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Enquête

Quelques branches pionnières

Enquête | publié le : 05.09.2006 | Eric Delon

Travail temporaire, industrie cuirs et peaux, fonderie, économie sociale, BTP... Quelques secteurs d'activité ont déjà bâti des parcours professionnels à destination de leurs salariés.

Martelé à l'envi par le gouvernement, certains partis politiques et autres organisations syndicales, le concept de «sécurisation des parcours professionnels» ne manque pas d'interpeller les branches professionnelles.

Dans un récent rapport intitulé Les apports de la négociation de branche suite à la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie (1), commandé par le ministère du Travail et des Affaires sociales et réalisé par le cabinet Circé Consultants (groupe Amnyos Consultants), 70 % des accords desdites branches - parmi lesquelles l'agriculture, les assurances, l'industrie des cuirs et peaux, le BTP, l'horlogerie, le pétrole, Syntec Informatique, le travail temporaire... - citent explicitement la notion de «parcours professionnel».

Emergence de la notion de parcours

« On constate un glissement sémantique entre l'action de formation traditionnelle et la notion, plus extensive, de parcours. L'ANI (Accord national interprofessionnel) du 5 décembre 2003 reprend à son compte l'idée de parcours, notamment dans l'article consacré à la période de professionnalisation », analyse Jean-Raphaël Bartoli, directeur du groupe Amnyos Consultants.

Mais attention, si un nombre croissant de branches professionnelles mentionnent la notion de parcours dans leurs accords de branche, ce dernier n'est encore nullement reconnu juridiquement par le livre 9 du Code du travail qui régit la formation professionnelle en France. « Seule la notion de stage de formation est reconnue et donc finançable », précise Jean-Raphaël Bartoli. Les accords de branche intégrant la notion de parcours précisent que, pour garantir de véritables parcours professionnalisants, les périodes de professionnalisation doivent être impérativement précédées d'une action d'évaluation individuelle réalisée conjointement par le salarié et l'employeur. « Ces accords reconnaissent que le parcours de professionnalisation est une combinatoire associant bilan de compétences, VAE (2), formation en situation de travail, tutorat, formation externe... », souligne Jean-Raphaël Bartoli.

Trajectoire professionnelle

A titre d'exemple, la branche du travail temporaire incite à penser l'articulation des dispositifs dans le cadre d'une « trajectoire professionnelle, afin de permettre à chaque salarié (permanent ou intérimaire) d'être acteur de son évolution professionnelle et d'être en mesure de construire son propre parcours tout au long de sa vie professionnelle ». L'accord affirme qu'il convient de développer, de formaliser et de financer la pratique des entretiens professionnels, le bilan de compétences, la VAE... « Au sein de la branche, la transférabilité des droits de nos intérimaires est garantie, explique François Roux, délégué général du Prisme (ex- Sett), syndicat des professionnels du travail temporaire. Les collaborateurs intérimaires cumulent leurs droits d'un contrat à l'autre et d'une entreprise de travail temporaire à l'autre. »

Dispositif original

De son côté, la branche industrie cuirs et peaux encourage un dispositif particulier et original - les parcours modulaires qualifiants (PMQ) - à destination des salariés les moins qualifiés. Le principe : le salarié décrit son activité dans le cadre d'un questionnaire. Puis un formateur et un professionnel du secteur l'observent sur son poste de travail, procèdent à une évaluation sur informatique de ses connaissances et de son savoir-faire, avant de réaliser un entretien final de validation. La comparaison des résultats avec les compétences exigées par le référentiel PMQ conduit soit à l'engagement du salarié dans un parcours de formation, soit à la délivrance directe du diplôme.

Limite structurelle

« Si le concept de parcours est repris par de nombreux accords de branche, son extension au service d'une sécurisation des trajectoires professionnelles des individus se heurte à une limite structurelle, tempère Jean-Raphaël Bartoli. Le jeu de la négociation au niveau des branches conduit à cloisonner le marché du travail, lequel apparaît de moins en moins structuré dans une logique sectorielle. » Car, soulignent les spécialistes, la mobilité des trajectoires professionnelles est tout autant «transbranches» qu'interbranches. C'est la raison pour laquelle les initiatives conduites par l'Agefos-PME ou par l'Opcareg autour du concept de qualifications transversales, au plan interprofessionnel, semble représenter une avancée importante pour construire des parcours de mobilité professionnelle à l'échelle des bassins d'emploi.

(1) Loi du 4 mai 2004.

(2) Validation des acquis de l'expérience.

Syntec Informatique : parcours professionnels hors branche

- Créé en 1970, Syntec Informatique est la chambre professionnelle des sociétés de services et d'ingénierie informatiques (SSII). Avec près de 505 adhérents, Syntec représente 85 % du chiffre d'affaires et des effectifs des sociétés de 10 collaborateurs et plus. « En mars dernier, dans le document intitulé Pour une vision prospective à cinq ans des métiers de la branche Syntec-CICF, le syndicat patronal a fait figurer, au titre d'action patronale, « l'identification et la qualification des parcours professionnels hors branche pour les métiers en régression, en création ou en développement ». « Cela devrait générer plus de fluidité et de flexibilité, permettant ainsi de sécuriser l'emploi et les parcours professionnels se déroulant au sein de la branche, explique Anne Vaisbroit, déléguée aux affaires sociales. Il serait envisageable de dresser pour nos métiers en régression un état des emplois hors de nos secteurs d'activité, dans lesquels les expertises et savoir-faire acquis dans nos métiers trouveraient la meilleure employabilité. »

- Autre projet : mettre en place des passerelles métiers avec d'autres secteurs d'activité. Une approche qui élargirait les perspectives et faciliterait les choix de réorientation professionnelle.

Economie sociale : un projet à l'étude

- Les employeurs de l'économie sociale cogitent sur «un projet de sécurisation des parcours professionnels des salariés». Sébastien Darrigrand, délégué général de l'Union des syndicats et groupements d'employeurs représentatifs dans l'économie sociale (Usgeres), s'en explique : « Afin qu'ils soient pleinement acteurs de leur trajectoire professionnelle, nous planchons depuis plusieurs mois sur un projet de sécurisation des parcours professionnels des salariés de la branche autour de quatre axes. Cette thématique nous tient particulièrement à coeur dans la mesure où nous proposons un grand nombre d'emplois, qui, pour beaucoup d'entre eux, ont une dimension saisonnière ou qui relèvent du temps partiel. »

- Premièrement, l'accompagnement des salariés à faible niveau de qualification à l'embauche sera valorisé, notamment par le biais des contrats d'accompagnement à l'emploi et des contrats d'avenir.

- Deuxièmement, la priorité sera accordée, dans le cadre des périodes de professionnalisation au sein des entreprises de l'économie sociale, aux jeunes, aux femmes et aux salariés à temps partiel.

- Troisièmement, la cohérence et la continuité des parcours professionnels seront favorisées pour que chaque salarié bénéficie d'un droit à la formation transférable, quelle que soit l'entreprise qu'il intègre dans le champ de l'économie sociale.

- Quatrièmement, une réflexion sur la convergence de certains outils d'emploi-formation devrait être menée pour favoriser les passerelles entre l'assurance chômage et l'assurance formation. Ces axes feront l'objet de discussions avec les organisations syndicales dans les prochains mois.

La fonderie mise sur la mobilité

- Touché de plein fouet par les vagues de délocalisations, le secteur de la fonderie connaît, depuis dix ans, une forte hémorragie. Les effectifs sont passés de 66 000 en 1996 à 46 000 en 2006. Le Syndicat des fondeurs de France travaille actuellement à un projet de mobilité de son personnel et fait figure de pionnier en matière de reconversion professionnelle.

- Afin de sécuriser les parcours professionnels, il encourage les salariés, menacés dans leur emploi, à se réorienter vers de nouveaux métiers, agriculture, eaux et forêts, métallurgie et bâtiment. Des contacts ont déjà été amorcés avec le BTP, en recherche permanente de personnel. Pour faciliter la transition professionnelle, l'Opcaim, l'organisme collecteur de la branche industrielle, devrait débourser 3 millions d'euros, sur la période 2006-2007, pour financer deux opérations : la sensibilisation à la GPEC pour les entreprises, et des actions de formation lourde (de 400 à 500 heures) pour les salariés. Le BTP pourrait également prendre en charge une partie de la reconversion.

- Quel sera le statut du salarié ? C'est là toute la question : « Nous souhaitons, selon Jean-Marc Ide, président de la commission emploi/formation professionnelle du syndicat et président de Manoir Industries, que la formation puisse commencer dès l'arrivée du salarié dans son entreprise d'accueil. L'objectif étant là d'éviter un passage par la case chômage. »

Auteur

  • Eric Delon