individuel à la formation pour les remplacer par une politique de subventions ciblées de l'Etat, financée par l'impôt ! Fondamentalement, ces deux économistes avancent que le droit individuel à la formation (DIF), « unanimement approuvé par tous les partenaires sociaux, ne fait que renforcer cette tendance du système actuel qui consiste à faire payer, par le biais de prélèvements obligatoires, l'ensemble des salariés et des entreprises pour la formation des travailleurs les plus qualifiés, qui peuvent ainsi accroître leurs revenus ou améliorer la stabilité de leur emploi ».

Inefficace et inéquitable

Conclusion : de trop faible durée, donc inefficace ; indifférencié entre les salariés, donc inéquitable ; et représentant une invraisemblable bombe financière pour les entreprises, le DIF devrait être supprimé. Et l'Etat devrait endosser son rôle et ses responsabilités en subventionnant les actions de formation des entreprises les plus intéressantes pour la collectivité et pour les personnes les moins formées.

Bien évidemment, une volée de bois vert a suivi. Des conclusions « étonnantes et surtout prématurées », selon la présidente du Medef, Laurence Parisot. « Une critique idéologique de deux auteurs qui n'ont rien compris au droit individuel à la formation », pour Dominique de Calan, délégué général adjoint de l'UIMM. Des propositions « extrémistes », de l'avis d'Annie Thomas (CFDT). Des conclusions « légères et prématurées », pour Alain Lecanu (CFE-CGC). « Un objet innommable », selon Jean-Marie Luttringer, spécialiste du droit de la formation. « Les auteurs auraient dû débattre de leurs conclusions avec les partenaires sociaux », commente Jean-Claude Quentin (FO). « La suppression du DIF serait une erreur », estime l'Usgeres (employeurs de l'économie sociale). « Cette étude ne correspond pas à un travail scientifique rigoureux », déclare Patricia Bouillaguet, directrice du développement de l'Afpa.

La CCI de Paris, commanditaire du rapport, prévient, mal à l'aise, que les points de vue exprimés « n'engagent que leurs auteurs »...

Vraies réponses de fond ? Défense des habitudes et des structures en place ? Certains détracteurs du rapport Cahuc-Zylberberg marchent sur des oeufs. Ils critiquent la critique du DIF, mais n'insistent pas trop sur la proposition de suppression de l'obligation légale de financement de la formation.

Sujet aux oubliettes

Il faut se souvenir que le Medef, la Fédération de la formation professionnelle et d'autres se sont prononcés, dans le passé, pour la suppression de cette même obligation ou, du moins, pour celle de son aspect fiscal. Un article même de l'ANI de 2003 prévoyait de réfléchir à son abandon et à son remplacement par des engagements conventionnels. Mais, depuis l'enclenchement de la réforme, le sujet est tombé aux oubliettes.

Or, le rapport Cahuc-Zylberberg n'est pas strictement un pamphlet antimutualisation. « Les obligations de dépenses pesant sur les entreprises conduisent à entretenir des circuits de financement opaques aboutissant à des formations dont la qualité est pour le moins très imparfaitement contrôlée, assurent les deux auteurs. La suppression de toute obligation légale pose donc la question de la survie des Opca. Mais, s'ils sont utiles, rien n'empêche des entreprises d'y mutualiser une partie de leurs ressources, mais sur une base volontaire. »

En attente d'un bilan de la réforme

Les anti-Opca trouveront dans ces réflexions de quoi se réjouir. Mais les tenants des collecteurs y puiseront également les arguments de leur utilité. Charge à eux de les mettre en avant.

Le débat s'annonce fourni. Les partenaires sociaux devaient justement faire un bilan d'application de la réforme avant la fin 2006. Voilà de quoi saisir la balle au bond.

(1) Voir Entreprise & Carrières n° 823.

L'essentiel

1 Le rapport Cahuc-Zylberberg, qui prône la suppression du DIF et de l'obligation légale de financement de la formation professionnelle par les entreprises, est critiqué par l'ensemble des partenaires sociaux, créateurs et gestionnaires du modèle français de formation continue, qui le jugent bâclé.

2 La suppression de cette obligation et son remplacement par des engagements conventionnels étaient pourtant, un temps, envisagés par ces mêmes partenaires sociaux.

3 Le débat sur l'efficacité du système actuel (aspect fiscal, Opca, collecte captive...) n'en est que davantage relancé, alors que le DIF s'installe dans les (grandes) entreprises.

Auteur

  • Laurent Gérard