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Faut-il abolir l'obligation légale et le DIF ?

L'actualité | L'événement | publié le : 12.09.2006 | Laurent Gérard

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Faut-il abolir l'obligation légale et le DIF ?

Crédit photo Laurent Gérard

« Supprimons l'obligation légale de financement de la formation professionnelle et le Droit individuel à la formation, qui ne servent à rien, et remplaçons-les par une politique financée par l'impôt », avancent deux économistes dans un rapport. Débats houleux en perspective.

Pierre Cahuc et André Zylberberg, respectivement économistes à l'Insee et au CNRS, n'y vont pas par quatre chemins : ils proposent de supprimer l'obligation légale de financement de la formation professionnelle des entreprises, d'abroger le tout nouveau Droit individuel à la formation ; et de les remplacer tous deux par une politique de subventions ciblées de l'Etat, financée par l'impôt.

Comment justifient-ils leur proposition ? Par le fait que « le système français de formation continue est inéquitable et inefficace. Il profite aux salariés les mieux formés et les mieux payés, dont les formations sont financées par des salariés moins bien payés qu'eux. Il offre peu de véritables perspectives de promotion sociale. Et il ne permet pas aux chômeurs les plus éloignés de l'emploi de suivre des formations longues et coûteuses, qui seules pourraient favoriser leur retour vers un emploi stable ». Des constats unanimement partagés. Au final, ajoutent les économistes, « ces obligations de dépenses pesant sur les entreprises conduisent à entretenir des circuits de financement opaques aboutissant à des formations dont la qualité est pour le moins très imparfaitement contrôlée ».

Intérêts privés

Fondamentalement, estiment Pierre Cahuc et André Zylberberg, les dépenses de formation des entreprises sont motivées par leurs seuls intérêts privés, car les éventuels bienfaits collectifs de leurs efforts ne sont pas soutenus par l'Etat. Pour les entreprises qui dépassent l'obligation légale, celle-ci n'a aucune incidence sur leurs décisions de formation. Pour les autres, en-deça de l'obligation légale, la situation se résume au choix qu'elles auraient de toute façon fait en l'absence d'un tel système, si ce n'est qu'elles versent une taxe aux Opca. « Un bon système devrait inciter les acteurs à accroître leurs dépenses privées de formation, estime, au contraire, André Zylberberg. Le système français de «former ou payer» n'aboutit pas à ce résultat. » Il faut donc le supprimer.

Responsabilités de l'Etat

Mais ce n'est pas pour ne rien mettre à sa place : l'Etat doit prendre ses responsabilités en subventionnant les actions de formation des entreprises les plus intéressantes pour la collectivité et pour les personnes les moins formées. « La subvention devrait être financée à partir du budget de l'Etat et non par une taxation spécifique sur la masse salariale ou sur la valeur ajoutée des entreprises. Comme ce sont les détenteurs de hauts revenus qui profitent le plus de la formation continue, la logique voudrait que ce soit aussi eux qui soient le plus taxés pour limiter les effets antiredistributifs. L'impôt progressif sur le revenu remplit cette tâche. »

Bombe financière

Forcément, dans cette logique, le Droit individuel à la formation (DIF) doit être supprimé, car il est de trop faible durée, donc inefficace, indifférencié entre les salariés, donc inéquitable, et qu'il représente une bombe financière pour les entreprises. « Le DIF, unanimement approuvé par les partenaires sociaux, ne fait que renforcer cette tendance du système actuel qui consiste à faire payer, par le biais de prélèvements obligatoires, l'ensemble des salariés et des entreprises pour la formation des travailleurs les plus qualifiés, qui peuvent ainsi accroître leurs revenus ou améliorer la stabilité de leur emploi », assènent à nouveau les deux économistes.

Rapport oublié dans les tiroirs

Cette analyse (et d'autres, notamment sur la formation des chômeurs) s'exprime dans un rapport (1) remis au Centre d'observation économique de la CCI de Paris, mais les auteurs ajoutent qu'elle n'engage en aucun cas le dit centre. En fait, ce rapport a été remis le 10 juillet dernier, mais est, depuis, resté dans les tiroirs. Les deux économistes ont décidé de prendre contact avec la presse la semaine dernière.

Le Medef, la FFP et d'autres se sont prononcés dans le passé pour la suppression de l'obligation légale, pivot de la loi de 1971, ou, du moins, sur la suppression de son aspect fiscal. Un article de l'ANI de 2003 prévoyait même de réfléchir à son abandon et à son remplacement par des engagements conventionnels. Mais, depuis l'enclenchement de la réforme, le sujet était aux oubliettes. Le double intérêt du rapport Cahuc-Zylberberg est de remettre la question au jour, et de proposer un financement alternatif. Partenaires sociaux, Opca et Etat auront certainement des commentaires à faire.

(1) La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive, par Pierre Cahuc (Crest-Insee, Paris-1) et André Zylberberg (CNRS et Paris-1). Pierre Cahuc est, par ailleurs, auteur, avec Francis Kramarz, du rapport De la précarité à la mobilité vers une sécurité sociale professionnelle, remis aux ministres de l'Economie et du Travail en novembre 2004.

Auteur

  • Laurent Gérard