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Santé au travail : l'Etat doit s'impliquer davantage

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 19.09.2006 | Martine Rossard

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Santé au travail : l'Etat doit s'impliquer davantage

Crédit photo Martine Rossard

Les négociations entre partenaires sociaux sur les risques professionnels n'excluent pas l'intervention des pouvoirs publics. L'Etat doit légiférer sur ce thème. L'avenir est à la mise en place d'une politique européenne commune de protection sociale.

E & C : Qu'attendez-vous des négociations en cours entre les partenaires sociaux sur les risques professionnels ?

Marcel Royez : C'est un sujet d'entreprise mais aussi de santé publique et donc de société. A ce titre, il concerne non seulement les partenaires sociaux mais aussi les représentants des victimes et les pouvoirs publics. L'Etat, garant de l'intérêt général, devra légiférer et réglementer. La représentation nationale devra amender et enrichir le texte. La première partie de l'accord sur la gouvernance laisse la question aux mains des seuls partenaires sociaux. Cette approche protectionniste ignore les enseignements de l'affaire de l'amiante. La priorité de l'accord devrait être de poser clairement les problèmes de prévention, de tarification - que celle-ci incite à la prévention - et de réparation.

E & C : Comment inciter les DRH et les représentants du personnel à être plus volontaristes en matière de prévention ?

M. R. : Une entreprise a tout intérêt à améliorer la prévention. Elle y gagne financièrement, mais aussi en termes d'ambiance de travail. Dans une entreprise dangereuse, les comportements se crispent et le travail ne s'effectue pas dans de bonnes conditions. La prévention est un facteur d'amélioration du climat social. Elle fait comprendre aux salariés que l'entreprise se soucie de leur santé et de leur devenir et non de leurs seules forces productives. A l'avenir, il faudra récompenser les entreprises qui développent la prévention et sanctionner les autres.

E & C : Comment faut-il s'y prendre ?

M. R. : En changeant les outils de tarification. En abandonnant la mutualisation, qui encourage l'inertie et l'idée du «pas vu, pas pris». Pour mesurer la sinistralité, il faudra des critères objectifs, transparents, prenant en compte non seulement les résultats des ATMP, mais aussi la pénibilité, les arrêts de travail, les accidents matériels. Le délinquant dans l'entreprise doit être sanctionné au même titre que le délinquant routier. Par ailleurs, en tant qu'Européen convaincu, j'estime que la protection sociale devra échapper à la subsidiarité et être traitée, demain, par l'Union européenne.

E & C : La réparation peut-elle rester forfaitaire ?

M. R. : La réparation intégrale s'impose, comme pour les accidents de la route ou les accidents médicaux, et ce, sans qu'il y ait besoin de rechercher la responsabilité pour faute, car celle-ci implique des procédures, des difficultés pour la victime et l'insécurité pour l'entreprise avec, en perspective, une dégradation des relations sociales. L'avenir est à un système rénové, fondé sur la réparation intégrale, géré par la Sécurité sociale, avec les partenaires concernés, dont les associations de victimes. Cela doit relever de la négociation et de la relation sociale et non de la lutte des classes. On peut s'inspirer du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), avec une réparation intégrale personnalisée mais fondée sur un barème. Pourquoi indemniser intégralement la veuve et l'orphelin d'un salarié décédé d'un cancer de l'amiante, et forfaitairement la famille d'un salarié mort d'un cancer dû aux poussières de bois ? Il faut mettre fin à cette iniquité insupportable !

E & C : Que faire par rapport à de nouveaux risques professionnels comme ceux liés aux nanotechnologies ?

M. R. : Des experts réclament d'approfondir les recherches pour savoir si des nanomolécules franchissent la barrière hémato-méningée. Pour ce risque comme pour d'autres, notamment ceux concernant les nouveaux produits chimiques ou les contraintes physiques sur les postes de travail, il est nécessaire de développer les connaissances. Mais sans doute faut-il imposer aux experts un cahier des charges précis avec des normes nationales ou internationales afin de garantir la qualité scientifique et l'indépendance des travaux, comme dans les pays anglo-saxons et scandinaves. Les agences spécialisées doivent rendre compte de leurs conclusions devant le Parlement. Si un danger est confirmé, il faut prendre immédiatement toutes les décisions de santé publique nécessaires afin de ne pas renouveler le drame de l'amiante. Il faut aussi étudier les psychopathologies liées au travail pour mettre en place des politiques adéquates de prévention, de management et de réparation. Mais se garder d'imputer au travail le malaise sociétal ou d'autres maux étrangers à la sphère de l'entreprise, car on risquerait de banaliser et de socialiser le risque professionnel. Il est urgent qu'un consensus soit trouvé sur la santé au travail. Il y a tant d'économies à réaliser, de vies à sauver et de qualité de vie à préserver.

La force de conviction, Jean-Claude Guillebaud, Seuil, 2005.

Eloge de la lenteur, Carl Honoré, Marabout, 2005.

Les bienveillantes, Jonathan Littell, Gallimard, 2006.

parcours

Marcel Royez est, depuis 1988, secrétaire général de la Fnath, association des accidentés de la vie. Il a été le président fondateur de l'Andeva (Association nationale de défense des victimes de l'amiante) et président de la Fédération internationale des personnes handicapées physiques.

Il siège, notamment, au Conseil national consultatif des personnes handicapées, au Conseil supérieur de prévention des risques professionnels, à l'Institut national de veille sanitaire et au conseil de la Cnamts.

Il a rédigé, entre autres, le chapitre Prise en charge des personnes handicapées, dans le Traité de santé publique (Flammarion, 2004).

Auteur

  • Martine Rossard