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La direction et le CE coopèrent depuis dix ans

Enquête | publié le : 19.09.2006 | E. F.

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La direction et le CE coopèrent depuis dix ans

Crédit photo E. F.

Le comité d'entreprise du viticulteur Laroche est l'interlocuteur unique de la direction sur les dispositifs d'intéressement. S'il ne constitue pas une force d'opposition, il est cependant écouté.

Cette année, le producteur de vin Laroche, situé à Chablis (Yonne), a fêté les dix ans d'existence de son dispositif d'intéressement. Mis en place en 1996, il a été, depuis, renégocié trois fois, et il le sera, de nouveau, en 2007. Tout au long de cette décennie, l'interlocuteur de la direction, sur ce dossier, a été le comité d'entreprise. Car Laroche (120 salariés) ne compte pas de syndicat.

La mise en place de l'intéressement (comme de la participation) devant résulter d'un accord, le législateur a prévu qu'en cas d'absence de syndicat, le pouvoir de négociation échoie au comité d'entreprise.

Responsabilisation

Au départ, la direction passe en force. « Les salariés ne voulaient pas de l'intéressement, car ils craignaient que cela ne remplace les hausses de salaire », se souvient Jacky Degousse, directeur administratif et financier. La direction finit par obtenir la signature du CE, estimant que ce mode de rémunération vaut qu'on l'impose. « L'intéressement responsabilise les salariés ; les oblige, dans une certaine mesure, à se pencher sur les résultats de l'entreprise, ce qui, de l'autre côté, impose à cette dernière d'ouvrir ses livres de comptes ; donne à la direction un argument pour pratiquer la modération salariale, du moins, dans les premiers temps du dispositif ; permet d'éviter des licenciements en cas de baisse de l'activité . En revanche, avec le recul, je remarque qu'il n'a qu'un effet réduit sur la motivation des salariés », explique Jacky Degousse.

Résultats des services

Même si l'intéressement est imposé, il est rapidement adopté par les salariés : ceux-ci perçoivent des sommes importantes, car les bénéfices sont au rendez-vous. Pour les négociations suivantes, le CE sera consulté. « Pour le deuxième dispositif [en 1998], le CE a voulu qu'on retienne des critères qui prennent davantage en compte les résultats de chaque service. Mais le calcul de l'intéressement est devenu tellement complexe que les salariés ont perdu de vue sa finalité », regrette Jacky Degousse. Et les mauvais résultats financiers de 2000 attisent les mécontentements.

L'année suivante, tout le monde s'accorde donc pour remettre le dispositif à plat. « C'était facile de négocier, car le CE et la direction avaient la même volonté de simplifier le mode de calcul », raconte Frédéric Dos Santos, comptable, membre du CE et délégué du personnel, recruté en 2000. En dehors des nombreuses réunions sur ce dossier, il se souvient d'un dialogue informel avec la direction : « A n'importe quel moment, nous pouvions demander et obtenir des informations auprès du Pdg. » Avant de signer l'accord, le CE le soumet à un échantillon représentatif de salariés.

Situation des cadres

Au cours de la négociation du quatrième dispositif, le débat porte sur la situation des cadres. La direction organise un sondage auprès des salariés, dont la réalisation est confiée au cabinet MCR Consultants, conseil habituel de la direction en matière d'intéressement, d'où il ressort que ce dispositif n'attire plus les cadres, mais que les non-cadres l'apprécient. Là encore, la direction et le CE finissent par tomber d'accord pour faire évoluer le système. Ils privilégient les critères collectifs, fixent un plafond, et créent des bonus, hors intéressement, pour les cadres.

Chez Laroche, c'est la direction qui prend les initiatives et fixe la philosophie générale des accords d'intéressement. La bonne santé de l'entreprise l'autorise à être relativement généreuse (mise en place d'un plan d'épargne d'entreprise et d'un abondement, tarifs d'assurance négociés, mutuelle santé), ce qui crée les conditions pour un climat social apaisé. Le carisme de son Pdg, dont la famille possède le domaine depuis plusieurs générations, fait le reste.

Expertise technique

Pour autant, le CE ne se contente pas d'être une chambre d'enregistrement. Il serait plutôt un interlocuteur écouté. Qu'ils se satisfassent du paternalisme de la direction ou des services du CE, les salariés ne semblent pas ressentir le besoin de se doter de syndicats. Il y a bien un salarié mandaté (par la CFDT), mais il ne négocie que sur le temps de travail et s'implique peu dans la négociation collective, selon Frédéric Dos Santos. « C'est le CE qui crée le rapport de force, pas le mandaté », explique-t-il. Il précise, en outre, que la direction a financé la formation juridique des membres du CE et des délégués du personnel, qu'ils sont abonnés à des revues spécialisées sur le droit social, et que le CE envisage de recourir aux services d'un conseiller juridique. Une expertise technique qui « rend l'adossement à un syndicat moins indispensable », conclut-il.

Laroche

> Effectifs : 120 salariés.

> Implantations en France : Chablis et Béziers.

> Chiffre d'affaires annuel moyen : 29 millions d'euros.

L'«endettement subjectif» du mandaté envers son employeur

- Sophie Gaudeul et Cécile Guillaume dressent le portrait type des salariés mandatés rencontrés au cours de leur enquête Le mandatement RTT (voir «Sources» ci-dessus). L'indépendance de ces derniers à l'égard de l'employeur est ambiguë. Le mandaté (ce sont majoritairement des hommes) a entre 35 et 50 ans, dix ou vingt ans d'ancienneté, occupe des fonctions intermédiaires (chef d'équipe, responsable d'atelier ou de magasin, secrétaire de direction), est doté « d'un bagage scolaire souvent moyen (le plus souvent inférieur au bac et très rarement supérieur à bac + 2 », et est entré dans l'entreprise comme exécutant. « Il s'agit de cadres promus, qui ont gravi les échelons de l'entreprise progressivement et qui exercent aujourd'hui une fonction d'encadrement de proximité. » « Cette expérience de promotion sociale par l'activité professionnelle les place dans une situation d'endettement subjectif à l'égard de leur employeur », relèvent les deux auteures, qui estiment pourtant que « bien que «proches» de la direction, ils ne sont pas perçus comme «roulant pour elle». A l'arrivée, « c'est plutôt la figure de l'aîné qui s'impose », expliquent-elles.

Auteur

  • E. F.