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Une politique d'emploi se construit aussi au niveau local

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 26.09.2006 | Violette Queuniet

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Une politique d'emploi se construit aussi au niveau local

Crédit photo Violette Queuniet

Les territoires ont davantage de marges de manoeuvre pour mettre en place des stratégies de développement économique porteuses d'emplois. Mais il reste à mieux articuler les politiques nationales avec les initiatives locales et à créer les conditions d'un véritable travail en commun des différents acteurs.

E & C : La revue de votre association, Développements, a consacré un numéro* aux territoires et à leur inventivité en matière de projets générateurs d'emplois. Est-ce à dire que les solutions aux problèmes de l'emploi se trouvent au niveau du territoire ?

Jean-Marie Bergère : C'est en partie le cas, même si le territoire ne constitue pas la pierre philosophale de l'emploi ! On assiste, aujourd'hui, à trois évolutions : la première est celle de l'organisation des entreprises, qui sont à la fois dans des relations banalisées avec des territoires lointains et dans une relation beaucoup plus forte avec la proximité sur des ressources plus immatérielles : compétences, recherche, services... La ressource humaine est, ainsi, l'un des premiers facteurs d'attractivité des territoires pour les entreprises. Deuxième évolution : la montée de l'emploi des services à la personne, qui repose largement sur la richesse locale. Troisième évolution : la montée en puissance de la partie locale et régionale des pouvoirs publics. C'est dans la conjonction de ces trois évolutions que se trouvent les marges de manoeuvre pour produire du développement territorial favorable à l'emploi.

E & C : Les dispositifs récemment mis en place - maisons de l'emploi, pôles de compétitivité - vous paraissent-ils aller dans le bon sens ?

J.-M. B. : Oui, à condition de trouver la bonne articulation entre l'impulsion nationale et l'organisation locale. Cette dernière demande du temps, de la sédimentation. Or, dans l'appel d'offres pour les maisons de l'emploi et pour les pôles de compétitivité, les délais ont été extrêmement courts. Donc, chacun s'est mis à travailler très vite pour répondre dans les temps. Résultat : on met, aujourd'hui, beaucoup de temps à passer de la convention signée entre les acteurs à la réalisation des projets. Autre problème pour les maisons de l'emploi : personne n'est sûr du financement du dispositif dans trois ans, à la fin de la convention avec l'Etat. D'où un problème de manque de perspective et de visibilité. Du coup, sauf exception, nous sommes loin d'un vrai fonctionnement en réseau reposant sur des relations de confiance, sur du long terme, avec une gouvernance qui dépasse les stricts intérêts et postures des uns et des autres.

E & C : Que faudrait-il faire pour mieux travailler ensemble au niveau du territoire ?

J.-M. B. : Le partenariat public/privé, une des particularités des projets développés par Développement & Emploi, est une voie intéressante. Non par principe, mais parce qu'un projet de territoire est nécessairement multidimensionnel : il a des volets économique, social, culturel, institutionnel. Ces volets sont inséparables : on ne peut pas avoir l'économie d'un côté et, de l'autre, des gens qui règlent les problèmes d'intégration dans les quartiers. L'exemple de la charte Territoire/Entreprise à Plaine Commune (93), signée par 62 entreprises, est, à cet égard, éclairant. Les problèmes d'intégration sont pris en charge par les entreprises du territoire, avec les pouvoirs publics, avec les responsables du développement économique, chacun menant des actions différentes en fonction de ses compétences, mais celles-ci étant gouvernées de manière cohérente par un pilotage commun.

L'autre voie de progrès, du côté des institutions, est de trouver l'articulation entre la politique nationale et les initiatives locales. Tout l'enjeu est là. L'Etat s'illusionne en pensant qu'il peut continuer à être le stratège de la politique de l'emploi tout en demandant au local de la financer. Il faut plutôt s'acheminer vers une construction de la stratégie d'emploi avec les collectivités locales. Dans certains cas, une politique nationale est nécessaire - par exemple dans la diffusion du Cesu. Dans d'autres, ce qui va surtout compter, c'est d'avoir sur le territoire un acteur en capacité de porter suffisamment longtemps une initiative. Et, d'un territoire à l'autre, on voit bien que ce n'est pas toujours le même acteur.

Enfin, la réunion des acteurs, pour être efficace, doit être bien gouvernée. Un réseau a besoin de confiance, d'une éthique partagée. La fonction de chef de projet est importante sur le volet technique, mais c'est le volet politique qui est le plus important. Lorsque des politiques ont une légitimité pour donner une perspective au territoire, alors il est possible d'aller de l'avant et de trouver des accords entre partenaires. Le présent se règle facilement quand on sait où l'on va et qu'on est assuré que la réunion des acteurs permettra de construire davantage que chacun de son côté.

* n° 43, Territoires en construction (voir sur <www.developpementetemploi.com>).

Mondialisation, ville et territoire, Pierre Veltz, PUF, coll. Quadrige, 2005.

Le village métamorphosé. Révolution dans la France profonde, Pascal Dibie, Plon, coll. Terre humaine, 2006.

Trois leçons sur la société post-industrielle, Daniel Cohen, Seuil, coll. La République des idées, 2006.

parcours

Philosophe de formation, Jean-Marie Bergère a débuté sa carrière dans le tourisme. Il a créé et développé une entreprise spécialisée dans les voyages d'étude. Il a ensuite été directeur du comité régional du tourisme du Limousin, puis directeur de l'agence régionale du développement du Limousin, avant de prendre la direction de Développement & Emploi, association spécialisée dans le conseil et les études sur l'emploi.

L'association est à l'origine de plusieurs projets de territoires, dont Alizés (880 projets, 6 000 emplois soutenus).

Jean-Marie Bergère enseigne à Paris-1 (Master administration et gestion de l'emploi) et à Sciences po, dans le cadre du séminaire de formation continue «Projets de territoire et politiques de l'emploi».

Auteur

  • Violette Queuniet